La nouvelle génération de médicaments génériques issus des biotechnologies ouvrent des horizons aux pharmaceutiques en quête de marchés à développer.
La manne des gros brevets pour de nouvelles molécules tend à diminuer en raison du ralentissement de l'innovation dans les grandes pharmaceutiques. L'industrie a donc besoin d'un nouveau filon à exploiter. Et elle pourrait bien le trouver du côté des biotechnologies.
Plusieurs brevets de biotechnologies expireront au cours des dix prochaines années. Par exemple, Mabthera et Avastin (ventes mondiales supérieures à 4 milliards de dollars par an) perdront leur brevet respectivement en 2015 et 2018. Cela ouvrira les portes à un marché colossal : les biogénériques ou biosimilaires, aussi appelés produits biologiques ultérieurs, une nouvelle génération de médicaments génériques issue des biotechnologies.
Ce marché mondial était évalué à 311 millions de dollars en 2010. Il devrait dépasser les 2 milliards de dollars par an en 2015, selon IMS Health. Les biosimilaires sont de 30 % à 60 % moins coûteux que les biomédicaments d'origine. Un avantage qui devrait leur permettre de se tailler une place importante sur le marché des médicaments.
"À l'avenir, la plus grande augmentation des coûts en santé sera liée aux médicaments issus des biotechnologies, car ils sont de plus en plus demandés en raison de leur efficacité, mais aussi très coûteux. Pour un produit comme le Remicade, il faut compter 3 600 $ par injection. On comprend donc que les biosimiliaires, c'est le futur", clame Elie Betito, directeur scientifique du fabricant torontois de génériques Apotex.
Percée au Québec
L'intérêt pour ces nouveaux médicaments gagne timidement le Québec. "C'est une nouvelle réalité et une avenue prometteuse. Les grandes comme les petites pharmaceutiques y trouvent leur compte. La croissance par acquisition et fusion a atteint ses limites au cours des dernières années. Les entreprises se tournent donc vers d'autres solutions", indique Mario Lebrun, directeur de BIOquébec. L'organisme a mis sur pied il y a deux ans un comité formé d'une dizaine d'entreprises qui s'intéressent aux biosimilaires.
Plusieurs pharmaceutiques montent dans le train. Le premier médicament "biogénérique" issu des biotechnologies, l'Omnitrope, une hormone de croissance destinée au marché pédiatrique, a été lancé par Sandoz au Canada en 2010, après avoir été mis au point dans les laboratoires du groupe en Europe. "On compte en lancer d'autres dans les années à venir. Cela permettra d'offrir des médicaments de haute qualité à prix abordable", dit Michel Robidoux, président de Sandoz Canada.
Le fabricant de vaccins Medicago espère pour sa part pouvoir commercialiser ses premiers similaires d'ici 2020.
Une expertise très particulière
Les biosimilaires n'envahiront pas le marché canadien demain matin. Il reste en effet d'importants défis à relever.
"Leur fabrication demande une expertise particulière", souligne Pierre Falardeau, pdg d'Oncozyme Pharma et expert des biotechs. Dans le générique classique, les molécules chimiques ne varient donc pas en cours de production. Dans les biotechs, on travaille avec du vivant. "On ne peut pas modifier le processus de fabrication en raison de la complexité du produit fini. On doit développer des contrôles très rigoureux pour vérifier chaque étape du processus", indique M. Falardeau.
Si la recette est la même, le résultat peut différer sensiblement du produit de référence. C'est pourquoi Santé Canada a décidé que les biosimilaires ne seront pas interchangeables avec le produit d'origine. Un pharmacien ne pourrait donc pas décider de remplacer automatiquement un biomédicament par sa copie.
Avance des biotechnologies
"Les entreprises qui auront pris le virage des biotechnologies seront très bien placées pour produire des biosimilaires, car elles disposeront du savoir-faire, de l'équipement et de la main-d'oeuvre nécessaires", estime Mario Lebrun, directeur de BIOQuébec.
Ce n'est pas un hasard si le fabricant de génériques montréalais Pharmascience a acquis au printemps la société Aegera Therapeutics, une biotech spécialisée en oncologie.
"Pour produire des biosimilaires, il faut une infrastructure et une expertise que les pharmas traditionnelles ne possèdent pas. Plusieurs se montrent donc intéressées à acquérir des biotechs pour se positionner sur ce marché", indique M. Falardeau. Une belle occasion à saisir pour une industrie des biotechnologies qui a été rudement éprouvée ces dernières années.
Malgré tout, il y a loin de la coupe aux lèvres avant de développer une industrie du biogénérique. La production à grande échelle de médicaments biologiques comporte en effet des risques élevés. "C'est 10 fois plus cher et plus compliqué. Cela prend des reins solides", soutient Elie Betito, d'Atopex.
Mais le jeu en vaut la chandelle. "Malgré les risques, c'est rentable, car les sommes en jeu sont tellement importantes que même une part de marché faible permet de générer des profits énormes", soutient M. Falardeau.
Les premiers biosimilaires à voir le jour proviendront de protéines simples à reproduire, comme l'insuline et les hormones de croissance. Des protéines plus complexes, dont certains anticorps et des molécules pour traiter le cancer, arriveront par la suite.
Les entreprises de biogénériques ne remplaceront donc pas du jour au lendemain les entreprises traditionnelles du secteur, mais il faut assurément les avoir à l'oeil.