Richard Garneau, président et chef de la direction de Produits forestiers Résolu, était le conférencier du Rendez-vous financier Les Affaires, le 20 novembre à Montréal. Il a répondu aux questions de notre journaliste Marie-Claude Morin.
Les Affaires - Jusqu'à quel point pouvez-vous encore diminuer vos coûts d'exploitation et de quelle façon ?
Richard Garneau - Il faut regarder chacun des éléments. Pour la consommation de bois, on essaie de diminuer les pertes de fibre. La consommation d'eau est également importante, puisqu'il faut la chauffer pour produire de la vapeur. Moins on a besoin de vapeur par tonne de papier, moins on doit chauffer d'eau fraîche et moins on doit traiter d'eau usée. On regarde aussi les produits chimiques qu'on utilise, autant au chapitre des coûts que pour réduire notre empreinte environnementale. En matière de main-d'oeuvre, on a déjà fait beaucoup de restructurations et réduit le nombre d'employés requis pour produire une tonne de papier ou de pâte. L'aspect qualité du produit est également important : si on a moins de rejets, on a plus de volumes. On travaille énormément là-dessus.
L.A. - Vous avez parlé du coût de la fibre, qui a augmenté de 25 % depuis 2011. Quel serait un prix raisonnable, selon vous ?
R.G. - La fibre devrait coûter autour de 48 à 52 $ le mètre cube. Elle coûte 65 $, 70 $ à certains endroits et parfois plus. Il y a une différence de 10 à 15 $ le mètre cube avec d'autres juridictions, dont les États-Unis. C'est un désavantage important, et il y aura des conséquences à un certain moment. De plus, on est en train de perdre l'avantage de l'électricité, qu'on a eu pendant des années. On est rendu à 50 $ le mégawattheure (MWh), et ça augmente de 3 ou 4 % par année. Or, ça prend de 3 à 4 MWh par tonne de papier.
L.A. - Pourquoi la fibre coûte-t-elle plus cher au Québec ?
R.G. - La planification agricole et des chemins, auparavant faite par l'industrie, l'est maintenant par les fonctionnaires. On n'a pas accès au parterre de coupe où la fibre est disponible, et quand on y a accès, c'est souvent pour récolter l'été des blocs d'hiver. Comme c'est plus mou dans ces blocs, on ne peut pas construire de chemin ou il faudrait transporter de la gravelle. En plus des considérations environnementales : on ne veut pas aller dans les blocs d'hiver l'été et vice versa, parce qu'il y aura beaucoup trop de dommages. Les fonctionnaires ne vont pas assez vérifier sur le terrain le volume disponible pour la récolte. Quant au système de mise aux enchères (pour 25 % du bois), ce n'est pas un vrai système de prix de marché, puisqu'il y a un prix minimum. Tous ces éléments augmentent le coût de récolte de façon importante.
L.A. - Vous vous tournez de plus en plus vers la pâte et les papiers spécialisés. Quelle place occuperont ces créneaux ?
R.G. - Ça reste à déterminer, selon les occasions qu'on identifiera éventuellement. Mais on a 1,5 million de tonnes de pâte commerciale au total. C'est un avantage important. Le papier tissu, le carton-caisse : ces produits continuent de croître de 1,5 à 1,75 % par année. Ce sont des créneaux potentiels. C'est plus problématique pour nos usines de pâte mécanique au Québec et en Ontario, parce qu'on n'a pas encore vraiment ciblé de nouveaux produits qui permettent d'utiliser la technologie existante.
L.A. - Quel est votre objectif quant au volume dans ces créneaux ?
R.G. - Ce n'est pas vraiment une question de volume, parce que ça dépend du produit. On est en train d'examiner s'il serait opportun d'utiliser notre pâte pour produire des produits spécialisés. On est en phase de gestation.
L.A. - Vos liquidités s'élèvent à environ 900 millions de dollars. Comment les utiliserez-vous ?
R.G. - On veut concentrer nos liquidités dans le créneau où on va se repositionner. On étudie un paquet de projets, mais on a toujours insisté sur la discipline. Il faut vraiment faire l'acquisition de bons actifs, qui vont nous permettre de nous démarquer dans le futur. Tout est sur la table. On parle d'acquisitions, mais ça pourrait être des fusions. Tout sera pris en considération, en fonction des occasions qui se présenteront. Bref, ces liquidités seront utilisées un jour, mais on ne sait pas encore quand l'occasion se présentera.
L.A. - Si vous ciblez un créneau, pourriez-vous bâtir une usine en partant de zéro ?
R.G. - L'objectif est surtout d'utiliser ce qu'on a. On a par exemple des machines à papier aux États-Unis qui ont été arrêtées, mais qui sont encore là. Peut-être qu'on pourrait simplement les modifier et utiliser notre pâte pour produire du carton-caisse ou des sacs de papier - parce qu'on reviendra probablement aux sacs de papier, puisque plusieurs États considèrent de bannir les sacs de plastique. Ça serait d'ailleurs une des manières de repositionner nos machines qui fabriquent du papier à partir de pâte mécanique au Québec et en Ontario.
L.A. - Quel sera le plus grand défi au cours de la prochaine année ?
R.G. - Les fluctuations de devises. Quand on vend du papier en Inde et en Amérique du Sud, on vend en dollar américain. S'il continue de s'apprécier, ça nous coûte pas mal plus cher. Le risque est que le prix du papier, qui représente environ 30 % du coût de fabrication d'un quotidien, devienne trop élevé pour les utilisateurs de papier. L'économie mondiale représente aussi un défi. Le ralentissement dans les pays asiatiques, où il se consomme beaucoup de pâte, et les différentiels de devises peuvent chambarder tout le commerce international.