Quand il explique sa vision du rôle de ministre des Finances, Raymond Garneau sait de quoi il parle. Il a occupé ce poste de 1971 à 1976 dans le gouvernement de Robert Bourassa. Dans l'autobiographie qu'il vient de publier aux Éditions Transcontinental (propriété de TC Media, éditeur de Les Affaires), préfacée par Philippe Couillard, ce libéral de 79 ans livre un témoignage de ses années en politique. Des années qui auront été marquées par la création, sous sa gouverne, du Conseil du trésor et de la Loi sur l'administration financière, qui régit les finances de l'État québécois.
Extrait
«Certains pourraient croire que la responsabilité du ministre des Finances n'est que celle de chef comptable du gouvernement, qu'il ne fait qu'additionner les revenus et les dépenses pour ensuite déposer le tout à l'Assemblée nationale. Effectivement, la publication des comptes publics relève de la responsabilité du ministre des Finances, mais la fonction comptable du gouvernement est assumée presque entièrement par les spécialistes du ministère. Sauf s'il y a un changement dans les principes comptables, le ministre des Finances n'intervient pas.
La responsabilité première d'un ministre des Finances est de proposer la politique budgétaire et fiscale du gouvernement dont il fait partie et de s'assurer que le niveau des dépenses publiques et celui de la taxation sont favorables au développement économique et à la création d'emplois. J'ai toujours cru que dans une économie ouverte comme celle du Québec la politique budgétaire et fiscale devait tenir compte de celle de ses principaux concurrents commerciaux et aussi et surtout de la capacité de payer des contribuables. Ce rôle est à ce point important que parfois le ministre des Finances doit tenir tête à ses collègues et même à son premier ministre s'il croit que le ou les nouveaux programmes proposés ne seront pas finançables, à moyen et à long terme, sans une augmentation sensible des impôts ou des taxes, ce qui nuirait à la création d'emplois.
S'il veut conserver sa crédibilité et celle de son gouvernement, le ministre des Finances doit être officiellement ou officieusement le principal conseiller fiscal et j'oserais même dire le confident du premier ministre : le ministère des Finances est un ministère casse-cou.
Il est plus facile pour un ministre des Finances d'être populaire à court terme qu'efficace à moyen et à long terme.
Pour être crédible et efficace, le ministre des Finances doit appuyer ses décisions sur des analyses économiques fouillées et exhaustives. Il doit aussi être en mesure de défendre ses décisions devant le Parlement et devant l'opinion publique : il doit être un bon communicateur. Finalement, au-delà des analyses économiques, le ministre des Finances ne peut pas oublier la philosophie politique du groupe parlementaire auquel il appartient.»