Toronto – Protégeons nos terres agricoles et nos petites fermes, revoyons les règles qui touchent l’industrie alimentaire, soyons compétitifs à l’échelle internationale et cultivons davantage de légumineuses, a plaidé Galen G. Weston, président du conseil d’administration de Loblaw, au Canadian Food Summit 2012 qui se tient actuellement à Toronto. Des propos qui lui ont ensuite valu quelques critiques au cours de la période de questions.
Celui qu’on voit dans les publicités télévisées des produits Le Choix du président a cassé la glace en prenant la parole devant près de 600 experts de l’industrie canadienne au Metro Toronto Convention Centre. Sa présentation d’une trentaine de minutes portait sur l’avenir de l’alimentation au Canada.
« Il faut penser à l’alimentation en terme de générations, pas de trimestres », a lancé d’entrée de jeu Galen G. Weston, visiblement à l’aise sur la scène, sans notes et vêtu d’une chemise et d’un chandail à col v gris.
À son avis, l’industrie canadienne fait face à trois « grandes tensions » dans lesquelles elle doit trouver le juste équilibre, ce qui représente un défi quotidien :
1. Prix vs qualité
2. Spécialisation vs diversification
3. Mondialisation vs production locale
Il ne s’est pas trop attardé sur le sujet avant de plaider en faveur de la rédaction d’une stratégie nationale de l’alimentation, un projet du Centre for Food in Canada (créé par le Conference Board du Canada en 2010) auquel il participe. Le document doit être prêt à l’automne 2013.
Le conférencier a rappelé que d’autres pays (Grande-Bretagne, Australie, Suède et Brésil) se sont dotés de tels plans stratégiques, ce qui force le Canada à en faire autant s’il veut demeurer dans la course.
L’un des objectifs de la stratégie est le maintient de la compétitivité du Canada à l’échelle internationale. « Nous sommes le plus grand producteur de blé au monde, mais notre avance diminue », a affirmé Galen G. Weston. Il croit donc que le Canada devrait suivre l’exemple du Brésil qui a réussi, grâce à ses politiques, à dépasser la Floride à titre de producteur d’oranges numéro un sur la planète.
Légumineuses, étiquetage, porcs
Le Canada devrait tenter d’en faire autant avec les légumineuses, croit-il. Le pays produit déjà 35 % des légumineuses dans le monde (ce qui le place en première position loin devant les États-Unis avec 12 %). C’est une bonne source de protéines et de fibres, ça n’endommage pas les sols, ça pousse vite et ça fait partie de la diète quotidienne des Indiens, a énuméré le grand patron de Loblaw. « Il faut se demander comment on pourrait devenir les plus grands et les meilleurs producteurs de légumineuses du monde. »
Il s’est ensuite attaqué à diverses règles fédérales, notamment celle sur l’étiquetage qui fait en sorte qu’une tarte aux pommes faite de farine et de pommes canadiennes par des Canadiens ne puisse porter la mention « Produit du Canada » à cause de la présence de sucre importé dans la recette. « C’est complètement fou, n’est-ce pas ? Il faut pondre des lois qui font ce qu’elles sont censées faire [bien identifier les produits canadiens].»
Affirmant ne pas « toujours être en désaccord » avec la gestion de l’offre, il a tout de même dit que les subventions gouvernementales à l’industrie porcine n’avaient pas leur raison d’être car elles augmentent artificiellement l’offre ce qui a pour effet de faire chuter les prix dans le marché. « Je ne suis pas contre l’intervention de l’État, ni pour un total laisser-aller. Il faut trouver l’équilibre. »
Critiques de l’audience
Galen G. Weston a ensuite plaidé en faveur de la protection du territoire agricole en nommant le Québec comme exemple à suivre en la matière. Car préserver de vastes territoires dédiés à l’agriculture est essentiel pour répondre à la demande croissante des consommateurs pour les produits locaux. Les détaillants doivent aussi faire un effort en faisant la promotion des aliments locaux, a-t-il ajouté.
Présentement, les terres agricoles représentent 7% du territoire canadien et 42% du territoire américain. Néanmoins, le Canada est le 4e plus important producteur d’aliments au monde.
La courte période de questions qui a suivi (5 personnes ont pu s’adresser à Galen G. Weston) a été le théâtre de quelques critiques.
John Lugtigheid, directeur des Ontario Processing Vegetables Growers, est allé au micro pour critiquer Loblaw qui importe des aliments d’Inde et de Chine. « Et vous parlez de l’importance de la sécurité des aliments ! ». Affichant beaucoup de mécontentement, il a ajouté que l’importation de fruits et légumes qui poussent ici (petits concombres pour faire des cornichons, champignons, pêches) a des conséquences néfastes sur l’agriculture locale. On sait que certaines cultures ont pratiquement été abandonnées par les fermier canadiens tellement les prix des légumes importés de pays émergeants sont bas.
« Le prix est très important pour les consommateurs et la réalité est que le Canada n’est pas un pays autosuffisant. Nous devons trouver le bon équilibre », lui a répondu Galen G. Weston après s’être impatienté un peu. Il a ajouté qu’il pourrait tenter de préserver certaines cultures. « Ce n’est pas facile mais nous pourrions faire mieux », a-t-il admis.
Une femme qui produit des fraises lui a ensuite demandé pourquoi elle ne pouvait plus livrer directement ses fruits dans les magasins du groupe Loblaw et devait plutôt passer par un entrepôt central. Elle s’est fait répondre qu’il était encore possible, à certains moments de l’année et dans certaines régions, de livrer directement en magasin, mais que ce scénario ne pouvait être possible partout et tout le temps.
Galen G. Weston a aussitôt quitté la salle et n’a pas voulu s’adresser aux médias.
Quelques chiffres
Alimentation = 14 % des dépenses des ménages canadiens
Compte pour 8,2 % du PIB du pays
Emploie 2 millions de Canadiens