Québec prépare une loi visant à permettre aux entreprises poursuivies pour corruption et collusion d’éviter les poursuites civiles en échange du remboursement des sommes volées, a appris Les Affaires.
«Nous annoncerons dans les prochaines semaines de quelle façon nous allons récupérer ces sommes-là», dit le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, dans une entrevue avec Les Affaires, qui l'a interviewé pour son dossier sur SNC-Lavalin dans son édition du 5 octobre. «On va se donner un cadre qui va permettre aux compagnies qui le souhaitent de ne pas être poursuivies, mais plutôt de faire acte de contrition et de se préparer à payer. On va leur permettre d’utiliser cette voie-là aussi.»
Le Conseil du Trésor est responsable de l’application de la Loi 1, qui impose le processus de réhabilitation des entreprises ayant participé aux systèmes de corruption et de collusion dans les contrats publics.
«Quand quelqu’un accepte de payer, c’est toujours mieux. Mais il faut déterminer les quantums [montants], dit le ministre. On veut trouver une approche qui va être très bien organisée. C’est ce sur quoi on travaille, et nos orientations vont être connues à très court terme.»
Mais comment déterminer les sommes d’argent volées par les entreprises fautives ? «C’est pas insoluble, au contraire, répond Stéphane Bédard. Nos meilleurs juristes sont sur la question.»
Le ministre Bédard se dit soucieux de la viabilité des entreprises qui feront l'objet de poursuites par le gouvernement. «Nous, on est conscients qu’on a des compagnies qui sont des fers de lance de notre économie, pour lesquelles on doit être préoccupés… Il y a des gens qui travaillent là-dedans tous les jours et qui eux, n’ont rien fait… Notre but, ce n’est pas de les punir.»
Le président du Conseil du Trésor précise cependant qu’«en aucun temps» le gouvernement ne négociera directement avec les entreprises trouvées fautives et que le nouveau processus restera indépendant de celui de l’Autorité des marchés financiers, qui doit habiliter les entreprises voulant participer aux contrats publics. «Ce sont deux choses différentes.»
Ces procédures n’entraveraient pas non plus les poursuites criminelles entamées contre plusieurs anciens dirigeants des entreprises concernées et des fonctionnaires corrompus. «Il n’y aura aucune amnistie au niveau criminel, zéro. Ni amnistie, ni possibilité de retirer des accusations de nature criminelle, prévient Stéphane Bédard. Nous, on ne va agir que dans le côté civil de la chose. On va laisser la police et les procureurs faire leur travail. Les deux n’ont pas été mêlés et ne le seront pas non plus pour la suite des choses.»
SNC-Lavalin et Dessau: des progrès
SNC-Lavalin et Dessau: des progrès
Le président du Conseil du Trésor a aussi réagi aux propos du pdg de SNC-Lavalin, Robert Card, dans une entrevue exclusive avec Les Affaires où il livre son plan de match pour l’entreprise. Le patron voudrait discuter avec Québec pour en arriver à un «règlement global» des litiges entourant la corruption dans les marchés publics de la province. La société est notamment soupçonnée d’avoir fait un paiement suspect de 22,5 M$ pour obtenir le contrat de construction du Centre universitaire de santé McGill.
Stéphane Bédard assure qu’«il n’y a aucunes discussions entre le gouvernement du Québec et SNC-Lavalin». Mais il reconnaît que l’entreprise «n’a pas attendu». «Ils ont pris des décisions qui cadrent très bien avec ce que nous voulons et ont démontré une volonté réelle», dit-il.
Quant à Dessau, que l’AMF a exclue des contrats publics jusqu’en 2018, Stéphane Bédard affirme que l’entreprise réalise des progrès. «À partir du moment où ils ont perdu l’habilitation, on a vu une volonté de collaboration de l'entreprise. On a discuté avec eux ; on a vu qu’ils s’inscrivaient dans le processus…»
Québec a tout de même retiré en août une centaine de contrats à Dessau et sa filiale Verreault, dont un de 166 M$ pour la construction d’une prison à Sorel-Tracy et un autre de 59,6 M$ pour la construction d’un nouveau pavillon au Musée des Beaux-Arts de Québec.