Comment établir un transfert aux yeux des employés lorsque le fondateur de l'entreprise, en l'occurrence le père qui se retire graduellement, ne peut s'empêcher, de temps en temps, de mettre encore son grain de sel dans les affaires courantes ?
" Il faut de la patience. Beaucoup de patience ", avoue Martin Rousseau, directeur général de Rovibec Agrisolutions, de Sainte-Monique-de-Nicolet, depuis 2009. " Il faut également s'entourer de collaborateurs compréhensifs et respectueux face à cette situation délicate. "
D'ici la fin de l'année, Martin Rousseau, 41 ans, deviendra officiellement propriétaire de cette entreprise familiale de machinerie agricole automatisée pour l'alimentation des troupeaux, créée par son père, Victor, en 1976.
Toujours très actif à 69 ans, celui-ci prend la tête du nouveau département de recherche et développement, tel que prévu dans le plan de relève. Le benjamin de la famille, Nicolas, 29 ans, qui travaille aussi dans l'entreprise, hérite du poste de directeur des ventes de la nouvelle division de Rovibec, Milkomax. La direction de cette unité, qui commence la commercialisation d'un robot de traite révolutionnaire pour les fermes laitières, a été confiée à un cousin de la famille, Daniel Rousseau.
Aller voir ailleurs
Ce transfert de pouvoirs, qui s'effectue avec la collaboration d'une firme comptable de Québec, est en route depuis deux ans. " Il aurait dû être planifié depuis au moins l'année 2000 ", soutient le repreneur, qui attend depuis longtemps le feu vert pour entamer une expansion de la PME de 60 employés. " Mon père, c'est un créateur, un concepteur, un passionné qui s'inspire des besoins des agriculteurs. Il passe ses vacances d'été à se promener avec sa caravane pour visiter des fermes. Ce qui a joué en faveur de la réussite de l'entreprise. Toutefois, les notions de gestion et de croissance ne sont pas ses principales forces ", admet Martin Rousseau.
Le chiffre d'affaires de Rovibec fait du surplace depuis quelques années sous la barre des 10 millions de dollars. Pourtant, de nouveaux produits se sont ajoutés, et le développement du marché international représente, depuis cinq ans, plus de 25 % des ventes.
Cette situation a d'ailleurs poussé Martin Rousseau à claquer la porte en 2000 pour aller diriger le bureau de vente canadien de Lely, un fabricant hollandais de machinerie agricole automatisée pour la traite des vaches. " J'avais besoin d'aller ailleurs, de mettre en pratique ma vision des affaires, de développer mes capacités de gestionnaire, et surtout de bâtir ma confiance en moi ", souligne l'ingénieur mécanique, qui ne regrette pas du tout cet entracte de six ans.
Retour au bercail
En 2006, la porte de Rovibec s'est rouverte. " Des adjoints de mon père m'ont contacté pour que je revienne. L'entreprise commençait à réaliser ses premières ventes en Europe, un projet que j'avais toujours rêvé de superviser. Et, personnellement, je savais que ma vraie place avait toujours été ici ", raconte-t-il. L'exercice s'est tout de même révélé un retour à la case départ. Même papa, mêmes confrontations... " Néanmoins, j'avais beaucoup plus d'alliés adhérant à ma vision ", précise celui qui prévoit doubler le chiffre d'affaires d'ici cinq ans.
Le fils a toujours été convaincu que la rentabilité et la profitabilité de Rovibec étaient tributaires d'une hausse de l'exportation de ses robots d'alimentation en Europe et en Asie. Deux continents où l'on trouve la clientèle cible : des milliers de fermes élevant un troupeau de taille moyenne (de 50 à 500 têtes). Juste en France, on compte plus de 30 000 fermes laitières, soit cinq fois plus qu'au Québec.
Il reste maintenant à définir le rachat des parts et le financement du plan d'expansion qui se traduira par un agrandissement ou un déménagement. Martin Rousseau prévoit donc encore de bonnes discussions avec son père... Pour sa part, le fils a décidé de prendre le taureau par les cornes : il commencera à planifier sa propre relève d'ici 10 ans, histoire de ne pas se retrouver dans la même situation...
QUESTIONS EN RAFALE
Âge du vendeur : 69 ans
Âge du repreneur : 41 ans
Raison de la vente : Semi-retraite du vendeur
Chiffre d'affaires (au moment de la vente) : - 10 M$
Bilan (après la vente) : n.d.
Secteur d'activité : Fabrication de machinerie agricole pour l'alimentation des troupeaux
Marchés : Canada, Japon et Europe