Bus mal adaptés aux conditions climatiques de Québec et de Montréal, autonomie de leurs batteries limitée, financement à revoir... Ce n'est pas si facile d'implanter un réseau de bus électriques au Québec !
Le Réseau de transport de la Capitale (RTC), à Québec, ne reconduira pas le projet pilote des Écolobus, fabriqués par une entreprise italienne, dans le Vieux-Québec.
Pour sa part, la Société de transport de Montréal (STM) repense sa stratégie après l'essai du bus à propulsion électrique de l'entreprise chinoise Build Your Dreams, effectué dans l'arrondissement Ahuntsic- Cartiervielle en avril dernier.
Autonomie réduite
Sur le papier, l'autonomie du bus chinois semble élevée : 240 kilomètres par mise en charge, ce qui correspond à près de 80 % de la moyenne des circuits quotidiens d'autobus des grandes villes, indique le site de la STM.
Mais lorsque, tous les deux coins de rue, les portes du bus s'ouvrent pour laisser entrer ou sortir des passagers, le bus puise dans l'énergie des batteries et l'autonomie diminue alors sensiblement.
«Ce qu'il faudrait, c'est mieux isoler nos bus, dit François Chamberland, directeur exécutif des services techniques de la STM. Pour chauffer, il faudrait utiliser du carburant qui ne puise pas dans l'énergie, comme le biodiesel, ou un chauffage d'appoint.»
«À Québec, le vrai défi, ce sont les côtes ! On consomme beaucoup d'énergie à les monter», souligne Alain Mercier, directeur général du RTC.
Si l'on ajoute aux pentes l'humidité, l'eau et la neige, le bus, qui peut circuler pendant 12 heures sans avoir besoin de recharger ses batteries dans les rues de Rome, ne tient que 8 heures à Québec.
Pour maintenir le service, il faudrait recharger les batteries au cours de la journée ou en chemin grâce à la technique du «biberonnage». Celle-ci permet de recharger l'autobus à chaque arrêt du véhicule, par induction au niveau du sol, au moyen d'un champ électromagnétique. Néanmoins, cette technique nuirait à la qualité du service, affirme François Chamberland. «Les gens veulent surtout de la rapidité. On ne peut pas s'arrêter pour recharger le bus six minutes par heure.»
Il faut dire que la STM et le RTC ne sont que les exploitants des réseaux. Ils sont donc tributaires des fournisseurs et de leurs avancées technologiques. Le marché des bus électriques n'est pas un marché énorme ; attendre les ajustements technologiques nécessaires peut prendre du temps.
Pour développer la technologie de batterie, il faudrait que les entreprises et les gouvernements investissent. Mais personne ne semble vraiment intéressé. «Ce n'est pas la ruée vers ce type d'investissement, où le rendement peut être long», indique M. Chamberland.
Nouveau projet pilote à Montréal
Opter pour une recharge en bout de ligne pourrait s'avérer une solution.
À ce propos, la STM s'apprête à lancer le projet Cité Mobilité, qui vise la mise en service, sur trois ans, de trois bus standard de 12 mètres, 100 % électriques, construits par Nova Bus, de Saint-Eustache.
«Les moteurs sont conçus par TM4, de Boucherville. C'est un beau produit : efficace, silencieux et fabriqué localement», explique M. Chamberland.
Les travaux d'infrastructure pour les autobus à recharge rapide pourraient débuter en 2015 : quatre bornes de recharge lente seraient installées au dépôt d'autobus et deux stations de recharge haute puissance sur le parcours. Toutefois, ni date ni lieu n'ont été encore fixés. Le coût total est estimé à 14,5 millions de dollars, dont 12 M$ seraient financés par Québec.
L'intégration urbaine des équipements fixes amène son lot de défis. «Où installera-t-on les bornes ? s'interroge le directeur exécutif de la STM. Est-ce qu'on devra construire des abris pour les accueillir en pleine ville ? Faudra-t-il exproprier des personnes ? Dans quelles conditions peut-on assurer la rentabilité de ces équipements ?»
Selon les estimations de la STM, une borne permettrait à cinq ou six bus de se recharger en même temps. À terme, il faudrait environ 400 bornes; le nombre exact reste à évaluer.
La STM espère trouver des réponses à ces questions lors des opérations de démonstration du projet Cité Mobilité. «De 2016 à 2018, nous allons recueillir les données. Ensuite, nous présenterons nos conclusions au gouvernement, qui décidera s'il veut financer le projet», dit M. Chamberland. La STM, qui n'acquiert plus que des bus hybrides (elle en a huit au total), s'est donné jusqu'à 2025 pour finaliser les études.
Planification difficile
Du côté de la Ville de Québec, recharger un bus en fin de circuit nécessiterait l'aménagement d'un garage dans le Vieux-Québec. «Ce n'est pas la technologie idéale pour la recharge rapide, dit M. Mercier.
«Il faudrait remplacer les batteries en place par d'autres, préalablement chargées. L'endroit pour effectuer le remplacement des batteries doit se trouver à proximité du service offert, et un employé doit être présent. L'opération pour remplacer les batteries nécessite 20 minutes», explique-t-il.
De plus, la planification du service électrique dépend entièrement du produit testé et des lignes de bus en question. Comme il est impossible de prévoir la fiabilité et la disponibilité des équipements, il faut expérimenter et s'adapter. Un vrai casse-tête !
En outre, recharger les batteries d'un autobus demande beaucoup de puissance électrique. «Et en haute puissance, les tarifs d'Hydro Québec vous punissent...» explique François Chamberland. Pour tout le mois, Hydro-Québec facture en fonction de l'appel de puissance maximale maintenue pendant 15 minutes.
Pour ce qui est de l'Écolobus testé par la Ville de Québec, qui fonctionne avec deux batteries, la charge complète des batteries appelle une puissance de 33 kilowatts pour une consommation totale de 264 kilowattheures ; cela peut marcher. En effet, comme l'appel de puissance maximale du centre Écolobus n'est que de 92 kilowatts, ce mode de facturation n'est pas désavantageux pour le cas précis des minibus électriques du RTC, puisqu'ils appliquent un mode de recharge lent de huit heures.
En revanche, la situation devient problématique pour des autobus électriques de 40 pieds en mode de recharge rapide d'une à deux heures...
Selon M. Chamberland, dans ce cas, il faudrait que la facture énergétique soit partagée entre le gouvernement, Hydro-Québec et les municipalités, pour éviter de refiler entièrement les coûts aux usagers.
Autres projets à l'étude
Par ailleurs, la STM étudie le lancement d'une centaine de trolleybus qui seraient alimentés par caténaire, un ensemble de câbles électriques suspendus. Ce projet de plusieurs millions de dollars nécessiterait lui aussi des investissements du gouvernement.
Le RTC étudie pour sa part la faisabilité d'un tramway à Québec. Les résultats devraient être connus en fin d'année ou au début de 2015.
En attendant, la Ville de Québec se dotera de 31 nouveaux bus hybrides en 2015. Les investissements proviennent à 85 % du ministère des Transports du Québec et à 15 % du RTC.
«La solution hybride est l'étape à moyen terme, car la technologie actuelle ne permet pas de conserver assez d'énergie à bord du bus pour qu'il ait la même autonomie qu'un autobus hybride», conclut Alain Mercier.