Qui a dit qu'en matière de ressources humaines (RH), le rôle des conseils d'administration se résumait au contrôle de la rémunération ? Si cette question est souvent scrutée à la loupe, les conseils tendent désormais à se pencher de plus près sur plusieurs enjeux de gouvernance liés aux RH, comme la santé et sécurité des milieux de travail, en vue d'attirer et de retenir les jeunes talents.
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«Nous vivons une guerre des talents, où l'enjeu n'est plus le nombre, mais la qualité des personnes recrutées», affirme Florent Francoeur, président-directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Le choix des hauts dirigeants est également devenu un facteur clé, plaçant ainsi l'enjeu de la rémunération au second plan. «Lorsque de grands dirigeants tels que Steve Jobs chez Apple ou Alain Bouchard chez Couche-Tard sont partis, on a bien vu que cela avait eu un impact à la Bourse», met en avant M. Francoeur.
Les entreprises se sont aussi rendu compte qu'un employé mobilisé, qui ressent une appartenance à son organisation, permet d'enregistrer des gains d'efficacité et de production. «Les conseils doivent désormais penser à la manière dont ils attirent les talents et dont ils les mobilisent», dit Serge Régnier, ancien vice-président des ressources humaines chez Gaz Métro.
Un comité RH aux enjeux larges
Les administrateurs ont le devoir de veiller à ce que la bonne personne soit à la bonne place au bon moment, aujourd'hui mais aussi dans un horizon de trois à cinq ans. «Cela signifie de passer en revue les enjeux de relève, de développement de compétences, de rémunération, de mobilisation, de santé et sécurité... Il s'agit d'un tout», explique Florent Francoeur.
La même question doit se poser relativement à la direction, notamment au pdg qui, pour jouer un rôle clé, doit toujours être aligné sur les objectifs stratégiques de l'entreprise. «Pour cela, il est essentiel de se doter d'un comité RH, composé de trois ou quatre membres du CA, pour faire en sorte qu'une relève ait bien été déterminée et qu'un plan de relève et de développement des jeunes talents soit mis en place», estime M. Francoeur.
Autrefois majoritairement composé de comptables qui débattaient des enjeux de rémunération, les comités RH se sont ouverts à d'autres expertises, habilitées à porter un regard critique sur l'ensemble des enjeux. «Un calendrier de travail doit être fixé pour étudier ces enjeux, puis une mesure régulière doit être effectuée au moyen d'indicateurs comme le taux de roulement, l'indice de mobilisation, les résultats en santé et sécurité», suggère M. Francoeur.
Gaz Métro effectuait par exemple, en alternance, un sondage portant sur la mobilisation de ses employés et, l'année suivante, un sondage sur la qualité de ses processus. «Ces deux éléments nous ont permis de faire des ajustements pour que la progression de la mobilisation et de l'efficacité soit constante», précise Serge Régnier.
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Savoir attirer la main-d'oeuvre
Le principal défi reste de repérer quelles sont les lacunes existantes et comment y remédier. «Trop souvent, les entreprises intègrent par exemple de la technologie dans leurs processus sans s'assurer auparavant d'avoir la main-d'oeuvre pour faire le travail», observe Florent Francoeur. Face aux jeunes de la génération Y prêts à s'investir à 100 % lorsque le jeu en vaut la chandelle, les organisations doivent de plus en plus faire preuve de flexibilité et, pour conserver les Y, offrir un équilibre leur permettant de concilier travail et vie de famille.
Chez Gaz Métro, Serge Régnier se souvient d'avoir implanté, au début des années 2000, la semaine de quatre jours pour l'ensemble des salariés syndiqués. «On y voyait un avantage certain en matière de rétention, mais il fallait aussi s'assurer que cela n'aurait pas d'impact négatif sur les opérations», raconte M. Régnier. Pour compenser, l'organisation a veillé à pouvoir réaliser des gains d'efficacité, en augmentant la polyvalence de ses agents.
Afin d'attirer de nouveaux talents et les retenir, les entreprises doivent également innover au chapitre de leur image de marque. «Mais encore faut-il que les valeurs suivent, en étant réellement mises en action au sein de l'organisation», précise M. Régnier. L'une des meilleures façons de le vérifier est d'interroger les employés de premier niveau sur le terrain. «Pour que cela fonctionne, il faut qu'il y ait un message clair qui découle du haut de l'organisation et descende ensuite aux différents niveaux», dit M. Régnier.
Un défi : la gestion de talents
Pour développer une bonne politique de gestion des talents, Serge Régnier estime que l'organisation doit se départir de sa gestion en vase clos et se tourner vers une gestion plus matricielle : «La meilleure façon de repérer des talents est de les faire entrer dans des équipes multidisciplinaires pour qu'ils participent à des projets. Cette façon permet de retenir les jeunes de la génération Y, qui souhaitent être plus mobiles et travailler en équipe», souligne-t-il.
Pour ses jeunes talents, Gaz Métro a par exemple expérimenté des mandats tournants, de courte durée, afin de former sa relève au sein de différents services (juridique, marketing, développement des affaires, opérations...). «Cela a permis de faire de belles découvertes, avec des gens que l'on voyait plutôt comme des spécialistes et qui se sont révélés de bons généralistes», souligne Serge Régnier.
Gouvernance
Série 5 de 5. Comment les conseils d'administration peuvent-ils se préparer à trouver des solutions aux principaux enjeux de gouvernance? Voici des conseils et des exemples de bonnes pratiques au sein des CA.
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