Pourrait-on voir avant longtemps des répliques de Marché Adonis naître ailleurs, au Québec et en Ontario? Fort probablement, selon tous les spécialistes à qui nous avons parlé.
Car selon les informations recueillies par LesAffaires.com, la société Metro s’intéresse bel et bien l’acquisition de Marchés Adonis, de Montréal, et de son importante société de distribution de produits alimentaires. Une rumeur qui circule depuis quelques jours et dont le quotidien The Gazette faisait état hier.
Metro cherche depuis un moment à diversifier son offre de produits afin de mieux desservir les consommateurs d’origines ethniques diverses, de plus en plus importantes dans les grands centres du Québec, comme du reste du Canada.
L’acquisition d’Adonis reste encore à être complétée, mais elle «s’inscrirait parfaitement dans cette stratégie de développement, d’ailleurs maintes fois exposée par Éric Laflèche (le président et chef de la direction de Metro)», a déclaré à LesAffaires.com un analyste de Toronto, désireux de ne pas être nommé.
Un incontournable
Cette stratégie visant les populations d’origines dites ethniques est le nouveau cheval de bataille de quiconque dans l’industrie alimentaire souhaite accroître ses parts de marché.
«Pendant dix ans les chaînes alimentaires ont cherché à accroître leur offre en pharmacie, aujourd’hui leur attention se tourne de plus en plus vers cette clientèle», confirme Christian Godin, gestionnaire de porte-feuille chez Montrusco-Bolton.
«Pour grandir ailleurs, en particulier à Toronto, Calgary et Vancouver, un accroissement de l’offre de produits à l’intention de la clientèle ethnique est devenu un incontournable», explique JoAnne Labrecque, professeur spécialisée en commerce de détail de HEC Montréal.
Et pour cause; cette clientèle engrangerait des dépenses alimentaires de 4 à 5 milliard (G$) par années, un volume de vente connaissant une progression annuelle aussi importante que 15% à 20%, selon une analyse de la CIBC Marché des capitaux.
Au cours des dernières années, la compagnie Loblaw a fait l’acquisition de la chaîne d’épicerie italienne Fortino’s, de même que de la chaîne d’épicerie asiatique T&T Supermarket, de Vancouver. L’acquisition d’Adonis par Metro, à Montréal, suivrait la même logique.
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Phaenicia : la carte cachée
Fondée il y a une trentaine d’années par les frères Jamil et Elie Cheaib, fraichement immigrés du Liban, Adonis est devenu un incontournable des marchands moyen-orientaux à Montréal, aux côtés d’autres concurrents, tels Akhavan et Al-Challal. Adonis compte aujourd’hui quatre supermarchés, à Montréal et à Laval, et s’apprête à en ouvrir un cinquième, cette fois dans le QuartierDix30, à Brossard.
Une de clefs d’Adonis réside en Phoenicia Products, véritable carte cachée derrière le succès des frères Cheaib. Phoenicia est devenue, grâce à l’essor d’Adonis, l’un des plus importants distributeurs, importateurs et exportateurs de produits alimentaires de cette région du monde au Canada.
D’une superficie totale de 250 000 pi2, ses deux centres de distribution de Saint-Laurent et de Toronto, enregistreraient annuellement des ventes de plus ou moins 85 M$. Des ventes qui se destinent pour l’essentiel aux tablettes des magasins de la chaîne Adonis, qui parvient ainsi à couper les prix tout en préservant d’intéressantes marges bénéficiaires.
Le Simons de l’alimentation
Craignant comme d’autres qu’Adonis perdent de sa spécificité, de sa saveur particulière en acceptant de faire ainsi vie commune avec un joueur de la taille de Metro, le spécialiste du commerce du détail et professeur Jordan Lebel, de la John Molson School of Business de l’Université Concordia, croit possible qu’Adonis réussisse «à contaminer» pour le mieux les façons de faire de Metro.
«Adonis est un véritable Simons de l’alimentation. D’une part, il est clair qu’ils savent comme Simons où s’approvisionner à petit prix. Ensuite et surtout, comme chez Simons, ils ont le don de faire rouler leur marchandise. Il suffit de mettre les pied dans un de leur magasin qu’une seule fois pour s’en rendre compte ; ces gens là ont le sens du commerce.»
Ce talent commerçant des frères Cheaib et de leur équipe, voilà ce qui, au-delà de la bannière (Marché Adonis), de ses bientôt cinq magasins et de son centre de distribution (Phoenicia Products), serait le principal intérêt d’une telle acquisition selon un acteur de l’industrie, désireux de garder l’anonymat.
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Multiplier la recette
De son avis, plutôt que de laisser diluer le concept d’origine d’Adonis, Metro confierait à ses artisans, le soin de se démultiplier.
En Ontario, par exemple, où la clientèle d’origine moyen-orientale est mal desservie, Metro pourrait viser l’ouverture de nouveaux marchés spécialisés, calqués sur le modèle de Marchés Adonis. Ailleurs en région, tant au Québec qu’en Ontario, où la clientèle dite ethnique ne suffirait pas à une telle offre, Metro pourrait ouvrir des sections ou comptoirs à l’intérieur de ses magasins de bannière Metro, Super C, ou autres.
Metro pourrait bien sûr tenter de calquer le concept d’Adonis par lui-même, mais ils ne disposeraient pas des contacts dans la communauté, peut-être même aussi «du talent commerçant nécessaire» chuchote-t-on dans la communauté libanaise.
«Si Metro parvient à laisser les équipes d’Adonis travailler à leur façon, une telle acquisition sera peut-être profitable pour tout le monde, analyse M. Lebel. Adonis aurait les moyen de s’étendre ailleurs au pays et Metro pourrait gagner en innovation et en merchandising, deux domaines qui font cruellement défaut à la plupart des distributeurs alimentaire (Metro, Loblaw, Sobeys, etc.) du pays.»
Silence
Pendant ce temps, la direction de Metro refusé net de confirmer ou d’infirmer quelques discussions que ce soit à propos d’un éventuel rapprochement ou acquisition d’Adonis. «Nous n’avons pas d’annonce à faire concernant Adonis. Nous ne commentons pas les rumeurs», s’est limité Marie-Claude Bacon, la porte-parole de Metro.
Même mutisme du côté d’Adonis. Le chef de la direction, Georges Ghrayeb, le vice-président Elie Cheaib et son président Jamil Cheaib n’ont pas donné suite à nos demandes d’interview.
Hier l'action de Metro a perdu 0,64% en cours de journée à la Bourse de Toronto. À la clôture des parquets, à 16 heures, son titre valait à 46,31$.