Pour une toute première fois, la marque Elle Québec s'est alliée à un détaillant, RW&Co., propriété du groupe Reitmans, pour créer une collection de robes. Ce cobranding (alliance de marques) inédit ouvre la voie à de nouveaux types de partenariats dans le milieu canadien du vêtement, avide de profiter de la visibilité d'une telle «bible de la mode».
Désirant célébrer de façon particulière ses 15 ans, le détaillant montréalais RW&Co. cherchait depuis plusieurs mois un partenaire inusité. Et c'est en feuilletant un magazine que l'idée est venue à l'équipe de marketing. «Sur l'heure du midi, on prend souvent le temps de parcourir quelques magazines de mode, dont Elle Québec... Et un jour, ça a cliqué dans ma tête ; je me suis dit que cette publication guidait les femmes adeptes de mode et d'élégance, que c'était le partenaire qu'il nous fallait», raconte Karine Laparé, superviseure des relations publiques pour RW&Co.
Parfois les planètes sont bien alignées. Le magazine Elle Québec (publié par TC Media, qui édite aussi Les Affaires) souffle cette année ses 25 bougies, et il cherchait aussi un concept original pour souligner son anniversaire. Le magazine a joué les entremetteurs entre RW&Co. et Lagardère Active, le groupe détenant les droits d'exploitation modiaux de la marque Elle. Les dirigeants de Lagardère Active ont ainsi été charmés par l'idée de Karine Laparé. Le concept est simple : créer une collection capsule (quelques pièces seulement) de robes pour le temps des fêtes, à l'aide du designer et rédacteur en chef d'Elle Québec, Denis Desro.
Proposée en magasin et en ligne depuis le début de novembre, la collection a été annoncée en grande pompe sur le site Web et dans les pages du magazine.
«Le cobranding est une nouvelle tendance très intéressante, elle peut nous aider à développer notre marque, tout en permettant de répondre aux attentes des annonceurs du magazine, qui ne veulent plus simplement apparaître dans les pages consacrées à la publicité», dit Fabrice Plaquevent, pdg de Lagardère Active.
Lagardère a déjà conclu des partenariats entre la marque Elle Québec et diverses entreprises, dont California Innovations (boîtes à lunch) et Holiday Group (sacs et valises). Toutefois, l'alliance avec RW&Co. est la toute première avec un détaillant canadien. «Si cette expérience est concluante, nous n'excluons pas la possibilité de faire d'autres alliances de ce genre dans un proche avenir», indique M. Plaquevent.
Une formule payante
Les opérations de cobranding, encore peu nombreuses, sont appelées à se multiplier, croit Fabrice Plaquevent, qui est aussi pdg d'Elle International. Il cite en exemple la récente association entre le magazine Vogue et le détaillant Le Printemps, en France. Pendant près de deux mois, au début de l'année, le grand magasin parisien a ouvert ses portes à un café «éphémère et design», où les passants pouvaient feuilleter des exemplaires du célèbre magazine de mode.
Dans ce type d'alliance, il est important que les entreprises concernées partagent une vision commune, affirme M. Plaquevent.
Stratégie à double tranchant
Pour le designer et expert en mode Jean-Claude Poitras, le cobranding est une voie tout à fait intéressante qui permet de démocratiser la mode en la rendant accessible. À son avis, les détaillants québécois auraient grand intérêt à prendre cette stratégie en considération pour sortir des sentiers battus. «RW&Co. peut être fière de son coup : être liée à la marque Elle l'aide à se démarquer et à gagner en crédibilité dans le milieu de la mode», soutient-il.
Toutefois, Jean-Claude Poitras estime qu'il y a des conséquences possibles pour les deux parties. «Si un détaillant ou un designer est trop associé à un seul magazine, les autres publications risquent d'en faire beaucoup moins mention», dit-il.
Pour Elle Québec, les inconvénients se feront sentir sur le plan du contenu journalistique. Selon M. Poitras, il y a déjà une pression intrinsèque de la part des grands publicitaires sur le contenu éditorial. «Avec une telle alliance, on peut penser que les mots risquent d'être pesés lorsqu'un journaliste écrira sur RW&Co.», avance-t-il.