Les cratères de la lune pourraient bientôt se transformer en mines à ciel ouvert. C'est du moins le scénario envisagé par la NASA et par une poignée d'entreprises créées pour faire de l'extraction minière dans l'espace. Pour cette nouvelle génération d'entrepreneurs miniers, la Lune, Mars et les astéroïdes sont des terres vierges aussi prometteuses que l'Amérique pour les rois européens du 16e siècle.
«Les gens sont de plus en plus réticents à laisser les sociétés minières faire de l'extraction dans leur cour arrière. On va finir par franchir un cap où il sera plus économique d'extraire dans l'espace que sur la Terre», estime Dale Boucher, pdg de Deltion Innovations.
Établie dans le coeur minier de l'Ontario, à Sudbury, cette entreprise a mis au point une foreuse optimisée pour l'extraction minière extra-terrestre.
Station-service lunaire
La foreuse de Deltion pourrait être utilisée sur la Lune dès 2018, dans le cadre d'une mission de la NASA baptisée Resource Prospector Mission, qui vise à extraire de l'eau du sol lunaire.
En effet, Dale Boucher soutient que la NASA a demandé au Canada de fournir un véhicule minier pour cette mission. Le gouvernement canadien n'aurait pas encore pris de décision dans ce dossier.
L'Agence spatiale canadienne, pour sa part, ne réfute ni ne confirme l'existence de cette offre. «L'Agence spatiale canadienne a collaboré avec la NASA sur des études de concept préliminaires pour une proposition de mission lunaire appelée Resource Prospector Mission, nous a-t-on répondu par courriel. L'Agence ne participe en ce moment à aucune mission internationale d'exploration de la lune.»
Si le gouvernement canadien fournissait un véhicule pour cette mission, l'ontarienne Neptec Design Group, qui mise sur la foreuse de Deltion, serait bien placée pour remporter le contrat. L'entreprise de 75 employés, qui travaille sur son véhicule lunaire depuis six ans, est l'une des seules à avoir mis au point un tel appareil.
L'intérêt de la NASA pour l'extraction d'eau lunaire vient du fait que, ce faisant, elle pourrait transformer le satellite naturel en halte routière spatiale. Une fois extraite, la molécule H2O peut être séparée en oxygène et en hydrogène, deux éléments essentiels à la vie qui, combinés dans une certaine proportion, sont aussi un puissant carburant.
«La NASA et certaines entreprises aimeraient utiliser la Lune comme une station-service entre la Terre et d'autres destinations», dit John Connolly, chef scientifique de l'exploration à la NASA.
«De la même manière que les explorateurs du Nouveau Continent n'amenaient pas d'arbres avec eux pour construire des maisons en bois rond durant leur périple vers l'Ouest, l'extraction minière dans l'espace a le potentiel de permettre à la NASA d'aller de plus en plus loin dans l'espace», explique-t-il.
Pour la NASA, la prochaine frontière pourrait être Mars. Pour qu'une mission habitée puisse s'y poser, il faudrait qu'elle soit en mesure d'extraire de l'eau sur Mars.
«La mission sur la Lune est un test pour ultimement envoyer des êtres humains sur Mars», soutient Mike Kearns, président de Neptec Design Group.
Des activités rentables pour les explorateurs privés ?
Comme les rois européens qui convoitaient l'or du Nouveau Continent, les gouvernements jouent un rôle clé dans les balbutiements de l'exploration minière de l'espace. On peut toutefois s'attendre à ce que, à terme, ce soient des entreprises privées qui exploitent commercialement ces ressources. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé dans l'industrie minière en Amérique, et dans celle des satellites de télécommunications plus récemment.
Déjà, une poignée d'entreprises privées ont obtenu des investissements importants afin d'extraire du minerai dans l'espace.
Établie à Mountain View, en Californie, Moon Express vise à extraire du sol lunaire des ressources rares sur Terre. L'entreprise y convoite notamment des métaux du groupe du platine ou encore de l'hélium 3, un isotope de l'hélium que plusieurs scientifiques perçoivent comme un carburant idéal pour la fusion nucléaire.
À Redmond, en banlieue de Seattle, Planetary Resources convoite pour sa part le sol des astéroïdes. L'entreprise, qui compte parmi ses investisseurs le cofondateur de Google Larry Page et le réalisateur James Cameron, vise aussi à y extraire des métaux du groupe du platine. «Il y a potentiellement un astéroïde là-haut qui renferme plus de ces métaux qu'il n'y en a sur la planète Terre», illustre John Connolly, de la NASA.
Au-delà des défis d'ingénierie, c'est la rentabilité de telles opérations minières qui scellera le sort de ces entreprises pionnières.
Dale Boucher, de Deltion Innovations, soutient que ce n'est qu'une question de temps avant que l'équation soit résolue «L'extraction minière dans l'espace, ça va arriver. Et si le Canada veut sa part, le pays doit prendre les devants dans les efforts qui sont faits pour comprendre comment exploiter ces ressources.»