À quoi pourrait ressembler Montréal dans 10 ans ? Des promoteurs qui ont participé à une table ronde organisée par Les Affaires livrent leur vision du développement urbain pour faire de la métropole un lieu de vie attirant pour les entreprises, les commerces et les résidents.
Jacques Vincent, Coprésident de Prével Alliance
Chaque année, j'effectue un ou deux voyages en Amérique du Nord ou en Europe afin d'aller voir ce qui se fait ailleurs dans l'immobilier. L'automne dernier, j'ai eu un véritable coup de coeur pour HafenCity, le plus important projet mixte européen, à Hambourg, en Allemagne. Il s'agit d'un ambitieux plan de 10,4 milliards d'euros (16 G$), dirigé par la ville, pour revitaliser une section du port qui n'était plus adéquate pour le transport maritime. Déjà 2 000 personnes y habitent et 9 000 personnes travaillent au sein des 450 entreprises qui ont choisi de s'établir dans ce nouveau quartier. Le projet, dont les premières constructions ont commencé en 2003, prévoit accueillir plus de 12 000 résidents et plus de 40 000 travailleurs d'ici 2025. Une station de métro a été créée en 2012 et une maison symphonique, actuellement en construction, ouvrira ses portes d'ici 2017. Des écoles, une université, un musée maritime et plus de 28 hectares en parcs, promenades et places publiques figurent dans les plans. Un projet de rêve !
Richard Hyland Président de Corporation immobilière Kevric
Je suis très impressionné ces jours-ci par le Shard, que viennent d'achever les Londoniens. Cette tour de verre pyramidale de 87 étages à l'architecture très osée est située en plein coeur du London Bridge Quarter. Il s'agit du plus haut immeuble de l'Europe de l'Ouest. Évaluée à 435 millions de livres sterling (800 M$), la tour à vocation mixte abrite des boutiques sur les deux premiers étages, des bureaux de location du 3e au 30e étage, trois restaurants du 31e au 33e, l'hôtel Shangri-La du 34e au 52e, des résidences du 53e au 65e ainsi qu'un observatoire du 68e au 72e. Pourrait-on réaliser la même chose à Montréal ? Pas pour le moment. Notre dynamique économique ne pourrait pas supporter le prix élevé des loyers et des copropriétés de ce type de projet. Remarquez, même les Londoniens éprouvent de la difficulté à le faire. Plusieurs étages de bureaux cherchent encore des locataires.
Stéphane Côté Président de DevMcGill
Il y a 12 ans, lors d'un voyage à Tokyo, j'ai découvert ce qu'étaient les imposants projets mixtes. Je séjournais dans un hôtel dont le hall était au 35e étage. Au bas de l'immeuble, il y avait un centre commercial de trois étages, et ensuite, plus de 30 étages étaient consacrés à des bureaux locatifs. Ici, en Amérique du Nord, on commence à voir ce type de projet. Le Time Warner Center, qui fait partie du Colombus Circle, à New York en est un bel exemple, avec ses deux tours abritant le Mandarin Oriental Hotel, des copropriétés, des bureaux et des boutiques. L'Air Canada Centre, à Toronto, n'est pas en reste, avec l'amphithéâtre des Maple Leafs, l'hôtel Germain, des boutiques et des copropriétés. On travaille actuellement sur un projet mixte de grande envergure pour le centre-ville d'Ottawa. À Montréal, on n'en est pas encore tout à fait là, mais ça s'en vient.
Stanislas Malecki Vice-président, développement, Sobeys
Plusieurs projets mixtes européens m'interpellent. Notamment le projet Corvin Quarter à Budapest, en Hongrie, un développement de revitalisation de plus de 850 millions d'euros (1,2 G$) au coeur de la capitale hongroise. Il y a aussi le Kö-Bogen, à Düsseldorf, en Allemagne. Cet immeuble mixte de six étages marque une importante transition entre l'espace urbain et le paysage. Il figure d'ailleurs sur la liste des vainqueurs de l'édition 2014 du Marché international des professionnels de l'immobilier (MIPIM) - un événement qui se déroule à Cannes chaque année - en matière de régénération urbaine. Tous ces projets sont inspirants. Je reste persuadé que le projet Griffintown pourrait devenir à terme un secteur très recherché de Montréal. Encore faut-il qu'il soit mené de façon intelligente et en concertation avec les pouvoirs publics. Bref, il faut que tous les intervenants s'impliquent de façon constructive.
Jean-François Breton Président de Carbonleo
En compagnie de mon équipe de direction, j'effectue deux fois par année des voyages pour aller voir ce qui se fait ailleurs dans le domaine des projets immobiliers. Lors de notre dernier séjour dans huit États américains, nous avons visité 16 développements, dont le City Creek Center, en plein centre-ville de Salt Lake City, dans l'Utah. Ce centre commercial à vocation mixte fait partie d'un projet de revitalisation de plus de 5 G$. À lui seul, il a coûté plus de 1,5 G$. Le développement ne se fait pas sans heurts, car il implique la démolition et la rénovation de bâtiments historiques. N'empêche que le produit est impressionnant. Ce centre, qui compte une centaine de boutiques et de restaurants, dispose d'un toit rétractable. L'aménagement comprend également une rivière artificielle, deux chutes d'eau et trois fontaines. Sa structure extérieure est composée de matériaux nobles tels la pierre et le granit. Enfin, le projet, qui offre un accès direct au transport en commun, prévoit la construction de plus de 300 copropriétés. Il doit aussi inclure un campus universitaire et un centre de congrès.
Jacques Métivier Vice-président du CA de Landmark
Ce n'est pas tant les projets et les promotions immobilières qui attirent mon attention. Mais plutôt les villes qui réussissent leur développement urbain global. À mes yeux, Boston et Chicago sont parvenues à trouver un bel équilibre entre l'architecture et le développement commercial et résidentiel. Boston, par exemple, qui ressemble un peu à Montréal, a trouvé le moyen d'enfouir l'autoroute qui scindait la ville en deux. Aujourd'hui, son quartier italien est de nouveau rattaché à la ville.
Jean Laramée Vice-président, Capital immobilier Québec, Ivanhoé Cambridge
Un des projets qui m'impressionne le plus est le Big Dig à Boston : la transformation en souterrain de la Central Artery, une autoroute surélevée à six voies qui scindait la ville en deux. C'était une véritable cicatrice. Construit entre 1985 et 2007, ce projet a coûté au bas mot 15 G$, soit sept fois le coût initial. Certains prétendent qu'il s'agit du plus coûteux projet immobilier aux États-Unis. Aujourd'hui, le Big Dig présente l'un des plus beaux parcs et espaces publics de la ville, le Rose Fitzgerald Kennedy Greenway. De quoi inspirer l'administration Coderre qui souhaite recouvrir l'autoroute Ville-Marie derrière l'hôtel de ville de Montréal...