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À la suite de la publication de notre manchette du 23 août sur le Plan Nord, nous vous présentons d'autres textes relativement aux espoirs déçus d'une région qui attendait beaucoup de cet ambitieux chantier.
En juillet dernier, le gouvernement Couillard a envoyé une missive aux sociétés minières actives dans la Fosse du Labrador, les invitant à participer à une autre étude portant sur un troisième lien ferroviaire dans la région. Les minières avaient jusqu'au 29 juillet pour signaler leur intérêt. Un mois plus tard, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne sent pas un enthousiasme débordant.
Selon nos informations, seule la minière Champion Iron a répondu à l'appel. La demi-douzaine d'autres promoteurs ont refusé ou ont été exclus de cette étude de faisabilité, car le nouveau tracé suggéré ne rejoint pas leurs installations.
Le tracé a été réduit à 300 kilomètres, entre Sept-Îles et Fire Lake Nord, alors qu'en 2012, une première étude - de préfaisabilité celle-là, commanditée par le Canadien National et la Caisse de dépôt et placement - prévoyait un tracé de 600 km jusqu'à Schefferville.
Le plus important projet de mine de fer dans la Fosse du Labrador est celui d'Adriana Resources, au lac Otelnuk. Il prévoit le transport de 50 millions de tonnes (Mt) de fer par année. Mais la mine est située à 500 km de Fire Lake Nord. Adriana a donc été exclue de l'étude. «Nous espérons une phase 2 du lien ferroviaire», dit le président, Allen Palmiere.
On n'a pas appelé New Millenium non plus. Trop loin. Ses projets Kemag et Labmag prévoient le transport de 20 Mt de fer par année.
Alderon, promoteur du projet Kami (9 Mt), a quant à elle été jointe, mais a refusé de participer à l'étude.
«Nous sommes d'accord avec le principe d'un chemin de fer multiusager», signale le chef de l'exploitation, Brian Penney.
Toutefois, l'échéancier ne lui convient pas. La construction de la mine est prévue en 2015. Le nouveau chemin de fer arriverait trop tard. En outre, Alderon, qui a besoin d'un milliard de dollars pour réaliser son projet, a suspendu ses travaux récemment en attendant d'obtenir le financement nécessaire.
De son côté, Century Iron Mines (CIM), qui prévoit ouvrir une mine de fer à enfournement direct en 2016, a elle aussi décliné l'appel : le nouveau lien ne va pas assez loin et ne serait pas prêt à temps. Un autre promoteur a lui aussi refusé : la nouvelle minière en démarrage Lamêlée, qui caresse un projet de 2,5 Mt de fer par année, tout près de Fire Lake Nord. Elle dispose d'à peine 2,5 millions de dollars et cet argent doit lui servir à réaliser une étude économique préliminaire sur son projet.
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Pas le bon moment
Il semble que ce soit un bien mauvais moment pour solliciter des investissements de plusieurs centaines de milliers de dollars, voire de millions, en vue d'une étude pour un projet dans lequel personne n'est en position de s'engager financièrement. Ni Québec, ni les minières. Certes, les études de faisabilité de projet doivent inclure un lien ferroviaire ; mais pas nécessairement un nouveau lien, qui coûterait près de 2 milliards de dollars.
«Tous les projets de mine de fer souffrent actuellement», dit Sandy Chim, président de CIM. Le financement n'est pas au rendez-vous et le prix du fer chute.
Pour Champion Iron, c'est une autre histoire : la minière a déjà terminé elle-même une étude de faisabilité pour un troisième lien ferroviaire. Ses données serviront à l'étude gouvernementale, et sa facture a été réduite en conséquence.
Ce qui soulève un autre point : à une époque où les sociétés minières courtisent les mêmes sources de financement, plusieurs seront réticentes à partager leurs dossiers.
En a-t-on vraiment besoin ?
Les projets miniers dans la région sont moins costauds et nombreux qu'en 2012, lors de la première étude.
En effet, Labrador Iron Mines a suspendu sa production pour 2014 et Cap-Ex Iron Ore, dont l'action oscille autour de 0,01 $, est en restructuration. Pour sa part, Cliffs Natural Resources a fermé l'une de ses deux mines dans la région, et la seconde est menacée.
Dans ce contexte où plusieurs acteurs pourraient été éjectés du marché, on peut se demander si un troisième lien ferroviaire est vraiment nécessaire dans la Fosse du Labrador. Les infrastructures existantes ne sont-elles pas suffisantes ?
Le chemin de fer de QNS&L, propriété de la minière IOC, a quand même une capacité de 80 Mt par année, et plusieurs minières, dont CIM, comptent y faire appel. Celui d'ArcelorMittal est privé et exclusif, mais au moins une société minière, Lamêlée, semble croire que la situation pourrait changer. (Lamêlée vient de s'entendre avec la Ville de Port-Cartier pour avoir accès à son quai et à un site d'entreposage).
On peut aussi se demander si avec un seul client - Champion - le projet d'un troisième lien est viable économiquement. C'est ce que l'étude dira, mais plusieurs sont convaincus que non. «Il faut au moins trois clients», dit une source.
À Québec, on explique que les discussions ne sont pas terminées avec les minières et qu'on cherche plus d'un acteur.
Le fait est qu'un troisième lien ferroviaire créerait une saine concurrence.
Mais pour plusieurs promoteurs miniers, la priorité immédiate n'est pas là. Un autre dossier en suspens est encore plus urgent : le manque d'infrastructures au port de Sept-Îles, qui n'a pas assez de terrains pour l'entreposage du minerai. Des terrains appartiennent à la minière Cliffs Natural Resources (qui refuse pour l'instant de les vendre) et d'autres au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, qui ne les a pas libérés. En outre, Cliffs bloque l'accès au nouveau quai duquel on envisage d'expédier le fer.
En 2011, Les Affaires avait parlé du «casse-tête ferroviaire». La situation n'est toujours pas réglée.
Aux yeux des minières, il est clair que la décision du gouvernement de relancer le projet d'un troisième lien ferroviaire est d'ordre politique. Elle sert à démontrer que Québec, depuis le retour au pouvoir des libéraux, est de nouveau prêt à aider les minières. L'aide est certes bienvenue, mais elle n'est peut-être pas dirigée au bon endroit.
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