Il s'écrit quantité de choses sur le rôle et la gouvernance des conseils d'administration. On trouve beaucoup moins de matière sur leur composition. Pourtant, dès qu'on sort de l'abstraction pour travailler dans le réel, la composition d'un conseil d'administration a nettement plus d'importance que les règles de gouvernance. La performance d'un conseil d'administration est le produit de vraies relations entre de vraies personnes. Les qualités de ces personnes et la chimie entre elles font qu'un conseil est efficace ou dysfonctionnel.
Qu'attend-on d'un administrateur ? La réponse varie selon la phase de développement de l'entreprise. Les conseils ne sont pas l'apanage des grandes entreprises. Selon des recherches de la Banque de développement du Canada, les PME qui ont un CA ou un comité consultatif offrent une meilleure performance que les autres.
La première qualité d'un conseil ou d'un comité d'une PME ou d'une entreprise en démarrage sera sa petite taille : de trois à cinq personnes, fondateur compris. On recherchera des personnes présentant une ou plusieurs des qualités suivantes : une expérience en démarrage d'entreprise ; une expertise complémentaire à celle du fondateur ; un riche réseau de relations pertinentes chez d'éventuels bailleurs de fonds, clients, fournisseurs ou collaborateurs ; un souci authentique pour la réussite à long terme de l'entreprise. Collectivement, les membres du conseil devraient réunir toutes ces qualités.
La coalition devient plus complexe...
Avec le temps, l'entreprise prend de l'ampleur. Son capital peut néanmoins rester fermé longtemps, même lorsque ses ventes atteignent des centaines de millions de dollars.
À ce stade, la « coalition de contrôle » devient plus complexe. Moyennant un investissement conséquent, des investisseurs financiers réclament normalement une place au conseil ; le fondateur doit certes la leur accorder. Mais il doit éviter que les financiers prennent le contrôle - que ce soit par la simple majorité des votes ou par convention d'actionnaires. Les investisseurs financiers qui intègrent ainsi le conseil peuvent avoir de bonnes qualités d'administrateur, mais c'est loin d'être garanti. En outre l'objectif des investisseurs financiers est étroit. Ceux-ci visent le... rendement financier ! Pourtant, la vie d'une entreprise compose avec une réalité beaucoup plus large que sa seule dimension financière. Les autres membres du conseil, ceux qui sont indépendants de la direction et des financiers, doivent faire contrepoids. On les choisira pour leur capacité de se préoccuper du long terme et de l'ensemble des enjeux et des parties prenantes de l'entreprise : les clients, les employés, les fournisseurs, les communautés.
On voudra s'assurer que les candidats retenus comprennent et partagent les valeurs de l'entreprise. Certes, un CA doit être capable de remises en question, parfois radicales. Mais si les valeurs doivent être contestées, elles méritent un débat, et non la mort par ignorance ou insensibilité.
Quant à l'entreprise inscrite en Bourse, tout ce qu'on vient de dire de la moyenne ou grande entreprise à capital fermé reste pertinent. Cependant, comme l'entreprise appartient dorénavant à un grand nombre d'actionnaires anonymes, ses administrateurs doivent en outre posséder un mélange de sensibilité « politique » (dans le sens noble du terme) et de maîtrise des règles de gouvernance. Et, toujours, la volonté de rechercher l'intérêt à long terme de l'entreprise, d'en comprendre et d'en partager les valeurs fondamentales.
Des types à éviter à tout prix
Peu importe la taille et le stade de développement de l'entreprise, il y a des personnes qu'il faut à tout prix éviter de recruter au conseil :
> Le passager clandestin, qui recherche soit le statut, soit les avantages matériels liés à son poste - mais qui ne contribue pas à la vie de l'entreprise, ni par ses interventions aux discussions, ni par ses actions en dehors des réunions.
> Le complaisant, qui évite les désaccords à tout prix. Du moins, en public, mais qui voudra ensuite faire avancer ses idées par chuchotements interposés, quitte à créer des factions, toxiques pour la chimie du groupe.
> Celui qui a un trouble d'opposition, qui se met en valeur en écrasant la direction ou d'autres administrateurs. Les dirigeants ont besoin qu'on remette en question leurs décisions. Mais cette critique doit être positive, généreuse de suggestions, plutôt que de se borner à chercher des poux.
> L'auto-communicateur, qui s'écoute parler et irrite ceux qui veulent discuter de choses sérieuses.
Un processus rigoureux
On le voit, les exigences sont élevées. Pourtant, le processus de sélection d'un administrateur est trop souvent bâclé. Or, il doit être aussi rigoureux que s'il s'agissait du recrutement d'un cadre supérieur.
Chaque fois qu'un siège se libère, on fera d'abord la cartographie des compétences déjà présentes au conseil et des compétences qu'un ou des nouveaux venus devront renforcer. Avant d'offrir un poste d'administrateur, on considérera plusieurs candidatures possibles, on attendra d'un candidat qu'il manifeste clairement son intérêt, on lui fera passer une, préférablement plusieurs entrevues. On pourra même l'inviter à assister à une ou deux réunions du conseil avant de l'y nommer, question de le voir en action et de tester la chimie avec le groupe.