Voici ce que nous écrivions le 23 juin 2007 (Archives Les Affaires)
L'entreprise de l'année. Dix ans après son virage média, Astral voit sa patience et sa discipline récompensées.
Depuis 10 ans, Astral gravit une à une les marches qui en font aujourd'hui un des géants des médias canadiens. Cette année, autre coup d'éclat : l'entreprise avale Standard Radio pour 1,08 milliard de dollars, la plus importante transaction de son histoire. Pour ce fait d'armes, mais aussi pour les 42 trimestres successifs de croissance de ses revenus et de sa rentabilité, LES AFFAIRES lui décerne le titre d'entreprise de l'année.
"Est-ce que l'entreprise est à vendre ?" La question, posée aux dirigeants d'Astral lors de l'assemblée annuelle en 2000, n'était pas farfelue. À l'époque, les rumeurs sur une éventuelle acquisition par le groupe Corus allaient bon train. La réponse ne s'est toutefois pas fait attendre. Alors que le président du conseil, André Bureau, tergiverse, le président et chef de la direction, Ian Greenberg brandit une feuille sur laquelle il a écrit : NON !
Depuis, l'entreprise derrière les stations de radio Énergie et Rock Détente et de télé Canal Vie, Séries+ ou du tandem MusiquePlus/Musimax a vu son chiffre d'affaires passer de 140 à 822 M$ et devrait dépasser le milliard en 2009. Même tendance pour le bénéfice net, qui est passé de 15 M$, en 2000, à plus de 115 M$ en 2006.
Pas mal pour une entreprise familiale qui a commencé ses activités en gérant la concession du service photo dans les Miracle Mart en 1961 !
Aujourd'hui, plus personne ne se demande si l'entreprise est sur le point de passer aux mains d'un concurrent. D'ailleurs, "il n'a jamais été question de vendre", soutient encore Ian Greenberg.
Devenir leader ou disparaître
C'est sous sa gouverne, après que son frère Harold lui eut cédé sa place en 1996, qu'Astral entreprend un important virage : devenir une entreprise entièrement axée sur les médias. Quelques années auparavant, pendant qu'il suivait un cours intensif en gestion à Harvard, Ian Greenberg avait aussi passé son temps à définir l'avenir de la société.
"J'ai alors compris qu'une entreprise devait être la première ou deuxième en importance de son industrie, sinon elle risquait de disparaître. Et le secteur des médias m'apparaissait comme le plus prometteur, dit M. Greenberg, en entrevue au journal LES AFFAIRES. Les fournisseurs secondaires sont souvent les premiers à perdre des clients lors des récessions. Les leaders gardent généralement leurs parts du gâteau qui reste et, à ce titre, sont mieux placés pour durer."
Quand il prend les rênes de l'entreprise familiale, il met son plan à exécution. Éparpillée, Astral se met à la recherche d'acheteurs pour ses entités qui ne relèvent pas du domaine des médias : la division photo, la reproduction et la distribution de vidéocassettes, la distribution de programmation audiovisuelle, le financement de productions et les services techniques.
Gérer en "bon père de famille"
Ayant elle-même conservé la fibre entrepreneuriale de ses débuts et cultivé l'approche de bon père de famille dans la conduite de ses affaires, Astral Média a tour à tour été le prétendant de choix pour les propriétaires de Radiomutuel en 1999 et des stations radio de Télémédia en 2002.
Comble de bonheur, Astral n'a pas eu à faire des pieds et des mains pour ces deux acquisitions. "Ils nous ont simplement signifié leur intention de vendre en sollicitant notre intérêt", dit Ian Greenberg.
Cette culture de famille se perpétue puisque Normand Beauchamp, l'un des deux actionnaires contrôlants de Radiomutuel qui a sollicité l'offre d'Astral, siège toujours au conseil d'Astral.
Gary Slaight, fils d'Allan Slaight qui a acquis Standard en 1985, et président, entrera aussi au conseil d'Astral à la clôture de la transaction en janvier 2008. M. Slaight obtiendra 9 % des actions d'Astral dans la transaction.
