La Banque mondiale financera finalement le pont Padma, au Bangladesh. Mais pour toucher le prêt, le gouvernement doit réaliser le projet sans SNC-Lavalin… et les représentants de l’État que la firme est soupçonnée d’avoir voulu acheter.
Afin d’obtenir les fonds, Dacca a dû faire le ménage. Il a renvoyé le ministre des communications Syed Abul Hossain, un conseiller de la première ministre et le secrétaire du département des ponts, selon le Telegraph de Calcutta.
Après l’avoir annulé en juin, la Banque mondiale autorise donc un prêt de 1,2 milliard de dollars US pour ce vaste projet d’infrastructure, jugé essentiel à la croissance économique du pays.
L’institution internationale se réjouit des mesures qu’a décrétées le Bangladesh. «La Banque mondiale comprend que tous les employés du gouvernement et les fonctionnaires présumés impliqués dans les actes de corruption en lien avec le projet ont été suspendus d’ici à ce qu’une enquête soit complétée, et qu’une enquête complète et équitable est en cours.»
La filiale de SNC-Lavalin soupçonnée d’avoir préparé des pots-de-vin pour ces dirigeants est toujours bannie des nouveaux appels d’offres pour des projets financés par la Banque mondiale.
L’institution dit disposer «d’une preuve crédible, corroborée par diverses sources, de l’existence d’un complot de corruption impliquant des fonctionnaires de haut niveau du gouvernement du Bangladesh, des cadres de la SNC-Lavalin ainsi que des particuliers en rapport avec le projet du pont multifonctionnel».
À l’époque des faits, la firme de génie montréalaise tentait d’obtenir la direction du mégachantier, contrat qui n’a finalement pas été attribué. Le projet prévoit la construction d’un pont de six kilomètres au-dessus du Gange, pour 2,9 milliards de dollars US.
La Gendarmerie royale du Canada avait participé à l’enquête en menant une perquisition dans les bureaux de la firme à Toronto. La police fédérale a ensuite inculpé Ramesh Shah et Mohammad Ismail, deux anciens employés de SNC-Lavalin, de corruption d’agents publics étrangers.
Scandales en série
Les problèmes de la firme de génie montréalaise au Bangladesh s’ajoutent à une série de scandales de corruption la concernant.
Ian Bourne a remplacé fin mars l’ancien dirigeant Pierre Duhaime, parti après la révélation de paiements suspects de 56 millions de dollars à des agents commerciaux. L'ex pdg les avait autorisés à la demande de l’ancien vice-président directeur Riadh Ben Aïssa, contre l'avis du conseil et de la direction financière. Pierre Duhaime a tout de même pu empocher une indemnité de départ de 4,9 millions.
En outre, des enquêtes sont en cours sur des contrats de SNC-Lavalin en Suisse, en Tunisie, en Libye et en Inde. Au Québec, les activités de la firme seront assurément scrutées à la loupe par l’Unité permanente anticorruption et la commission Charbonneau sur la construction, qui se penchent sur les liens entre les firmes de génie et de construction, la pègre et le financement politique.