Ce week-end,le Rouge et Or de l’Université Laval se bat pour défendre son titre de champion de la Coupe Uteck, contre les Mustangs de l’Université Western Ontario.
Pendant ce temps, leurs rivaux, les Carabins de l’Université de Montréal, se démènent sur un autre terrain : celui des relations publiques.
En effet, leur décision de ne pas renouveler le contrat de l’entraîneur Marc Santerre et de nommer Danny Maciocia à sa place a suscité une véritable tempête médiatique qui a pris tout le monde par surprise, la direction des Carabins en premier lieu.
«Si quelqu’un doutait de la popularité et de l’importance du football universitaire, il n’en doute plus», dit Bruno Delorme, professeur de marketing à la John-Molson School of Business de l’Université Concordia.
Lui-même se dit surpris par l’ampleur qu’a pris cette crise. «On n’est pas aux Etats-Unis, mais quand même… Il y a quelques années, on n’aurait jamais vu ça. Le football est de plus en plus populaire.»
«Saloperie» et «programme en crise»
Les médias montréalais ont en effet fait leurs choux gras de cette affaire et des déclarations chocs des acteurs. «L’esprit des Carabins est mort aujourd’hui», a dit Marc Santerre. «Tu peux pas être un Carabin sans avoir du Marc Santerre», a dit lors d'une conférence de presse émotive l’un des joueurs, Frank Bruno, venus donner leur appui à leur coach démis, figure paternelle pour plusieurs. C’est d’ailleurs par courriel qu’ils disent avoir été mis au courant de la décision.
Enfin, pour couronner cette semaine noire : le départ d’un des ambassadeurs de l’équipe, l’ancien joueur des Alouettes Bruno Heppell.
Les chroniqueurs sportifs se sont déchaînés, certains parlant de «saloperie», d'autres «d’explications floues, incomplètes et nébuleuses», et de «programme en pleine crise».
Snob, l’Université de Montréal?
Dans un premier temps, souligne Bruno Delorme, la direction des programmes sportifs de l’Université de Montréal a mal géré cette crise. La règle numéro un, souligne-t-il, est de passer son message aux médias. Or ça n’a pas été fait.
«Les universités fonctionnent généralement en vase clos, et les gens de l’Université de Montréal n’ont pas vu venir la crise.»
Ce qui ressortait entre les branches dans les médias, c’était le désir de «nettoyer l’équipe» et la rendre conforme à l’image de l’institution qu’elle représente. Des rumeurs à l’effet que certains joueurs avaient un comportement olé olé circulaient dans le milieu, dit Jean Chabot, responsable du suivi académique pour le Rouge et Or de l’Université Laval. La décision de remercier Marc Santerre «n’est pas tant une question de football que d’image».
«Est-ce que l’Université de Montréal veut une équipe de football propre, propre, propre et blanche, blanche à l’image de la bourgeoisie québécoise? Ou bien veut-elle refléter la réalité cosmopolite de la métropole?», a demandé le chroniqueur de La presse Ronald King, qui parlait de «comportement frileux» d’une direction craignant la confrontation et complotant «derrière des portes closes».
De son côté, Marc Santerre a souligné ses efforts pour recruter des joueurs provenant de milieux plus difficiles, des considérations pas prises en compte dans l'évaluation du programme.
«L’Université de Montréal a eu l’air snob dans tout ça, souligne Bruno Delorme, comme si elle rejetait les jeunes de la rue.»
L’école avant le sport
Un revirement s’est cependant opéré, croit Bruno Delorme, lorsque la directrice des programmes sportifs du Cepsum, Manon Simard, s'est expliquée. Le message : «Personne n’est plus important que le programme.» Et ce programme comprend un volet académique essentiel: les joueurs sont d’abord des étudiants et ils doivent viser l’obtention de leur diplôme. Plus que les performances sur le terrain, celles sur les bancs d’école –avec des résultats scolaires inférieurs aux moyennes- semblaient poser problème. «Il est important que les athlètes réussissent leurs études», a dit le président du c.a. du Cepsum, Robert Panet-Raymond.
Avec ce spin, note Bruno Delorme, la direction a fait mouche. «Le fait que les résultats académiques étaient plus importants que les résultats sportifs les ont fait grandir à mes yeux. À ce moment-là, l’Université a mieux géré la crise.»
Si elle avait choisi de ne pas réagir du tout, conclut-il, «cela aurait pu être dommageable pour l’Université».
Quoiqu’il en soit, les répercussions de cette «semaine noire» sont encore inconnues.
«Une équipe en crise, ce n’est jamais bon pour une université», note Jean Chabot. Car un programme de football, c’est plus vaste que les victoires ou les défaites sur le terrain. «C’est l’image de l'institution. D'où l'importance de savoir où on veux aller.»