Christophe de Margerie, pdg de la pétrolière française Total, reconnaît que la rentabilité du gaz de schiste, exploité aux États-Unis, est insuffisante. Les analystes, eux, ne sont pas surpris.
Dans une entrevue publiée dans le quotidien français Le Monde, le 11 janvier, Christophe de Margerie, pdg de Total, fait le point sur les projets de la pétrolière aux États-Unis.
LM - Total a investi dans les gaz de schiste, au Texas et dans l'Ohio. Quel bilan en tirez-vous ?
CdM - Ce n'est pas terrible, car nous avons investi sur la base de prix du gaz beaucoup plus élevés que ceux d'aujourd'hui. Notre acquisition au Texas se traduit par une perte sérieuse qui ne remet en cause, bien évidemment, ni les résultats de Total ni son développement.
Nous avions fait nos études de rentabilité sur un prix qui était à plus de 6 dollars le million de BTU, aujourd'hui, on est à 3,2 dollars, et ça ne passe pas ! En revanche, en Ohio, dans le bassin d'Utica, c'est différent car ce sont des champs de gaz riche en condensats qui sont valorisés au prix du pétrole, donnant une bien meilleure rentabilité. Mais comme on le sait, une énergie ne peut pas rester longtemps sous son prix de revient, sinon les forages s'arrêtent. Je pense qu'on va plutôt vers un prix d'équilibre plus élevé que celui d'aujourd'hui, où l'on pourra même exploiter les champs de gaz sec de manière rentable.
LM - Allez-vous continuer vos investissements ?
LM - Allez-vous continuer vos investissements ?
CdM - Il est clair qu'on met la pédale douce. Je ne vois pas l'intérêt d'aller investir - je précise bien dans les gaz secs - là où la rentabilité n'est pas au rendez-vous. Les champs sont toujours là, les permis toujours valides et les productions redémarreront quand les prix du gaz repasseront au-dessus du prix de revient. Nous allons en revanche continuer nos investissements dans d'autres pays où les marchés sont porteurs, comme la Chine, la Pologne et le Danemark, où nous devrions commencer un forage d'exploration cette année.
Sur le site Internet de BFM Business, Benjamin Louvet, associé-gérant de Prim'Finance, un gestionnaire de portefeuille, explique que les analystes ne sont nullement surpris. «Le développement des gaz de schiste aux États-Unis a fait très fortement chuter le prix du gaz sur place. La baisse de ce prix a fait que beaucoup de gisements qui étaient mis en exploitation sont devenus non rentables.»
Et ce n'est pas le seul problème qui touche la production, estime M. Louvet. «On est parti avec des modèles extrêmement positifs en termes de volume d’extraction de ces gaz de schistes. Mais nous avons dû nous rendre compte que le taux de dépréciation de ces gisements était très important. En un an, on pouvait voir la quantité de gaz extrait d’un puit baisser de plus de 50% donc on s’est retrouvé avec des projections de production qui étaient finalement beaucoup moins intéressantes que prévues.»