L'industrie pétrolière accueille très positivement l'implication du gouvernement Marois dans la phase d'exploration pour découvrir du pétrole à l'île d'Anticosti. Sa participation redore l'image de l'industrie québécoise, améliore le climat d'investissement et favorise l'acceptabilité sociale du développement pétrolier au Québec, estiment les acteurs du secteur.
Le 13 février, le gouvernement a annoncé qu'il investissait 115 millions de dollars dans deux projets pour confirmer le potentiel pétrolier à Anticosti, estimé à 46 milliards de barils de pétrole (dont 2 % à 5 % seront récupérables), selon le consultant pétrolier Sproul Associates.
Ressources Québec, une filiale d'Investissement Québec, s'associe aux sociétés pétrolières québécoises Pétrolia et Junex, de même qu'à la néo-écossaise Corridor Resources et à la française Maurel & Prom.
«On voit ça d'un très bon oeil», dit Michael Binnion, président de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) et président et chef de la direction de Questerre Energy, qui possède plusieurs permis d'exploration dans la vallée du Saint-Laurent. Selon lui, cela envoie un signal positif aux investisseurs et à l'industrie pétrolière hors Québec, après le moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste décrété par les péquistes.
Son enthousiasme est partagé par Mario Lévesque, président de l'Association québécoise des fournisseurs de services pétroliers et gaziers (AFSPG), pour qui l'engagement du gouvernement redore l'image de l'industrie à l'étranger. «C'est un avantage pour l'industrie, car selon une perception répandue, le Québec n'est pas un endroit pour investir en raison des risques de moratoires», dit le président de Séismotion, une firme québécoise spécialisée dans les forages pétroliers.
«Nous sommes en contact avec des entreprises [étrangères] prêtes à investir au Québec si on trouve du pétrole», ajoute M. Lévesque.
Même les grands producteurs de pétrole jugent très positif l'investissement du gouvernement Marois dans cette phase d'exploration à l'île d'Antiscosti. «Québec devient un catalyseur pour les entreprises», dit Bob Bleaney, vice-président aux relations externes de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.
Favoriser de futurs investissements
Le gouvernement Marois ne s'investit pas dans les opérations. Il détient toutefois une participation minoritaire dans les coentreprises créées (de 35 % dans Pétrolia, Corridor Resources et Maurel & Prom, par exemple). Québec prend un risque financier, mais il accroît ses gains potentiels s'il y a du pétrole dans le sous-sol d'Anticosti.
Même si cette stratégie détonne avec ce qui se fait ailleurs au Canada, elle ne crée pas de précédent en Amérique du Nord, car ce sont les entreprises privées qui continueront d'avoir l'initiative sur le terrain, comme en Alberta. Donc, pas de surprise pour l'industrie.
«À l'exception de la Norvège, c'est le modèle qui prévaut en Europe et en Amérique du Nord», souligne Gaëtan Lafrance, spécialiste en énergie et professeur honoraire au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l'INRS.
En Norvège, la société pétrolière Statoil - une société inscrite en Bourse, dont le gouvernement norvégien est le principal actionnaire - est engagée dans la production et la commercialisation du pétrole. Des entreprises privées sont aussi très actives, notamment dans l'exploration.
En prenant des participations dans des coentreprises, le gouvernement Marois est donc très loin d'un modèle norvégien, disent les spécialistes. Et encore plus du modèle du Mexique, où la société d'État énergétique PEMEX a le monopole de l'exploitation des hydrocarbures.
Essentiel pour l'acceptabilité sociale
Cela dit, s'il y a un parallèle à faire avec la Norvège, c'est sur le plan de l'acceptabilité sociale de l'exploitation pétrolière. Car, à l'instar des Norvégiens, les Québécois considèrent que l'État a un rôle à jouer dans le développement énergétique, comme en témoigne leur attachement à Hydro-Québec.
«L'implication du gouvernement dans la phase d'exploitation va rassurer les Québécois, même si ce modèle de développement est semblable à celui de l'Alberta ou des États-Unis, affirme Germain Belzile, professeur d'économie à HEC Montréal, qui s'intéresse au secteur énergétique. C'est le meilleur compromis auquel on pouvait arriver.»
Pour Mario Lévesque, l'implication de Québec était essentielle pour que l'industrie pétrolière décolle au Québec. «Il n'y aurait pas de projet d'exploration à Anticosti sans la participation du gouvernement», dit-il, en donnant l'exemple du moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste.
«C'est une question d'acceptabilité sociale, car on connaît bien les techniques d'exploitation sécuritaire du gaz de schiste dans le monde», ajoute M. Lévesque.
Michael Binnion estime d'ailleurs que le gouvernement devrait s'inspirer de son implication dans le secteur pétrolier - en créant des coentreprises - pour valoriser ses réserves de gaz naturel.Pierre-Olivier Pineau, spécialiste en énergie à HEC Montréal, voit un autre avantage à l'engagement du gouvernement dans le secteur du pétrole : le Québec développera ses connaissances sur cette industrie, comme l'Alberta a su le faire au fil des décennies. «Le modèle mis en place par Québec maximise les retombées économiques tout en permettant de développer une expertise locale.»
Un Statoil québécois ?
Et pour la suite, si on trouve du pétrole ? Le gouvernement créera-t-il un Statoil québécois dans la phase d'exploitation ? C'est possible, mais peu probable, disent les analystes.
Selon Gaëtan Lafrance, les grandes pétrolières devront nécessairement s'engager dans cette phase. Ce sont elles qui ont surtout l'expertise - même Statoil a besoin de leur expertise en Norvège.
Mais qui sait ? Dans le passé, le Québec a déjà commercialisé à petite échelle du gaz naturel et du pétrole par l'intermédiaire de la Société québécoise d'initiatives pétrolières.