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Aequitas veut créer une Bourse plus équitable

Par Valérie Lesage


Édition du 31 Janvier 2015

Redonner à la Bourse sa raison d'être, c'est-à-dire créer de la richesse pour les investisseurs et fournir des liquidités pour la croissance des entreprises, voilà la mission qui animera la Neo Bourse Aequitas au printemps. Les actionnaires de ce nouvel acteur, qui fera concurrence à la Bourse de Toronto, veulent contrer les stratégies prédatrices des courtiers de grande vitesse qui, depuis 2008, minent la confiance à l'égard des marchés des capitaux.


«La raison d'être de la Bourse ne devrait pas être de maximiser ses propres bénéfices, mais de soutenir l'économie», a affirmé le président et chef de l'exploitation d'Aequitas, Jos Schmitt, devant les CFA de Québec le 16 janvier.


La société privée qu'il dirige, et qui compte des actionnaires comme BCE, CI Investments et IGM Financial, veut s'assurer d'une meilleure équité dans les échanges en Bourse et de plus de transparence pour les investisseurs et les émetteurs de titres. Un peu comme les projets IEX aux États-Unis et Plato en Europe.


«C'est le début d'une vague de fond. Elle sera très bonne pour rétablir la confiance dans les marchés et redonner à l'économie les outils dont elle a besoin», considère M. Schmitt, qui cumule 25 ans d'expérience en gestion des plateformes boursières en Europe et en Amérique du Nord.


Sur les marchés, la crise de confiance est marquée, le sentiment d'injustice se creuse. Selon une étude du CFA Institute en 2013, seulement 19 % des investisseurs sont vraiment convaincus d'avoir une vraie occasion de réaliser des bénéfices en investissant dans le marché des capitaux au Canada. L'une des raisons, outre le contexte géopolitique, serait la montée des courtiers de grande vitesse.


«Divers sondages et études montrent que les investisseurs individuels croient que le marché est défavorable aux petits investisseurs, et les investisseurs institutionnels ont l'impression que les gagnants dans le marché ne sont pas ceux qui ont les meilleures idées d'investissement, mais ceux qui peuvent tirer avantage de la vitesse d'information par la technologie», dit M. Schmitt.


Les courtiers de haute vitesse profitent d'outils technologiques qui leur procurent un avantage informationnel. Quand ils voient qu'un investisseur institutionnel a placé un ordre d'exécution sur une Bourse, ils anticipent que cet ordre d'achat d'actions sera scindé sur les autres Bourses du monde, et alors, ils devancent l'investisseur pour acheter le même titre et le lui revendre aussitôt, à prix plus élevé.


Ramener les vrais mainteneurs de marché


Les Bourses profitent tellement du phénomène, qui crée un volume transactionnel payant pour elles, qu'elles soutiennent les courtiers à haute vitesse. De 2010 à 2014, des centaines de millions de dollars ont été investis dans les réseaux de télécommunications pour réduire le temps de transmission de l'information entre les Bourses de Chicago et de New York - de six millièmes de seconde !


Conséquence de ces stratégies, les liquidités sont en chute et se concentrent sur 200 à 250 titres à Toronto.


«Les courtiers à haute vitesse sont des opportunistes qui sont là quand ça leur convient, sinon ils disparaissent. Ça crée beaucoup de volatilité sur les titres, ce qui n'est pas très bon. Et ils empêchent les mainteneurs de marché [market makers] d'accomplir leur véritable intention, soit de fournir des liquidités pour gagner de l'argent», explique M. Schmitt.


Aequitas, dont la plateforme négociera les titres du TSX et de la Bourse de croissance du TSX à partir de mars, et aussi ses propres inscriptions à partir de mai, freinera l'avantage des courtiers de haute vitesse en utilisant des ralentisseurs (speed bumps). Son objectif est de ramener les vrais mainteneurs de marchés, qui sont les filets de sécurité des liquidités, mais que les prédateurs ont détrônés. Aequitas leur garantira une participation aux échanges, avec 15 % des ordres entrants, des tarifs réduits et de nouveaux outils pour jouer leur rôle et favoriser l'investissement à long terme.