Ça bouge dans le secteur minier de la région de Chibougamau. Métaux Blackrock, qui met en valeur une mine de fer sur la propriété du Lac Doré (20 km au sud de Chibougamau) avec des intérêts chinois, envisage une deuxième transformation du minerai. Cela porterait le coût de son projet à près de 1,2G$.
Sa rivale, la minière VanadiumCorp (TSX-V, VRB), située sur le même site, s’apprête de son côté à livrer une étude économique préliminaire en vue de la production de vanadium, un métal qui renforce les alliages d'acier, dès la fin de 2017.
Le minerai de fer qui se trouve au Lac Doré contient de la magnétite (fer) à un niveau de concentration d’approximativement 35%, de l’ilménite (titane) à 17,4% et du vanadium à 0,5%, selon une étude de faisabilité réalisée en 2002, la dernière à avoir été rendue publique.
Propriétaire de deux dépôts totalisant 14 kilomètres, Métaux Blackrock avait d’abord l’intention d’extraire le fer enrichi de vanadium pour l’exporter en Chine. La mine devait démarrer en 2014. Or, le prix du fer a chuté de façon marqué: il a perdu 46% de sa valeur entre le début de l’année et le 18 novembre.
Lors d’un colloque minier tenu à Chicoutimi le 10 novembre dernier, le vice-président de l’entreprise, Patrice Beaudry, a dévoilé que l'entreprise envisageait maintenant l’ajout d’une fonderie pour traiter l’ilménite des gisements et en faire de la fonte de première fusion de ttype Pig Iron ou Titanium Slag, utilisée dans les aciéries. Cela permettrait d’augmenter les débouchés de la mine, a-t-il fait valoir.
Cette deuxième transformation exigerait des déboursés additionnels d’entre 200M$ et 300M$, toujours selon M. Beaudry. Interrogé au congrès Québec-Mines, tenu cette semaine à Québec, le président de Blackrock, Jean Rainville, a refusé de dire si le financement pour le projet était bouclé.
L’entreprise, qui devait entrer en Bourse cette année, a reporté ce projet. Blackrock a déjà reçu 40M$ de son actionnaire principal, la société chinoise Prosperity Minerals, une participation de 45M$ de Ressources Québec et une entente valant 150M$ d’un fonds de Oman. Jusqu’à maintenant, elle a dépensé 65M$ sur son projet.
Le 8 novembre dernier, elle a obtenu son permis environnemental du gouvernement fédéral. L’entreprise vient d’acquérir 864 acres de terrains additionnels autour du site dans le but de mieux planifier ses infrastructures: elle doit y bâtir un chemin de fer de 27 kilomètres reliant la mine au réseau ferroviaire du Canadien National. Elle a aussi en main une entente avec Hydro-Québec pour une ligne de transmission et le port de Grande Anse, d’où seraient expédiés les quelque 3 millions de tonnes de concentré qu’elle entend produire annuellement. En outre, Blackrock a une entente avec les Cris - la mine est sur le territoire conventionné de la Baie-James - de même qu’avec les villes de Chibougamau et Chapais. On vise une production vers la fin 2017.
Vanadium se fait connaître
Au congrès Québec-Mines, où le nombre d’exposants était fortement réduit cette année, le rival de Blackrock, Vanadium Corp. s’est fait connaître. C’est la première fois que cette junior de Vancouver tient un kiosque à ce rassemblement incontournable de l’industrie minière québécoise.
Contrairement à Blackrock, Vanadium ne s’intéresse ni à la magnétite, ni à l’ilménite. Elle vise plutôt le vanadium, qui se vend actuellement 5,20US$ la livre. Ce métal vert renforce les alliages d’acier et commence à être utilisé dans la fabrication de batteries géantes.
La minière n’est pas aussi avancée que Blackrock, mais depuis cet été elle fait des pas de géant. «Grâce à l’aide de SIDEX [Société de diversification de l’exploration], nous avons réalisé des travaux sur le terrain. En outre, nous avons obtenu le financement nécessaire (1M$) pour réaliser un nouveau calcul de ressources, un rapport conforme à la règle 43-101 et une étude économique préliminaire que nous prévoyons pour le premier trimestre de 2015, laquelle devrait être suivie par une étude de faisabilité, au coût de 6M$», signale son président, Adrian Bakker. Après quoi, Vanadium courtisera des partenaires stratégiques.
La raison pour laquelle ces montants sont si peu élevés, et les délais si rapides, c’est parce que les deux dépôts détenus par Vanadium – qui ne couvrent que 3,5 km du site du Lac Doré – ont déjà fait l’objet de 25M$ de travaux dans les années 1990 et 2000, dont une étude de faisabilité en 2002, lorsque le site appartenait à un promoteur américain et la SOQUEM (Société québécoise d’exploration minière). Avec l’aide de la firme de services géoscientifiques IOS, de Chicoutimi, Vanadium a pu récupérer une quantité importante de données.
Qui plus est, le fait que ces dépôts gagnés en 2011 à la suite d’une course au jalonnement soient ceux qui aient été ciblés pour la faisabilité de 2002 prouve qu’ils sont plus faciles à miner pour le vanadium que ceux détenus par Blackrock, selon M. Bakker.
L’objectif de cette petite minière est de produire 16 millions de livres de vanadium par an. M. Bakker estime que l’investissement requis pour ce projet est de 600M$. Mais tant que le financement n’est pas assuré, on est loin de la coupe aux lèvres. En attendant, les deux entreprises qui ont des visions différentes et se sont battues dans le passé pour les mêmes dépôts, pourraient être invitées à se rapprocher, croit M. Bakker.