Le géant pétrolier britannique BP s'est dit prêt vendredi à un virage majeur en envisageant la vente de ses parts dans la coentreprise russo-britannique TNK-BP, ce qui mettrait fin à une relation à la fois lucrative et tourmentée de près de dix ans.
Dans un bref communiqué, BP a assuré avoir reçu "des marques d'intérêt non sollicitées" pour l'achat de sa participation dans TNK-BP, qu'elle détient à 50% avec le consortium de milliardaires russes AAR.
Le groupe va se pencher sur la proposition mais sans "aucune garantie qu'une transaction ait lieu", a-t-il précisé, quelques jours après la démission surprise du directeur général russe de TNK-BP, Mikhaïl Fridman.
A la valeur actuelle du marché, la part de BP est estimée à environ 18 milliards de dollars, mais les enchères pourraient monter plus haut.
Les relations entre les deux partenaires ont été ponctuées de crises depuis la création de la coentreprise en 2003, rendant sa gouvernance de plus en plus difficile et conflictuelle, voire impossible.
Mais TNK-BP -troisième producteur de pétrole russe- a aussi longtemps été considérée comme un atout de premier plan pour le groupe britannique, qui en retire plus du quart de sa production totale et lui permet d'avoir accès à des ressources encore considérables.
La coentreprise, qui est également présente en Ukraine, au Brésil ou au Venezuela, a versé près de 4 milliards de dollars de dividendes à BP pour la seule année 2011.
Un retrait de Russie constituerait donc un tournant stratégique pour la major britannique, a priori d'autant plus risqué qu'elle n'a toujours pas tourné la page de la gigantesque marée noire provoquée dans le golfe du Mexique par l'explosion en 2010 de la plateforme Deepwater Horizon.
Certains experts estiment toutefois qu'elle a désormais intérêt à échapper à l'imbroglio russe au meilleur prix possible pour finir de régler la facture de la marée noire et aller de l'avant sur d'autres projets.
Les investisseurs semblaient parier vendredi sur un tel scénario, et le titre gagnait 1,51% à 400,85 pence vers 13H30 GMT à la Bourse de Londres, dans un marché en baisse de 1,06%.
Pour son directeur général démissionnaire, TNK-BP se trouve actuellement dans une impasse et le blocage ne peut plus durer. "Au final, soit AAR, soit BP doit contrôler la compagnie", a affirmé jeudi M. Fridman.
Stan Polovets, directeur exécutif d'AAR, a assuré que le consortium était prêt à racheter à BP sa part dans la coentreprise. Mais le numéro un du pétrole russe, le groupe public Rosneft, a indiqué vendredi qu'il allait lui aussi étudier la question.
Le conflit récurrent entre actionnaires de TNK-BP s'était fortement envenimé après la signature en janvier 2011 d'une alliance entre le britannique et Rosneft visant à explorer une immense région de l'Arctique.
Cette entente avait été finalement bloquée par AAR, qui a fait valoir que l'accord constituait une violation du pacte d'actionnaires de TNK-BP, la coentreprise n'étant pas invitée à rejoindre l'alliance.
AAR avait alors, selon la presse, refusé une offre de 27 milliards de dollars pour le rachat de ses parts par BP.
Quelle qu'en soit l'issue, l'épisode actuel risque de relancer les critiques contre le patron de BP, l'Américain Bob Dudley, déjà accusé par certains actionnaires d'avoir fort mal géré la situation en Russie alors qu'il était censé en être un connaisseur pour y avoir notamment un temps présidé TNK-BP.