Les aciéristes québécois montent aux barricades pour demander aux municipalités, au gouvernement du Québec et à Ottawa d'appliquer systématiquement le principe de réciprocité avec les États-Unis - et d'autres pays - dans l'attribution des contrats d'infrastructures.La réciprocité est un principe en vertu duquel un gouvernement (par exemple, le Canada) déciderait d'empêcher les sociétés étrangères de soumissionner à des contrats publics si leur pays d'origine (par exemple, les États-Unis) ne donnait pas un accès aux firmes canadiennes.
«Nous ne voulons pas de clause Buy Canada. Nous demandons simplement aux différents paliers gouvernementaux du Canada de traiter les entreprises étrangères comme leurs gouvernements nous traitent dans leur marché», dit Hellen Christodoulou, directrice régionale pour le Québec de l'Institut canadien de la construction en acier (ICCA).
À compter de janvier, l'ICCA et des aciéristes du Québec feront d'ailleurs des représentations auprès de ministres clés du gouvernement du Québec afin de faire valoir leur point de vue. Pour ce faire, ils ont mis sur pied un nouveau regroupement ad hoc, les partenaires de l'ICCA.
Hellen Christodoulou trouve anormal que la plupart des pays aient des mesures pour favoriser leur industrie (comme le Buy American aux États-Unis), tandis que le Canada a un marché ouvert. «Il y a des politiques d'achats locaux partout dans le monde, sauf au Canada ! Je ne comprends pas.»
La démarche des partenaires de l'ICCA survient alors que les projets d'infrastructures aux États-Unis contiennent de plus en plus de dispositions Buy American. Des mesures qui ont d'ailleurs incité des municipalités en Ontario et au Québec à adopter des motions réclamant que les États-Unis ne ferment pas leurs marchés aux firmes canadiennes.
Un mouvement lancé en Ontario
Par exemple, le 6 octobre, l'arrondissement de Lachine, à Montréal, a adopté une telle motion. C'est toutefois la ville ontarienne de Halton Hills qui a lancé ce mouvement, le 25 août. Cette municipalité a ensuite été suivie par d'autres villes comme Hamilton, Windsor et Kingston.
Canam-ponts, une division du Groupe Canam, est l'un des alliés importants de l'ICCA dans cette démarche pour promouvoir la réciprocité auprès des gouvernements. Robert Lapointe, vice- président de l'entreprise de Saint-Georges, trouve injuste que des firmes américaines puissent soumissionner à des projets de ponts au Canada sans avoir l'obligation d'y fabriquer les pièces, alors que les États-Unis l'exigent des aciéristes canadiens soumissionnant à des projets aux É.-U. «Nous avons deux usines de structures de ponts aux États-Unis, l'une au New Hampshire, l'autre au Maryland. Et c'est en grande partie en raison des exigences américaines de contenu local», dit-il. Canam-ponts trouve bien entendu un avantage à exploiter ces deux usines près de ses marchés stratégiques aux États-Unis.
Cela dit, son unique usine canadienne située à Québec pourrait fort bien desservir une bonne partie du marché américain, dit M. Lapointe. «À partir de cette usine, nous livrons déjà des ouvrages par train en Alberta et en Colombie-Britannique !»
Pour leur part, les Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC) proposent qu'Ottawa et Washington négocient un accord exigeant un minimum de contenu nord-américain dans les projets d'infrastructures au Canada et aux États-Unis.
«Nos économies sont très intégrées. Les entreprises canadiennes et américaines travaillent souvent des deux côtés de la frontière», dit Martin Lavoie, directeur des politiques, productivité et innovation, des MEC.
En 2009, Ottawa et Washington avaient conclu une entente pour exempter les entreprises canadiennes des clauses Buy American incluses dans le plan de relance du président Obama dans certains secteurs.
Or, l'entente a pris fin en 2010. En contrepartie, les États-Unis ont gagné un accès permanent aux marchés gouvernementaux canadiens. Un déséquilibre qu'il faut corriger, selon les MEC.
7,8: La liberté d'accès aux marchés publics aux États-Unis est garantie à l'échelon fédéral, dans la mesure où la valeur du contrat principal est supérieure au seuil établi par l'Organisation mondiale du commerce. Ce seuil est fixé à 7,86 millions de dollars américains. Toutefois, l'Accord sur les marchés publics de l'OMC - dont le Canada est signataire - ne donne pas libre accès aux marchés publics municipaux. Source : Gouvernement du Canada