Le mystère plane toujours quant à l'avenir du Complexe Bourbon, jadis l’un des fleurons du Village gai de Montréal, aujourd’hui désaffecté. Les nouveaux propriétaires n’ont toujours pas dévoilé leur plan pour l'édifice acheté bien en deçà de l’évaluation municipale à l’été 2014. Les rumeurs de démolition courent.
Évalué à 4,62 M$ par la Ville pour la période 2014-2016, l’édifice qui comprend les adresses 1550 à 1592 Sainte-Catherine Est a été acheté pour 3 M$ le 20 août 2014. Situé sur un lot de 1865 m2, l’édifice compte quatre étages.
Depuis la transaction, les nouveaux propriétaires, connus sous le nom d’Investissements MSC Canada, une société immobilière, n’ont toujours pas donné signe de vie.
L’adresse des acheteurs, selon l’acte de vente, mène tout droit à une firme d’avocats du centre-ville de la métropole. C’est d’ailleurs cette firme qui a représenté les acquéreurs lors de la transaction. Le président et premier actionnaire d’Investissements MSC Canada, Labid Aljundi, est domicilié à Doha, au Qatar, selon le registre des entreprises du Québec.
Selon les informations recueillies par Les Affaires et Métro, M. Aljundi serait également directeur général de MSC Qatar, une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies, détenue en partie par le fonds d’investissements de l’armée qatarie. Nous avons tenté de joindre MSC Qatar et M. Aljundi à plusieurs reprises, sans succès.
Le Village en plein brouillard
Le Village en plein brouillard
En parallèle, les acteurs économiques concernés par le Village nagent en plein brouillard. D’abord, l’arrondissement Ville-Marie n’a toujours reçu aucune demande des nouveaux propriétaires. Pas de demande de démolition, pas de demande de changement de zonage non plus. Même son de cloche du côté de la Société de développement commercial du Village (SDC), qui a préféré ne pas émettre de commentaire.
Zoné « commercial », le Complexe Bourbon ne pourrait pas se transformer en tour à condos sans changement dans la réglementation. Et qu’un changement soit accepté ou non, le premier étage devra conserver une vocation commerciale, nous a-t-on expliqué à la Ville. Par ailleurs, un permis d’alcool est toujours associé à l’immeuble.
Le président de la Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ), Guillaume Bleau, n’était pas au courant de la vente survenue l’été dernier. Il salue toutefois toute initiative afin de revitaliser le secteur.
« Cet édifice-là comporte son lot de problèmes structurels, sans parler des rats. Ce n’est pas une mince affaire pour les nouveaux propriétaires. Ça fait longtemps qu’on entend dire que ça devrait être “jeté à terre”, explique-t-il. C’est une bonne chose si ça se transforme en condos. Ça amènerait de l’activité. C’est bien beau investir dans le Quartier des spectacles, et c’est bien beau une rue piétonne l’été, mais l’hiver, il n’y a quasiment plus d’activité », affirme M. Bleau.
De « Disneyland » à édifice fantôme
De « Disneyland » à édifice fantôme
Le Complexe Bourbon voit le jour au début des années 1990 sous la direction de l’entrepreneur et propriétaire Normand Chamberland, qui décide de créer un «Disneyland», inspiré du Bourbon Street en Nouvelle-Orléans, au Village gai.
«C’était la première fois qu’on construisait un complexe destiné à la communauté gaie. On y retrouvait tout : des restaurants, des bars, un hôtel… C’était peut-être même le premier en Amérique du Nord, du moins un des plus grands et des plus importants. Il y avait aussi son architecture complètement délirante… c’était assez audacieux pour le temps, affirme Michel Jutras, guide touristique depuis plusieurs années dans le Village. [Le complexe] était là durant l'apogée du Village, dans les années 1990.»
Siitué sur la rue Sainte-Catherine, entre les rues Alexandre de Sève et de Champlain, l’imposant Complexe Bourbon connaît un important déclin depuis la mort de Chamberland en 2008, et aucune activité n’y a lieu depuis l’année dernière, avec la fermeture du fameux restaurant le Club Sandwich en avril 2014.