Si Radiomutuel a été sa porte d'entrée dans la radio, en télé spécialisée et en affichage extérieur et Télémédia celle en radio anglaise, Standard Radio permet aujourd'hui à Astral de réaliser une de ses grands ambitions : devenir une société média vraiment nationale. Ne manque plus que l'aval du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Standard propulse en effet Astral au premier rang radio en termes de revenus, de nombres de stations, de bénéfice d'exploitation et d'heures d'écoute hebdomadaires.
D'autant que "l'entreprise ne pouvait espérer croître davantage au Québec. Elle n'avait d'autre choix que d'élargir son champ d'action", dit Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d'études sur les médias de l'Université Laval.
Astral s'est toutefois bien gardée d'inclure la participation de Standard (25 %) dans le radiodiffuseur par satellite Sirius Canada.
"La radio satelllite est un produit de niche qui le restera et ne remplacera jam ais la radio traditionnelle", estime Ian Greenberg. Il ne voit pas non plus Internet comme une menace, mais comme "une occasion d'affaires et une extension naturelle de nos activités".
L'affichage extérieur sort aussi du Québec
Déjà chef de file canadien de la télévision spécialisée et leader en radio, Astral nourrit les mêmes ambitions pour sa troisième division, l'affichage publicitaire extérieur.
Or, l'entreprise se rapproche de son objectif puisqu'elle vient d'être choisie pour fournir et gérer 26 000 pièces de mobilier urbain (bornes, bancs publics, etc.) et 8 000 panneaux publicitaires pour la Ville de Toronto pendant les 20 prochaines années. Une gifles aux filiales des géants américains Viacom CBS Outdoor et Clear Channel Outdoor, à qui le contrat a échappé.
Ce pacte d'un milliard et demi de dollars permet aussi à sa division d'affichage extérieur de s'affranchir du Québec et lui donne les moyens d'offrir aux annonceurs deux vitrines complémentaires et efficaces, dans deux des plus gros marchés au pays, fait valoir l'analyste Andrew Mitchell, chez Scotia Capital.
La main heureuse
En 1996, en plus de prendre le bon virage média, Astral a choisi les bons créneaux.
La télévision spécialisée et à la carte, la radio et l'affichage extérieur sont des médias à faibles coûts, souligne Ian Greenberg.
Quand ils sont bien gérés, ces médias sont des "machines à imprimer de l'argent", se plaisent à dire les observateurs. Ils permettent notamment de cibler des clientèles, un atout recherché par les annonceurs.
"Nous avons sauté sur des occasions pour faire croître nos deux autres divisions. L'achat de Standard ne signale pas que l'avenir de la télé conventionnelle nous apparaît moins prometteur. La télé spécialisée nous fournit encore plus de la moitié de nos revenus", explique Ian Greenberg.
Astral n'écarte pas l'idée d'y faire aussi des acquisitions. "Si des stations spécialisées sont disponibles, nous serons toujours très intéressés", dit-il, en précisant que la télévision conventionnelle "n'entre pas dans notre domaine d'expertise et n'offre pas de synergies".
Il admet toutefois que l'achat de Standard tombe à pic, car il n'est pas réaliste de penser nourrir une croissance de plus de 10 % par année en télévision spécialisée après une montée en flèche du nombre d'abonnés depuis plusieurs années.
Les créneaux de la radio et de la télé spécialisée ont aussi profité de l'encadrement bienveillant du CRTC, qu'André Bureau, président du conseil d'Astral, a dirigé entre 1983 et 1989.
Pour assurer la viabilité des canaux de télévision spécialisée et leur assurer des revenus au départ, le CRTC leur a donné le droit de recevoir des redevances d'abonnement des câblodistributeurs et des fournisseurs de services satellites.
Astral a aussi acheté Radiomutuel en juillet 1999 quelques mois après que le CRTC eut permis aux radiodiffuseurs de posséder jusqu'à quatre stations (2 MA et 2 MF) dans un marché comptant au moins huit stations d'une même langue, augmentant du coup sa force de frappe auprès des annonceurs.
Avec Pierre Théroux