À 38 ans, Nick Swinmurn est un vétéran du commerce électronique. En juin 1999, il a fondé l'une des entreprises de commerce électronique les plus populaires du monde, Zappos. En entrevue, cet entrepreneur en série répond à 12 questions à la fois.
DIANE BÉRARD - À 38 ans, vous avez déjà démarré cinq entreprises Internet, dont le mégasuccès Zappos. Un jeu d'enfant, le commerce électronique ?
Nick Swinmurn - Pas vraiment, c'est un secteur difficile et surpeuplé. Et, contrairement à ce que vous pouvez imaginer, on ne peut pas rouler simplement sur une bonne idée. De bonnes idées, j'en ai au moins trois à la fois et elles paraissent toutes géniales. Dans l'univers Internet, on se laisse facilement distraire par la «nouvelle bonne idée». Le défi consiste à choisir, persévérer et tester. Beaucoup d'entrepreneurs passent à l'étape 2 dès que leurs hypothèses de départ semblent un peu crédibles. Il n'existe pas de raccourci. Pour réussir, il faut une bonne idée, beaucoup d'argent et une vision claire de la méthode que vous emploierez pour faire passer votre message au public cible.
D.B. - Vous avez décroché le gros lot avec Zappos. Comment l'idée vous est-elle venue ?
N.S. - J'y ai pensé après avoir arpenté un centre commercial, sans réussir à trouver une seule paire de chaussures qui me plaisent. Pourquoi ne pas lancer un site d'achats de souliers ? Mais je ne suis pas passé à l'action tout de suite. Des idées, j'en ai beaucoup que j'oublie souvent aussi vite ! (rires) Entre le projet Zappos et l'entreprise elle-même, j'ai lancé un portail pour les étudiants universitaires (4students.com), puis exploré l'idée d'un programme de fidélité pour fans de baseball et de basketball. Toutefois, le lockout de 1998 au basketball m'a refroidi. C'est à ce moment que mon père m'a rappelé l'idée du site de chaussures. J'ai recueilli 150 000 $ auprès de ma famille et de mes amis et je l'ai démarré. Cinq mois plus tard, le grand magasin Nordstrom a lancé nordstromshoes.com, ce qui validait mon idée.
Zappos est l'un des sites d'achats en ligne les plus populaires du monde. Derrière ce succès, y a-t-il une autre réalité ?
D.B. - Zappos est l'un des sites d'achats en ligne les plus populaires du monde. Derrière ce succès, y a-t-il une autre réalité ?
N.S. - Oui, même lorsque nos ventes ont atteint 1 million, nous ne faisions presque pas de profit. C'est pour cette raison que nous avons vendu à Amazon plutôt que de procéder à un appel public à l'épargne. Nous doutions que nos actions trouvent preneur.
D.B. - Le modèle d'affaires Internet semble répondre à d'autres règles que le modèle traditionnel : on lance l'entreprise d'abord et on cherche ensuite d'où viendront les revenus...
N.S. - Plusieurs sociétés Internet fonctionnent ainsi. Mais, dans le lot, on trouve des modèles plus casse-cou que d'autres. Par exemple, je vois une différence entre l'entrepreneur qui démarre en sachant à qui s'adresse son offre et celui qui développe son projet sans vision précise de sa cible. Ceux-là, on les reconnaît facilement, ils répètent que «ce sera gros, très gros»...
D.B, - Le 16 novembre dernier, vous avez lancé votre cinquième entreprise, RNKD. De quoi s'agit-il ?
N.S. - RNKD est une application qui récompense les consommateurs pour leur fidélité à une marque. Mais, au lieu de souligner vos achats actuels, nous vous remercions de ce que vous avez déjà acheté. Vous prenez des photos des articles qui se trouvent dans votre penderie, puis vous les publiez sur notre site en indiquant la catégorie (chaussures, jeans, t-shirts, sacs à main, etc.), la marque ainsi que la boutique où vous les avez achetés. Plus vous téléchargez d'articles, plus vous accumulez de points. Vous recevez deux types de récompenses : des chèques-cadeaux et de la reconnaissance. Chaque semaine, la communauté vote pour la plus belle collection de ceci ou de cela, l'internaute le plus influent, etc. Un petit macaron est affiché sur le profil des gagnants afin que toute la communauté soit informée de leur succès.
Comment l'idée vous est-elle venue ?
D.B. - Comment l'idée vous est-elle venue ?
N.S. - En 2009, j'ai lancé Dethrone, un fabricant de vêtements pour les fans des MMA (mixed martial arts). Après avoir vendu les marques des autres chez Zappos, je rêvais de créer la mienne. Il n'y a pas de magasin Dethrone, je vends mes produits aux détaillants. Je ne possède donc aucune statistique sur mes clients finaux. J'ignore quelle proportion de leur garde-robe se compose de ma marque. Les manufacturiers manquent tous de données sur leurs clients. RNKD est née de cette observation. J'ai cherché une façon d'entrer dans la penderie des consommateurs.
D.B. - Où en êtes-vous dans l'exécution de votre stratégie ?
N.S. - Ma stratégie comporte quatre étapes, et j'en suis à la seconde. D'abord, il me fallait vérifier si les internautes accepteraient de partager le contenu de leur garde-robe. C'est fait. Nos visiteurs placent en moyenne 26 photos chacun, ce qui représente 12 marques provenant de neuf magasins. Plus de 2 000 marques sont présentes sur RNKD. J'en suis maintenant à l'étape d'enrichir et de raffiner ma plateforme. Lorsqu'elle sera suffisamment complète, je m'attaquerai au trafic pour augmenter le taux de fréquentation. Je pourrai alors passer à la quatrième étape et tirer profit de mon contenu en proposant des alliances aux manufacturiers. Je leur proposerai d'utiliser ma plateforme pour accéder à de l'information privilégiée sur leurs clients.
Référencement
«Si Zappos paie suffisamment cher pour acheter le mot «souliers», c'est son site qui apparaît en haut de la liste des résultats de recherche. Cela donne une sérieuse avance sur les concurrents.» - Nick Swinmurn
LE CONTEXTE
Le modèle d'affaires de RNKD s'inscrit dans la foulée de celui des Facebook de ce monde, où une entreprise tire ses revenus de l'information que les internautes lui fournissent gratuitement sur leur vie privée. Une information qui possède une grande valeur monétaire, mais qui n'exige aucun coût d'acquisition.
SAVIEZ-VOUS QUE...
Le premier emploi de Nick Swinmurn consistait à vendre des billets pour les Padres de San Diego.