Les parcours de Josesph Basmaji et de Gilles Fortin sont semblables. Le premier a créé la chaîne de magasins Jacob en 1976, à Sorel. Le second s'est lancé dans le commerce de détail en achetant la boutique Tristan & Iseut, de Saint-Jean-sur-Richelieu, en 1973. Les deux hommes ont fait croître leur entreprise au fil des décennies, tout en demeurant les seuls maîtres à bord. Aujourd'hui, Gilles Fortin est bien placé pour comprendre les problèmes qui affligent son concurrent Jacob. Nous lui avons parlé pour connaître son point de vue sur la situation des détaillants.
" Dans le commerce de détail, c'est tough. Il n'y a pas grand-chose de positif ces temps-ci. On n'a pas vu ça en 30 ans... autant de changements d'habitudes chez les consommateurs, autant de nouveaux concurrents ", confie l'homme d'affaires. Le magasinage n'est plus " la principale activité des gens ", observe-t-il. " Les ventes dans les centres commerciaux sont stables depuis des années. "
Malgré cela, les heures d'ouverture ne cessent de s'étendre. Et les loyers augmentent. Une situation qui n'est pas sans conséquence sur les frais d'exploitation des détaillants. S'ajoute à ce tableau la venue massive au Canada de détaillants étrangers (Zara, H & M, Forever 21, Pink, Lucky Brand Jeans, Urban Outfitters, etc.).
Des concurrents qui " parlent en milliards de dollars. Ils sont plus coriaces et plus affamés que ceux contre qui on se battait avant ", affirme le patron des magasins Tristan.
De plus, ces nouveaux venus auraient droit " à des conditions avantageuses " dans les centres commerciaux, avance Gilles Fortin. " Ils leur déroulent le tapis rouge pour les attirer, pour obtenir des exclusivités ", dit-il, laissant entendre qu'il paie parfois plus cher le pied carré que des grandes chaînes internationales.
Cadillac Fairview a refusé de nous accorder une entrevue sur le sujet. Du côté de Ivanhoe Cambrige, le vice-président principal, Région de l'est du Canada, Jean Laramée, dit que les soupçons de Gilles Fortin sont " probablement exagérés ". Mais il convient que " les entreprises qui ont une masse critique (...) sont plus strictes sur les coûts, ce qui peut nuire à des gens de plus petite taille qui n'ont pas le volume. "
Une récession qui ne finit plus
Par ailleurs, la crise économique n'a pas épargné les détaillants. Voyant venir le ralentissement, l'homme derrière Tristan avait fait le ménage au cours des dernières années. " On est lean partout. " De 100 magasins au début de 2008, il est passé à 75. Malgré tout, il affirme que ses ventes (dont le montant est confidentiel) sont en hausse cette année.