Cogeco n'est pas à vendre, elle veut rester au Québec et continuer de croître à l'extérieur, a fait savoir son PDG, Louis Audet, mercredi.
Invité par le Cercle canadien à se prononcer devant une salle comble, M. Audet n'a que brièvement fait allusion à son opposition à l'achat d'Astral par Bell. Après un témoignage très émotif devant le CRTC il y a quelques jours, M. Audet a rappelé que cette transaction ferait du Canada le deuxième marché du G8 le plus concentré dans le domaine des médias et télécommunications, après l'Italie.
« Nous jugeons contraire à l'intérêt des consommateurs la création d'un pareil géant qui serait capable de tirer toutes les ficelles », a-t-il déclaré, debout sur une tribune coiffée du logo de Bell, commanditaire de l'événement. L'invité d'honneur n'a d'ailleurs pas manqué de relever l'ironie et de « remercier ses commanditaires ».
Répondant aux arguments en faveur de Bell selon lesquels il était important de créer des entreprises canadiennes fortes pour rivaliser avec les géants internationaux, M. Audet a fait sienne la position de l'Institut C.D. Howe, selon laquelle il fallait que ces entreprises fortes « soient le résultat d'une bonne performance, plutôt que de l'exploitation d'un bassin de consommateurs locaux captifs ».
Si la transaction devait être approuvée par le CRTC et le Bureau de la concurrence, qui se penchent actuellement sur la question, Cogeco n'a pas de plan B spécifique, selon son PDG. « On gère notre entreprise pour qu'elle fonctionne bien dans les jours de pluie comme dans les jours ensoleillés. C'est ça, notre plan B. »
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Remise en question
M. Audet a ensuite insisté sur l'importance de conserver des sièges sociaux, dont celui de son entreprise, au Québec.
« On doit se remettre en question comme société », a-t-il indiqué.
Selon lui, la menace de la disparition des sièges sociaux québécois pèsera « tant que les acteurs du monde financier considéreront que tout ce qui compte, c'est l'obtention du prix le plus élevé dans une offre publique d'achat (OPA). »
« Il appartient aux citoyens comme vous et moi d'envoyer des mandats clairs à nos gestionnaires de fonds d'investissement et de retraite. »
Plus tard, devant les journalistes, il a rappelé qu'il « n'y a rien dans les lois canadiennes, américaines ou ailleurs dans le monde qui force les administrateurs à ne tenir compte que des intérêts des actionnaires ». Pour cette raison, juge-t-il, il n'est pas nécessaire de créer des lois qui s'appliqueraient à tous et qui risqueraient de refroidir l'intérêt des investisseurs pour les entreprises canadiennes ou québécoises. Il préfère des interventions ponctuelles et note que c'est plutôt aux administrateurs d'entreprises de faire « leurs devoirs ».
Ancrée au Québec
Quant à sa propre entreprise, M. Audet a déclaré qu'elle n'était « certainement pas » à vendre, malgré les incessantes rumeurs en ce sens.
« C'est sûr qu'il y a certains de nos actionnaires qui aiment faire courir le bruit que nous sommes à l'écoute, mais ce n'est pas le cas. Il y a des rumeurs, mais il faut toujours se demander qui fait courir les rumeurs. » Cogeco est davantage un prédateur qu'une proie, selon lui.
L'entreprise a d'ailleurs joué ce rôle de prédateur aussi récemment qu'en juillet dernier, quand elle a annoncé l'acquisition du câblodistributeur américain Atlantic Broadband. Accueillie de façon mitigée par les actionnaires, cette transaction sera bénéfique pour Cogeco, assure M. Audet.
« L'entreprise oeuvre dans des marchés qui n'attirent pas les gros concurrents », a-t-il surtout fait valoir.
Atlantic Broadband pourrait servir de tête de pont en vue de l'achat d'autres distributeurs américains, a-t-il laissé entendre. « Il y a encore des centaines d'indépendants aux États-Unis et nous pourrions jouer le rôle de consolidateurs. »
L'entreprise ayant aussi déjà acquis des actifs du même genre au Portugal, M. Audet reconnaît que le Canada pourrait à son tour ouvrir ses frontières aux investisseurs étrangers dans le domaine des télécommunications.
« Le gouvernement a déjà fait savoir qu'il était ouvert dans le cas d'entreprises qui détiennent moins de 10% des parts de marché. Je pense que le gouvernement va globalement dans cette direction. Là où il reste un problème, c'est dans le contenu. Même aux États-Unis, dans le marché le plus ouvert, un investisseur étranger ne peut détenir plus de 25% d'une station de télévision. »
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Nouvel investissement
Finalement, M. Audet a profité de la tribune qui lui était offerte pour annoncer un investissement de « 80 M$ à 100 M$ sur environ 10 ans » dans la création d'un centre de données informatiques à Montréal. La division Cogeco Services de données opère déjà cinq centres du genre à Toronto et un sixième à Vancouver.
Le centre devrait ouvrir ses portes au printemps 2014, avec une superficie d'environ 100 000 pieds carrés. Une douzaine d'emplois seront créés.
La création de tels centres, friands d'énergie et de climatisation, a maintes fois fait partie d'idées de relance économique du Nord québécois. Mais Cogeco a préféré Montréal. « Il faut d'abord identifier quels seront nos clients et quels sont leurs besoins, puis choisir l'endroit en conséquence », a brièvement expliqué M. Audet.