Même si une récession mondiale n’est probablement pas à craindre, l’année 2012 risque de ne pas être plus rose sur le plan économique que ne l’a été 2011.
C’est en quelque sorte l’avertissement qu’a lancé un panel d’économistes, réunis hier après-midi sur une même scène par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), en profitant de l’occasion pour lancer au passage quelques flèches et recommandations à la classe politique.
En voulant arranger les choses, «le politique risque de reproduire les erreurs de 1937 (la Crise de 1937) en imposant aux populations un resserrement fiscal et monétaire beaucoup trop fort et prématuré», s’est inquiété en outre l’économiste en chef et stratège, Valeurs mobilières, de la Banque Laurentienne du Canada, Carlos Leitao.
Autrement, se sont entendus les quatre économistes réunis, la prochaine année en sera une «de déception», comme l’a exprimé sans détour le vice-président et économiste en chef du Mouvement Desjardins, François Dupuis. «Une année où les taux d’intérêt demeureront faibles, une année aussi où la croissance sera faible, une année où l’on risque de connaître une légère récession au niveau mondial (…)».
Récession en Europe
Déception d’autant plus grande que les économistes parviennent difficilement à prédire combien de temps la crise économique et politique que l’on traverse actuellement durera. «Deux ans, trois ans, cinq ans ou huit ans? Difficile à dire, de poursuivre M. Dupuis, mais je pense que cela va prendre du temps (à en sortir) et que 2012 sera une année de grandes déceptions».
Les plus grands défis se dérouleront sur le continent européen qui, de l’avis des économistes réunis, semble bien mal parti pour éviter une récession. La Zone euro (17 pays) paie aujourd’hui pour avoir créé une union monétaire dans l’empressement sans avoir pris soin d’harmoniser au préalable ses politiques sociales, juge l’économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion.
Une récession qui frappera rapidement, probablement au cours de «la première partie de 2012», précise Denis Durand, associé principal de Jarislowsky Fraser. Ce dernier croit fermement, comme d’autres, que cette récession demeurera concentrée en Europe et ce malgré une baisse de productivité des pays du BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) qui soulève beaucoup de craintes, en particulier au Canada, grand exportateur de matières premières.
Le Canada à risque
D’autant, avance-t-il, qu’«avec autant d’efforts déployés dans les programmes d’austérité par le gouvernement américain, il est quasi impossible que les États-Unis tombent en récession».
Chose qui aurait des conséquences graves sur l’économie mondiale, et canadienne en particulier, dépendante à la fois de l’économie américaine et de ses exportations en ressources naturelles. «Nous ne vivons pas sur une île a prévenu Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Si une récession devait survenir, elle frapperait ici, assez fortement», compte tenu notamment e l'importance de l'endettement des ménages.
Poursuivant dans la même veine, «en cas de récession, le Canada risquerait d’être encore plus affecté que le seraient les États-Unis», a ajouté Denis Durand, de Jarislowsky Faser.
Le rôle clé du politique
Cela dit, le Canada, les États-Unis et l'Europe devraient parvenir à se sortir de la crise qu'ils traversent, «en autant que les pouvoirs politiques fassent les choses de manière ordonnée», précisent les économistes, soutenant que c'est d'abord dans l'arène politique que se jouera, à court et moyen terme, la reprise économique.
«Le politique constitue une variable très très importante par les temps qui courent, ce qui rend les prévisions économiques particulièrement difficiles, a expliqué Stéfane Marion, de la Banque Nationale. Tout dépendra de la tolérance de la population aux décisions impopulaires auxquels sont confrontés actuellement les politiciens. Ce sera un gros gros test pour le politique.»
Un avis que partage Carlos Leitao, de la Banque Laurentienne, estimant que la zone euro saura survivre à la crise actuelle, ne serait-ce que parce qu'un démantèlement aurait des répercussions trop importantes.
«La bonne nouvelle est que l'économie est maintenant tellement intégrée que les politiciens se trouvent sous tutelle par les marchés et n'ont d'autres choix que de trouver une issue, soutient l'économiste du Groupe financier Banque Nationale. Je suis donc optimiste», ajoutant que des décisions devront être prises rapidement pour éviter une hausse de l'incertitude que l'on observe actuellement,
Rapidement mais en prenant soin ce faisant d'éviter les erreurs du passé. M. Leitao a cité en exemple 1937, année tristement passée à l'histoire à son avis en raison d'un trop grand empressement des pouvoirs publiques de remettre l'économie sur les rails. «Si on agit trop fortement, et trop vite, il y aura de graves problèmes. Le chômage est actuellement à 9% aux États-Unis. On ne peut se permettra que la situation se déterriore au point d'atteindre un taux de 15%.»
«Les pouvoirs politiques doivent agir de manière ordonnée, a fait valoir l'associé principal de Jarislowsky Fraser. Cela veut dire pas d'hausse d'impôt trop rapide, ni de coupures dans les programmes de support aux contribuables de la classe moyenne. À défaut, l'économie risque une profonde récession.»