Le 28 avril avait lieu la première pelletée de terre du Yoo Montréal. Un projet résidentiel qui s'ajoute à la très longue liste d'immeubles en copropriété qui poussent dans la métropole. Pourtant, alors que la construction démarre à peine, la tour est déjà vendue à plus de 50 %. Une réussite qui repose sur une stratégie de marque foudroyante, laquelle conquiert toutes les métropoles où elle passe, l'une après l'autre.
À Montréal, il s'agit d'un projet de 20 étages, 84 condos ultra-modernes qui seront érigés dans le quartier Griffintown. Mais ce n'est là qu'une infime partie de l'empire Yoo, un développeur immobilier établi à Londres.
L'entreprise compte à son actif une soixantaine de projets résidentiels et hôteliers dans une trentaine de pays. À la tête de l'entreprise : le développeur britannique John Hitchcox et le designer français réputé Philippe Starck.
Ensemble, ils s'associent à des promoteurs dans le monde et ne prennent pas de risques financiers. En échange d'un montant forfaitaire et d'une participation aux bénéfices, ils conseillent et, surtout, permettent aux promoteurs locaux d'utiliser la marque Yoo et d'emprunter le nom de «Philippe Starck».
Consommation ostentatoire
Un concept «brillant, extrêmement intelligent», lance Pénélope Fournier, associée et directrice stratégie chez LG2 boutique, pour qualifier la marque Yoo. «Les condos sont tous un peu faits selon le même schéma, mais les consommateurs ne veulent pas acheter du "pareil". Ils se définissent par les marques qu'ils consomment.»
De plus, l'achat d'un condo signé «Starck» permet de «réduire l'anxiété», poursuit l'experte. «Une marque peut optimiser la confiance. Elles influencent beaucoup les consommateurs. [Le Yoo], ça va marcher à 100 %», avance la spécialiste.
Cela dit, «on ne se le cachera pas : Montréal, ce n'est pas New York ni Miami», explique Maxime Lachance, le jeune président des Constructions Chapam, qui développe le «Yoo Montréal inspiré par Starck». «J'ai beaucoup insisté pour travailler avec eux. Starck ne s'intéresse pas à la taille du projet, aux profits qu'il pourrait engendrer. Mais avant de se rendre à lui, ça prend des arguments financiers.»
Et une fois l'empire Yoo convaincu de l'intérêt d'un projet montréalais, c'est une machine bien huilée qui se met en marche. «J'étais capable de les joindre les soirs et les fins de semaine, poursuit M. Lachance. J'ai connu des designers montréalais qui n'étaient pas aussi disponibles. Ils sont très à l'écoute, ils savent que je connais le marché. C'est vraiment un projet qui s'est bâti en équipe. Ils ne s'obstinent pas, tu peux faire ce que tu veux, mais si tu t'éloignes trop du cadre, ils ne la signeront pas, ta bâtisse...»
Un Yoo Québec ?
«Ça n'a jamais été une option d'arriver avec un autre projet que celui-là [avec Philippe Starck]», poursuit Maxime Lachance, alors que Les Affaires lui demande si les marges bénéficiaires dégagées par ce projet en valent la peine.
C'est que, bien que le promoteur profite de l'effet de la marque, il doit toutefois partager les bénéfices et payer des frais fixes. Mais c'est peut-être à long terme que l'effet Starck s'exerce sur la rentabilité.
Selon les principaux intéressés, si le Yoo Montréal projeté dans Griffintown est le premier du genre au Québec, ce ne sera pas le dernier. «J'espère que ce n'est pas le dernier que l'on construit au Québec, indique le président des Constructions Chapam. Nous avons encore une exclusivité avec l'équipe Yoo pour cinq ans.»
Même son de cloche du côté du développeur britannique, John Hitchcox : «Ce serait fantastique de faire un autre projet au Québec. À Québec ? À Montréal ? Pourquoi pas ! J'adore Montréal, et c'est une ville que je connais bien. Pour nous, quelle que soit la taille du projet, l'important, ce sont les gens avec qui nous travaillons. Si je voulais simplement faire de l'argent, je ferais autre chose».