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Gestion de l'offre : le Canada n'est pas le seul pays à protéger son agriculture

Par François Normand


Édition du 19 Juillet 2014

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le Canada n'est pas le seul pays à avoir un système de la gestion de l'offre en agriculture pour protéger ses producteurs. Ni le seul où les consommateurs paient un prix plus élevé au détail. Plusieurs pays possèdent un tel système, notamment les États-Unis en ce qui concerne le sucre, selon une analyse l'Union des producteurs agricoles (UPA), qui défend ce système au Canada.


Au pays, la gestion de l'offre repose sur trois piliers : la planification de la production pour répondre à la demande canadienne en lait, en oeufs et en volaille ; le contrôle des importations grâce à des tarifs douaniers élevés (de 200 à 300 %) ; la mise en place de politiques couvrant les coûts de production des agriculteurs.


Aux États-Unis, les quantités de sucre vendues à des fins de consommation humaine par les transformateurs de betterave sucrière et de canne à sucre sont plafonnées par des quotas. Ces derniers garantissent 85 % de la consommation intérieure aux producteurs américains. Un programme prévoit d'affecter les excédents de sucre à la production d'éthanol afin de soutenir les prix du sucre.


Outre les États-Unis, l'UPA a cerné des systèmes semblables au nôtre, notamment au Japon (riz), en Norvège (lait), en Islande (lait), en Ukraine (sucre) et en Israël (lait, oeufs). «Ces structures sont minoritaires dans le monde, mais cela montre que d'autres pays prennent des mesures pour protéger leurs industries», souligne Charles-Félix Ross, directeur général adjoint de l'UPA.


Le Brésil par exemple n'est pas en reste, selon lui. Ce grand exportateur de produits agricoles (soya, maïs, etc.) soutient une variété de produits agroalimentaires en limitant leur prix au détail, de sorte que le riz importé, entre autres, est plus coûteux sur les tablettes d'épicerie que le riz produit au Brésil.


Un mauvais système, selon le C.D. Howe Institute



Un mauvais système, selon le C.D. Howe Institute


Daniel Schwanen, vice-président à la recherche à l'Institut C.D. Howe, souligne que la présence de systèmes de la gestion de l'offre ailleurs dans le monde ne justifie pas pour autant son existence au Canada. «Ce système a pour effet de faire augmenter les prix au détail et d'empêcher les exportations canadiennes de lait, d'oeufs et de volaille.»


L'Organisation mondiale du commerce (OMC) - qui régule les échanges internationaux - tolère ce système au Canada. Par contre, elle interdit au Canada d'exporter du lait de vache, puisqu'il bloque les importations de lait.


Daniel Schwanen rappelle que l'Australie - qui a pratiquement inventé la gestion de l'offre dans les années 1920 - a éliminé le soutien aux prix du lait et les quotas d'importation en 2000. Malgré l'impact sur les producteurs, l'industrie s'est adaptée et elle est devenue plus concurrentielle, selon lui. «Les producteurs australiens exportent dans l'ensemble de l'Asie, où la demande en produits laitiers est de plus en plus forte.»


Les pays de l'Union européenne, dit-il, ont aussi aboli leur système de la gestion de l'offre, pour les remplacer par des subventions versées directement aux producteurs agricoles par les gouvernements. Mais selon l'UPA, non seulement ces mesures manquent de transparence, mais elles entraînent aussi des «distorsions considérables» sur les marchés agricoles dans le monde.