Réagissant à l'appel au boycott du Journal de Montréal par la CSN, la direction du journal déplore ce qu'elle qualifie d'absence de volonté de la centrale de négocier. "L'objectif de la CSN est d'enflammer la situation de façon à faire perdurer ce conflit", écrit-elle dans un communiqué.
La direction du journal remet aussi en question "les motivations réelles de cette organisation syndicale", affirmant qu'elle "cherche d'abord à faire avancer un agenda politique qui va bien au-delà des enjeux au Journal de Montréal".
Dans le même communiqué, le président et chef de la direction de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, dit estimer que Mme Carbonneau "doit comprendre qu'il ne faille pas attendre d'être en difficultés financières pour poser les gestes et prendre les actions de saine gestion".
Il l'invite dans ce contexte à "reconnaître l'évolution incontournable du marché à laquelle notre industrie doit faire face".
Cet après-midi, la CSN a lancé une campagne plus organisée de boycottage du Journal de Montréal, estimant que le contexte s'y prête davantage maintenant, la donne ayant changé depuis les offres patronales rejetées la semaine dernière.
La centrale syndicale à laquelle est affilié le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal veut non seulement que les abonnés au quotidien se désabonnent, mais elle veut aussi que les gens ne l'achètent plus en kiosque, qu'ils s'abstiennent de le lire et qu'ils refusent un exemplaire qui leur serait offert gratuitement.
Au cours d'une rencontre avec la presse, mardi, dans les bureaux de la centrale syndicale, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a dit estimer que la donne a changé depuis que le public a été mis au courant des dernières offres de la direction à ses syndiqués, des offres qui ont été rejetées à 89,3 pour cent la semaine dernière.
Dans ces offres, le journal proposait de ne conserver que 52 des 253 employés qui ont été mis en lock-out il y a près de 21 mois. De plus, il exigeait la fermeture du site Web ruefrontenac, auquel travaillent actuellement les syndiqués en lock-out, et empêchait ses employés mis à pied d'aller travailler chez le principal concurrent pendant six mois s'ils se prévalaient des indemnités de départ offertes.
La CSN, qui compte 300 000 membres par le biais de ses syndicats affiliés, sollicite aussi pour ce boycottage les groupes de femmes, les groupes communautaires et le mouvement étudiant, en plus des autres organisations syndicales et du public en général.
"On sait qu'une des tactiques du Journal de Montréal a été de procéder à des distributions massives dans les restaurants à déjeuner, etc. On veut prendre le temps d'expliquer ça, parce qu'il y a plein de bonne foi, plein de monde qui disait 'bien moi, je ne l'achète pas, donc il n'y a rien là'. Mais on sait que ce n'est pas la vente de la copie qui est l'assise des revenus d'une entreprise de presse; c'est d'abord et avant tout la publicité. Donc, on entend faire cette job-là et on va la faire", a prévenu Mme Carbonneau.
Bien que certains appels au boycottage, dans un passé récent, n'aient guère été suivis par la population, Mme Carbonneau fait le pari que cette fois-ci, le public suivra. "Je pense sincèrement, cette fois-ci, qu'il y a un momentum. Il y avait une indignation dans la société québécoise. Il y a une démonstration absolument éloquente de ce que peut faire une entreprise quand elle est confrontée à un rapport de force qui est aussi débalancé que ça", a soutenu Mme Carbonneau.
La CSN relancera également sa campagne auprès du gouvernement Charest afin qu'il précise la portée des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail à l'heure des nouvelles technologies.
Le jugement du tribunal veut que pour être considéré comme un briseur de grève, en vertu du Code du travail, il faut oeuvrer comme travailleur de remplacement dans l'établissement même qui est touché par le conflit de travail.
La CSN veut donc que Québec tienne compte de l'intention du législateur, lorsqu'il a adopté la loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement, en 1977, en l'adaptant aux réalités technologiques d'aujourd'hui qui facilitent le travail à distance.
Avec La Presse Canadienne.