Vous en avez ras-le-bol de votre boulot actuel et vous rêvez d'un nouveau départ ? Vous n'êtes pas le seul. L'an passé, près de 30 000 Québécois ont démissionné d'un emploi jugé insatisfaisant et, de ce nombre, beaucoup ont décidé de changer de domaine. Si vous songez vous aussi à un changement de carrière, voici ce qui vous aidera à prendre une décision : le portrait de six personnes qui ont déjà «plongé» ou qui s'apprêtent à le faire, et les conseils de nos experts. Plonger ou ne pas plonger, voilà la question !
Le 28 décembre dernier, Christiane Gingras écoute les informations à la télévision. Les nouvelles ne sont pas roses. Une auto est tombée sur la voie ferrée à l'échangeur Saint-Pierre, dans l'ouest de Montréal. Bilan de l'accident : un mort.
Le 3 janvier, de retour au bureau, cette analyste financière du service des voyages corporatifs de Bombardier Aéronautique apprend que la victime était une collègue de travail. «J'étais assise à la même table qu'elle au party de Noël.»
Sous le choc, elle entre dans le bureau de sa gestionnaire et lui lance : «Le job que je fais, je ne suis plus capable. Aide-moi à prendre le virage !»
Décision impulsive ? Pas tant que cela, en fait. Plutôt la goutte qui a fait déborder le vase. Ou, en langage un peu cru, le coup de pied qu'il fallait à Mme Gingras pour sauter dans l'inconnu... et devenir coach d'ici la fin de 2012.
«Quand tu es jeune, tu veux faire. Mais plus tard dans ta vie, tu veux être. Moi, je suis rendue là. À cette étape-ci de ma vie, j'ai envie d'être un être humain 24 heures sur 24, pas seulement à partir de 17 h», lance la jeune grand-mère de 55 ans, qui dit en avoir encore pour 20 ans à travailler.
«Je ne peux pas me résoudre à emporter dans ma tombe tout ce que la vie m'a appris, sans en faire profiter les autres», explique celle que nous avons rencontrée à la cafétéria de son futur ex-employeur, Bombardier Aéronautique.
Mme Gingras est loin d'être un cas unique. En effet, c'est au Canada que l'indice de mobilité du cabinet de ressources humaines Randstad a le plus augmenté. Cet indice, calculé en sondant au moins 400 personnes par pays dans 27 pays, essaie de prévoir combien de personnes changeront d'emploi au cours des six prochains mois. Il a gagné 12 points (de 99 à 111) du 3e au 4e trimestre de 2011. Sur la même période, l'indice moyen des 27 pays est passé de 103 à 105.
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Patron insupportable, restructuration, divorce, etc., «les raisons de vouloir changer d'air sont nombreuses», reconnaît la coach professionnelle Hélène Morais.
Depuis trois ans, Mme Gingras ressentait un malaise grandissant. «Mon travail m'alimente, mais il ne me nourrit plus.»
Ce n'est pas la première fois que Mme Gingras «fugue» : à 35 ans, la secrétaire de direction était retournée à l'Université Laval à plein temps pendant quatre ans pour faire un baccalauréat en administration des affaires. «Je me disais : à cet âge, je sais ce que je veux.»
Mais comme elle dit si bien, «on ne veut pas la même chose toute sa vie». Au milieu de la quarantaine, ses deux enfants ayant quitté la maison, les questions existentielles ont refait surface. La perte de son emploi et une tentative de vie à deux ratée n'ont fait qu'accroître son inconfort.
«Quand une personne entame ce type de réflexion, il faut qu'elle se demande si c'est vraiment son travail qui la rend malheureuse ou si ce ne serait pas plutôt sa vie en général», précise Yaniv Benzimra, psychologue du travail chez Psychologues Consultants Y2.
Devenue consultante en 2006, Mme Gingras effectue quelques mandats qui sollicitent ses compétences d'administratrice agréée, mais qui comportent un aspect humain et pas seulement mathématique. Ça l'allume ! Puis, en 2010, on lui offre un bel emploi permanent chez Bombardier Aéronautique. «J'étais très positive face à mes nouvelles fonctions, mais mon ballon s'est dégonflé.»
C'est à ce moment qu'elle rencontre un ancien cadre de Bombardier Transport, devenu coach après son départ. «Quand il a eu fini de me raconter ce qu'il faisait, je me suis tout de suite dit : c'est ce que je veux faire !»
En septembre 2010, tout en travaillant chez Bombardier, Mme Gingras commence une formation de coach chez Coaching de gestion. Ses patrons sont au courant. «Je suis une fille transparente.» La formation durera environ 120 heures.
Pour la suite des choses, la mort tragique de sa collègue de travail finira de la convaincre que le meilleur moment pour agir, c'est toujours maintenant. Fin 2012, elle aura obtenu son titre de coach certifiée. Elle fait déjà du coaching une journée par semaine. «Je me donne jusqu'en 2017 pour devenir coach à plein temps, à mon compte, mais j'espère que ce sera avant ça.»
Aussi simple que ça ! Sur papier... Parce qu'en pratique, le processus est souvent long et déstabilisant. «Il faut accepter dès le départ qu'il n'y a pas de chemin facile pour faire des changements radicaux dans sa vie. Mais faire un job qu'on n'aime pas pendant 20 ans, c'est encore plus difficile», rappelle Mme Morais.
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Selon Statistique Canada, les personnes qui quittent volontairement leur emploi représentaient 9 % des chômeurs en octobre 2010. Les démissions ont tendance à augmenter lorsque les possibilités d'emploi abondent et à diminuer en période de ralentissement économique.
L'an dernier, 28 900 Québécois ont lâché un emploi qu'ils jugeaient insatisfaisant, indique Statistique Canada. Ce dernier chiffre ne représente sans doute qu'une très faible partie de ceux qui songent à partir, mais le cheminement peut aussi se révéler très bénéfique pour les personnes qui choisissent finalement de ne pas bouger.
«Même si, à la fin du processus de réflexion, la personne décide de garder son poste, ça peut être très positif. Des fois, ce n'est pas l'emploi qu'il faut changer, mais le gars ou la fille», souligne Danielle Lapointe, conseillère en ressources humaines agréée et coach.
«J'ai des clients qui, après avoir développé une nouvelle approche, se rendent compte que c'est leur job actuel qui leur procure le plus de satisfaction», raconte M. Benzimra.
«Parfois, ce n'est pas de changer d'emploi dont les gens ont besoin pour retrouver le bonheur, mais simplement de moins travailler, souligne Nathalie Masson, coach certifiée chez Espace Temps Coaching. Peut-être que la moitié des personnes qui entreprennent un processus pour changer d'emploi ne changent finalement pas. Ce qui ne les empêche pas d'être plus heureuses, parce qu'elles ont cheminé.»
Mais si, après une longue réflexion, vous arrivez à la conclusion que vous êtes mûr pour un changement, Mme Gingras vous donne trois conseils : déterminez ce qui vous allume dans la vie ; décidez du premier geste que vous poserez pour changer votre situation ; et déterminez la date à laquelle vous le ferez.
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