En changeant le logo et le slogan de CKOI, Cogeco veut freiner l'exode de son public phare, les hommes de 25 à 54 ans.
CKOI est la principale station radiophonique que Cogeco a acquise de Corus, il y a un mois, avec 10 autres antennes, pour la somme de 80 millions de dollars. Elle a longtemps été numéro un dans ce marché. Puis, au troisième trimestre de 2009, elle a été dépassée par son concurrent de toujours, NRJ. Pire : au premier trimestre de 2011, CKOI a chuté au 4e rang, derrière NRJ, 98,5FM et... Rythme FM, la station vouée aux femmes.
Pendant ce temps, CKOI a accru ses parts de marché de 10 % en 2010 auprès des femmes de 25 à 54 ans, passant de 11,2 à 12,9 %. " Il faut repositionner CKOI, se concentrer sur notre cible ", explique Richard Lachance, premier vice-président, radio, chez Cogeco diffusion. Au coeur de cette cible, dit-il, le père de famille de 39 ans.
Qui est l'homme cible?
En 2011, l'homme que vise CKOI est bien différent de celui d'il y a 30 ans, dit Richard Lachance. " Il se fait masser, achète des produits de beauté, est plus sophistiqué, prend soin de lui, de sa santé... Le ton de nos radios doit s'adapter à ça. "
" Ce ne sont plus les moteurs de voitures qui le font vibrer, plutôt les barbecues à 40 000 BTU et la grosse cuisinière au gaz ! " dit Benoît Mc Nicoll, vice-président, création, à l'agence de publicité Bunka, mandatée par Cogeco pour revoir son positionnement. L'agence a créé le nouveau logo et lancé le slogan " L'ultime radio ". Un slogan que M. Mc Nicoll qualifie " d'aspirationnel ", une valeur qu'il veut associer à la marque. " Après ultime, il n'y a plus rien ", dit-il.
Pour Jean-Charles Rochat, vice-président codirecteur chez Cossette Média, la cible visée par CKOI est à la fois alléchante et mal servie.
Alléchante, car c'est un homme qui vit en famille, ce qui fait de lui un grand consommateur de biens de toutes sortes, dit-il. La gamme des produits qui lui sont destinés est beaucoup plus variée qu'autrefois : aux voitures et maisons s'ajoutent les gadgets électroniques, le cinéma maison, les accessoires de cuisine, le vin, les soins de santé, etc.
Il est aussi plus mobile. " Pour une industrie comme celle de la radio, il y a là une occasion ", dit M. Rochat. Et si le public féminin est facile à rejoindre pour les annonceurs, car il est la cible de nombreux médias, le public masculin l'est nettement moins. " CKOI peut ainsi venir combler un vide. "
Cela dit, ajoute-t-il, " il faut que le changement soit draconien. Le contenu aussi doit changer, pas seulement le logo. "
Le pari des nouvelles
Rebaptisées CKOI, les trois stations régionales de Cogeco à Trois-Rivières, Sherbrooke et Gatineau présenteront " une prépondérance verbale ", c'est-à-dire des émissions d'affaires publiques locales, sportives, mais aussi un " bon positionnement musical ". Surtout, le groupe lance Cogeco Nouvelles, comprenant 33 journalistes, dont une partie couvrira l'information régionale. Ce faisant, Cogeco investit un million de dollars de plus que le propriétaire précédent, Corus, dans sa salle de nouvelles.
Encore une fois, Cogeco veut ainsi combler un vide. " C'est une offre complémentaire à ce qui existe sur le marché. On veut informer les gens en région de ce qui se passe autour d'eux. Pour l'instant, cette info n'est pas disponible. "
Un pari risqué, mais intéressant, dit Daniel Giroux, professeur et secrétaire au Centre d'études sur les médias de l'Université Laval. " Il y a un créneau pour ça en région. Et je crois que, tant qu'à faire de l'information régionale, il faut y aller à fond, comme le fait Cogeco, et non pas timidement. C'est la bonne stratégie. "
Du blanc pour plus de raffinement
Inchangé depuis les années 1980, le logo de CKOI devait être raffiné, à l'image de l'homme de 2011, dit Benoît Mc Nicoll, de l'agence de publicité Bunka. Pour le rejoindre, CKOI troque le ton irrévérencieux et plein de testostérone contre une signature plus adaptée à la nouvelle réalité de ce père de famille de 40 ans, qui a grandi avec CKOI, mais l'a peu à peu déserté. " Il faut le charmer de nouveau ", dit M. Mc Nicoll. La gamme de couleurs reste " gars ", mais le rouge, très dominant par le passé, est atténué par l'introduction du blanc.