Faire mieux avec moins semble aussi être un des mots d'ordre des grands de la comptabilité. «Notre volume d'activité a connu une croissance fulgurante, mais en étant plus efficaces, en travaillant moins en silo, on a réussi à faire le travail avec un peu moins d'employés sans pour autant couper du personnel», assure Emilio Imbriglio, pdg de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
RCGT reprend la tête du top 25 des cabinets comptables au Québec cette année, après avoir cédé la première place à Deloitte en 2013, malgré une baisse de ses effectifs de 2 %. Une réduction que le pdg attribue à «l'amélioration des procédures et des façons de faire».
Prochaine étape de ce processus d'amélioration de la compétitivité : augmenter le nombre de services partagés. «Les technologies de l'information et de la communication sont déjà gérées par un centre unique. On va faire de même pour les finances, les ressources humaines, la communication, le marketing et le développement des affaires», énumère le pdg.
De son côté aussi, Deloitte (2e rang), qui emménagera dans la tour Deloitte à l'été 2015, a travaillé sur l'amélioration de la productivité, ce qui explique notamment la stabilité de ses effectifs, selon Brigitte Vachon, associée leader de marché pour les Entreprises en croissance du Grand Montréal.
Cette préoccupation d'amélioration de la compétitivité est très présente sur le marché. Et les solutions sont diverses. «Nous nous appuyons sur notre réseau mondial pour faire effectuer des tâches sans valeur ajoutée par nos équipes en Inde notamment où le coût de la main-d'oeuvre est bien moindre», explique Guy Langlois, associé directeur pour la province du Québec chez KPMG (5e rang).
Absent depuis 2002 de Québec, le cabinet a utilisé notamment les ressources de Secor pour installer, en janvier, une équipe d'une vingtaine de personnes dans des locaux flambants neufs sur Grande-Allée. KPMG a l'ambition de faire grandir son équipe pour atteindre la centaine d'employés d'ici 1,5-2 ans.
Dans ce contexte de rationalisation des moyens et donc de stabilisation des effectifs, seul FBL effectue un bond notable dans le Top 25. Treizième l'année dernière, il est neuvième cette année avec une augmentation de 54 % du nombre d'employés. Une progression due, outre la croissance des succursales existantes, à deux nouvelles implantations du cabinet à Québec et Farnham, qui emploient au total une cinquantaine de personnes.
Les grandes firmes magasinent
Car le phénomène de consolidation du marché se poursuit. Une bonne partie de la croissance des effectifs des firmes du top 25 est liée à des acquisitions. Ces achats visent soit une expansion géographique soit la diversification et la spécialisation des services offerts.
L'année dernière, Deloitte a acquis une société spécialisée dans la résolution de litiges et de gestion de projets dans le domaine de la construction, TMA Consultants en construction, de façon à «élargir la portée de Deloitte dans le domaine des projets d'infrastructure et d'investissement partout au Canada», explique Brigitte Vachon.
Pour sa part, RCGT a accru en 2013 sa présence à trois endroits (Gatineau, Chicoutimi et Rivière-du-Loup). Le cabinet s'est installé pour la première fois à Nicolet à la suite d'acquisitions et compte deux nouvelles filiales. Il faut aussi ajouter la fusion, en mai 2013, avec la firme M4S qu'elle a intégrée à sa pratique en recherche scientifique et développement expérimental.
Bien que le phénomène de consolidation dure depuis plusieurs années, le mouvement est loin d'être fini, croient les acteurs du milieu de la comptabilité. «Il reste plein de petits cabinets comptables, constate Marcel Bergeron, associé CPA chez FBL. Or, les cabinets deviennent multidisciplinaires aujourd'hui. Pour avoir des spécialités, il faut une masse critique, difficilement accessible aux petits. Le défi est là. L'alliance avec de plus gros cabinets représente une option intéressante pour ces petits acteurs, car ils leur apportent des expertises pointues.»
Dans les petits cabinets, de nombreux comptables travaillant seuls ou au sein d'une toute petite équipe voient l'âge de la retraite se profiler à l'horizon. Fusionner ou s'associer avec plus grand qu'eux leur permet de s'adapter aux nouvelles réalités du marché et de transférer en douceur leur clientèle.
Ce n'est pourtant pas la fin des petits cabinets, estime Daniel McMahon, président et chef de la direction de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. «Même si le cycle d'unification des cabinets est en cours, les grandes firmes représentent une infirme proportion du secteur. La très grande majorité est constituée de petits cabinets avec un ou deux associés et une dizaine d'employés au total. Ils desservent de petites entreprises auxquelles leurs services et leurs tarifs compétitifs sont adaptés», avance-t-il.
Des propos d'ailleurs confirmés par les firmes du top 25 qui, bien qu'elles soient sur le mode de l'acquisition, entrevoient qu'il y aura toujours de la place pour les plus petits. Ceux-ci couvrent en effet une clientèle - la très petite entreprise - qu'elles ne convoitent pas.
Élargir les services
Les firmes du top 25 sont attirées par les plus grosses entreprises, et pour faire croître leur marché dans ce secteur, elles élargissent leur gamme de services. Le but : offrir le maximum des services dont a besoin une entreprise tout au long de son existence. Quitte à s'éloigner de la comptabilité pure et dure.
Ce grand écart ne fait pas peur aux plus grandes firmes. Il est moins marqué dans les cabinets de moindre taille. «On envisage plus volontiers des partenariats que le rachat d'expertises dans des champs moins traditionnels. On préfère mettre notre énergie dans nos compétences traditionnelles», explique Marcel Bergeron, de FBL. La firme propose néanmoins «l'assistance de conseillers scientifiques» pour demander, le cas échéant, des crédits d'impôt pour recherche scientifique et développement expérimental.
Certains cabinets commencent à privilégier la croissance en l'état actuel des choses plutôt que l'augmentation sans fin des nouvelles compétences. Ainsi, Richter (7e rang), dont les effectifs sont relativement stables, «ne prévoit pas d'augmentation de ses services prochainement», selon Paule Bouchard, porte-parole de Richter, qui considère la gamme actuelle «relativement complète».
La diversification des services risque de continuer. La prochaine étape - déjà amorcée par certains - sera peut-être le global reporting. Le phénomène est suivi de près par l'Ordre qui anticipe des répercussions importantes dans les cabinets. «À l'avenir, il faudra sûrement apprendre à ajouter dans les rapports annuels d'entreprise de nouvelles données démontrant les résultats économiques mais aussi sociaux et environnementaux de la société cliente», suggère Daniel McMahon. Des firmes ont déjà ouvert la voie en offrant notamment des services liés au développement durable.