Avec la fin de la contestation judiciaire des environnementalistes devant la Cour supérieure du Québec et le projet de loi pour soustraire la cimenterie de Port-Daniel-Gascons de l'examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), Ciment McInnis peut poursuivre son projet sans entrave. Reste à voir toutefois si sa stratégie axée sur le transport maritime procurera les résultats escomptés.
Car, contrairement aux cimenteries de la côte est de l'Amérique du Nord, Ciment McInnis sera la seule usine à transporter son ciment par bateau à ses clients canadiens et américains. Le modèle d'entreprise des autres cimenteries du Québec, par exemple, repose sur le transport par camion.
S'appuyant sur une analyse faite tous les deux ans par l'université de l'Iowa, aux États-Unis, Ciment McInnis affirme que le transport par bateau est beaucoup moins coûteux que celui par camion ou par train.
La société donne l'exemple d'une livraison de ciment qui serait effectuée de la cimenterie de Holcim Canada, à Joliette (dans Lanaudière, près de Montréal), à la ville de Boston, au Massachusetts.
Par camion, le transport de ce ciment coûterait de 40 $ à 45 $ la tonne, tandis que celui par train serait de 30 $ à 35 $, selon les données de Ciment McInnis.
Mais à partir de la cimenterie de Port-Daniel-Gascons, dans la Baie des Chaleurs, le transport d'une cargaison de ciment par bateau ne coûterait que de 10 $ à 12 $ la tonne. Un bateau peut contenir jusqu'à 1 500 camions de ciment.
C'est là où réside toute la force de la stratégie d'affaires de la cimenterie de Port-Daniel-Gascons de Ciment McInnis, fait valoir la société.
Selon cette dernière, c'est d'ailleurs pourquoi les cimentiers comme Lafarge Canada craignent tant que l'arrivée de ce nouveau joueur. Ciment McInnis avait déjà dépensé ou engagé 500 millions de dollars en décembre 2014.
Rappelons que Lafarge Canada et deux groupes environnementaux (le Centre québécois du droit de l'environnement et Environnement Vert-Plus) ont déposé une poursuite, en août 2014, pour forcer le gouvernement et Ciment McInnis à soumettre le projet à un examen du BAPE.
Le procès devait débuter le 2 mars. Mais depuis que Québec a indiqué qu'il adopterait un projet de loi pour soustraire le projet à un examen du BAPE (prétextant que la cimenterie avait déjà ses certificats d'autorisation), la requête de Lafarge a été repoussée à une date indéterminée.
La moitié de la production exportée aux États-Unis
Lorsqu'elle sera en service, d'ici la fin de 2016, la cimenterie de Port-Daniel-Gascons exportera 50 % de sa production de 2,2 millions de tonnes par année sur la côte est des États-Unis.
Ce marché est très intéressant, car les États-Unis - un importateur de ciment - devront construire des digues de béton dans les prochaines années pour contrer la montée des eaux en raison des changements climatiques.
Et pour livrer son ciment sur la côte américaine, Ciment McInnis investira 300 millions de dollars canadiens pour aménager des terminaux dans des ports américains. La société fera de même au Canada. L'entreprise refuse de dire pour l'instant où seront situées ces installations.
Au Canada, Ciment McInnis vise des clients «indépendants» - qui ne font pas partie d'une grande société intégrée comme Lafarge Canada - tels que Béton Provincial, une entreprise de Matane.
Le quart des ventes canadiennes au Québec
Pour l'instant, aucune entente n'a été conclue avec cette entreprise, précise Maryse Tremblay, directrice, communications et responsabilité sociale d'entreprise de Ciment McInnis. «C'est un client potentiel. Notre équipe de ventes commencera à se mettre en place dans les prochaines semaines.»
Au Canada, les trois marchés ciblés sont l'Ontario, les Maritimes et le Québec.
Sur 1,1 million de tonnes qui seront vendues au Canada, Ciment McInnis compte en écouler 27 % dans la province, soit 300 000 tonnes.
L'objectif est de vendre ces 300 000 tonnes à Béton Provincial, qui importe actuellement cette quantité de ciment de la Corée du Sud pour fabriquer du béton à Matane. C'est d'ailleurs ce béton qui sert à construire la cimenterie de Port- Daniel-Gascons.
INFOS
Ciment McInnis, à Port-Daniel-Gascons
Propriétaire: Groupe Beaudier, une société contrôlée par la famille Beaudoin (Bombardier)
Voici, en résumé, la structure financière de ce projet de 1,1 milliard de dollars canadiens. Tout d'abord, il y a un investissement en capital de 400 M$ du Groupe Beaudier, de la Caisse de dépôt et d'autres investisseurs. Il y a aussi un investissement de 100 M$ d'Investissement Québec. Des prêts commerciaux complètent le financement : 360 M$ d'un syndicat bancaire et 250 M$ d'Investissement Québec.
Production: 2,2 millions de tonnes de ciment par année
Mise en service: 2016
Marchés: Ontario, Québec, Maritimes, côte est des États-Unis
Emplois: 400 emplois directs et indirects durant la phase d'exploitation
Émissions de GES: 1,76 million de tonnes par année (calcul en fonction du pire scénario)
Source : Ciment McInnis