Quand Antoine Pelletier a repris l'ébénisterie de son père Jean-Raymond, il en a entrepris la réingénierie. Sans le savoir.
" J'ai laissé tomber les armoires de cuisine, les meubles en aggloméré et en contreplaqué et le service d'installation pour me recentrer sur l'architecture patrimoniale ", raconte Antoine Pelletier.
Un virage qui a été payant. Même si le marché des maisons à valeur patrimoniale ne représente que 3 % des résidences, Ébénisterie Pelletier & fils connaît une croissance annuelle de 20 à 30 % depuis son virage stratégique, en 2005. Ce qui vient de l'obliger à déménager à Saint-Liboire, près de Saint-Hyacinthe, après avoir passé 40 ans à Saint-Ours.
" J'avais besoin d'un atelier plus grand et ma femme, Julie Pivin, voulait plus d'espace pour sa table champêtre, l'Auberge du Coq Ovin. Nous avons trouvé une occasion en or avec cet ancien atelier de pièces d'autos et, tout près d'ici, l'ancien presbytère de Saint-Liboire. J'ai triplé ma capacité de production. Nous sommes maintenant quatre employés, y compris mon père qui vient de Saint-Ours trois jours par semaine. "
Quand on lui demande comment son père a vécu le virage qu'il a imposé à l'entreprise familiale il y a cinq ans, Antoine Pelletier répond simplement : " Reprendre l'entreprise de son père n'est pas moins problématique que de créer une entreprise ", note celui qui a reçu le Prix de l'artisan de l'Opération patrimoine architectural de Montréal 2010.
Le service. Ébénisterie Pelletier fait des reproductions en bois de portes, de fenêtres, de balcons et d'escaliers pour des propriétaires de maisons ancestrales. " Si le client le désire, on peut intégrer à la fenêtre un vitrage éconergétique sans altérer son authenticité ", explique M. Pelletier, 39 ans, qui n'a jamais fréquenté d'école d'ébénisterie.
En plus de redonner une seconde vie à des maisons du 18e, 19e et début du 20e siècle, l'ébénisterie réalise des projets spéciaux, comme les lucarnes du marché Maisonneuve, à Montréal, les portes de l'église Notre-Dame-de-Grâce, la porte de l'hôtel de ville de Westmount et celle de l'École des Beaux-Arts de Montréal.
" Une fois, un couple d'avocats a acheté une vieille maison à Saint-Hyacinthe qui n'avait plus d'escalier intérieur. C'était évidemment impossible de faire une reproduction, mais les propriétaires m'ont demandé de leur proposer un escalier. Ils ont soumis ma proposition par un professeur à la retraite qui évalue les travaux des finissants d'une école d'ébénisterie; celui-ci nous a donné une note de 98,5 %. "
Les Québécois plus conscients. Ébénisterie Pelletier profite de la prise de conscience des Québécois de l'importance de préserver leur patrimoine architectural. De moins en moins de gens recouvrent l'ornementation de bois ouvré de leur vieille maison avec de l'aluminium ou du plastique bon marché pour des motifs d'entretien. De plus en plus de municipalités et d'arrondissements, notamment à Montréal, adoptent des règlements pour protéger leur patrimoine.
Ébénisterie Pelletier demande 60 $ de l'heure pour ses services. Refaire une galerie ouvrée peut représenter de 8 à 12 % de la valeur totale de la maison. C'est beaucoup plus variable dans le cas d'un escalier : de 10 000 à 50 000 $.
La source de l'idée. Antoine Pelletier fait partie de la quatrième génération d'ébénistes. " En 1890, dans le Bas-Saint-Laurent, mon arrière-grand-père avait une scie à ruban qui fonctionnait à l'aide d'un petit moulin à vent. Quand il n'y avait pas de vent, il faisait monter sa petite jument grise sur un tapis roulant en lattes de bois pour faire tourner la scie ", raconte M. Pelletier.
Plus tard, son grand-père Pelletier et les trois frères de celui-ci ont converti en ébénisterie un atelier de fabrication de cercueils, à Saint-Ours, sur le bord du Richelieu. Le père d'Antoine, Jean-Raymond, s'est joint à eux en 1974. Ce n'est qu'en 2003 que l'atelier s'est incorporé.