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La concurrence mondiale devient de plus en plus féroce dans la production d'aluminium, tirant les prix vers le bas. Pour y faire face, les producteurs du Québec veulent miser sur une électricité concurrentielle, mais aussi sur le développement de nouveaux marchés.
«Tous les producteurs d'aluminium se débattent avec la même réalité : la forte baisse du prix du matériau», lance André Martel, chef de la direction de l'aluminerie Alouette, de Sept-Îles. Les chiffres lui donnent raison. La tonne d'aluminium se négocie actuellement à environ 1 750 $ US, alors qu'en 2008, elle valait 3 300 $ US (3 640 en dollars américains constants). Cette baisse coupe l'oxygène aux producteurs.
Contrairement à une idée répandue, cette chute des prix de l'aluminium ne découle pas d'un effondrement de la demande, mais plutôt d'une explosion de l'offre et d'inventaires très volumineux. André Martel rappelle que ceux-ci se situaient à environ un million de tonnes avant 2009, alors qu'ils dépassent aujourd'hui les cinq millions de tonnes.
La consommation mondiale est passée de 18 millions de tonnes en 1990 à 40 millions en 2010, et devrait dépasser 70 millions de tonnes en 2020, selon le Commodities Research Unit (CRU), un groupe d'analystes de l'industrie minière et métallurgique. Cette hausse de la demande parvient, mais tout juste, à éviter la catastrophe que pourrait entraîner les inventaires trop importants.
André Martel souligne qu'au début des années 1990, la Russie s'était mise à déverser des tonnes d'aluminium dans un marché où la demande était beaucoup plus faible qu'elle ne l'est actuellement. En grimpant à 2,6 millions de tonnes, soit la moitié du total actuel, les inventaires avaient provoqué une gigantesque crise dans l'industrie. «Aujourd'hui, la demande est beaucoup plus forte, mais l'offre reste égale ou supérieure à celle-ci, donc les prix ne peuvent grimper.»
Concurrence mondiale
Dans un tel contexte, l'industrie mondiale de production de l'aluminium a souffert, et certaines entreprises ont eu de la difficulté à faire leurs frais, fermant même des usines. Certains espéraient que ces fermetures d'usines, en diminuant la production, contribueraient à faire remonter le prix de l'aluminium. Mais leurs plans ont été contrecarrés par des développements dans les pays du Golfe et par l'explosion de la production en Chine.
Si la Chine, où plus de 40 % de l'aluminium mondial est produit, destine sa production presque exclusivement au soutien de sa demande intérieure, le Moyen-Orient est au contraire résolument tourné vers l'exportation. Or, sa production a augmenté de 60 % entre 2009 et 2011, et devrait atteindre 5 millions de tonnes en 2015, selon le Conseil de l'aluminium du Golfe.
En Arabie saoudite, l'usine d'aluminium de Ras Al Khair pourra bientôt produire autant d'aluminium à elle seule que les trois usines québécoises d'Alcoa, rappelle Martin Brière, président d'Alcoa Groupes Produits primaire pour le Canada et l'Afrique. «Les nouveaux acteurs de cette région nous font une féroce concurrence sur les marchés européen, africain et même nord-américain», ajoute-t-il.
Le principal attrait de cette région est l'accès facile à des sources d'énergie, certes non renouvelables, mais pour l'instant très bon marché.
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L'électricité, un levier majeur
Jean Simard, président de l'Association canadienne de l'aluminium, soutient que le gouvernement du Québec doit tenir compte de cette réalité et ajuster en conséquence les coûts de l'électricité vendue aux producteurs. L'énergie représente de 30 % à 40 % du coût de production de l'aluminium. Au Québec, les alumineries produisent elles-mêmes la moitié de l'énergie qu'elles utilisent et achètent l'autre moitié à Hydro-Québec. La palme de l'indépendance à cet égard revient à Rio Tinto Alcan, qui produit 90 % de son électricité. Alcoa et Alouette sont toutefois les deux plus grands clients d'Hydro-Québec.
Pour Jean Simard, l'équation est facile à poser. «Historiquement, 90 % des usines qui ont été fermées se situaient dans les troisième ou quatrième quartiles mondiaux en ce qui concerne le coût de leur approvisionnement en électricité, dit-il. Une usine doit se classer dans le deuxième quartile pour se maintenir, et dans le premier quartile pour que ses propriétaires puissent investir dans des ajouts de capacité.» À 4,7 cents du kilowattheure (kWh), le tarif L offert aux industries par Hydro-Québec placerait les alumineries dans une zone dangereuse, selon le président, qui rappelle que le coût de l'énergie au Moyen-Orient ne dépasse pas les 2 cents du kWh.
Plus que le simple coût de l'énergie, l'industrie vise à établir des ententes de partage de risque avec le gouvernement du Québec. C'est ce qu'Alcoa a obtenu lors d'une négociation qui a fait réagir, l'entreprise menaçant même de fermer ses trois usines du Québec devant la possibilité d'une augmentation de 60 % du prix de son électricité. Cette nouvelle entente, similaire à celle qu'avait Alcoa jusqu'alors, place l'entreprise dans le deuxième quartile mondial. Le coût variera en fonction du prix de l'aluminium.
Alouettes est engagée dans une négociation similaire avec le gouvernement du Québec. «Les discussions allaient bon train, mais sont maintenant suspendues, le temps de prendre contact avec le nouveau gouvernement», explique André Martel. Refusant de négocier sur la place publique, ce dernier avance que son entreprise recherche simplement «un partenariat menant à des conditions gagnantes nous permettant de continuer de croître et de générer de l'activité économique et de la création d'emplois au Québec.»
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