La fiction "Terminus pour l'euro" publiée en 12 épisodes par le journal Le Monde a fait grincer les dents de certains banquiers, d'autant qu'elle a été à la source d'une fausse information qui a largement concouru au plongeon du titre Société Générale en Bourse.
C'est le quotidien britannique Mail on Sunday qui a jeté la suspicion sur l'état de santé de la Société Générale, en prenant pour une réalité la fiction du Monde "Terminus pour l'euro", signée du pseudonyme "Philae".
Ce feuilleton estival imaginait de grandes manoeuvres politico-financières en zone euro dans la tourmente, et les faillites des banques Société Générale et Crédit Agricole.
Contactés par l'AFP, les auteurs de l'article du Mail on Sunday n'ont fait aucun commentaire.
Seulement, cette erreur, que le journal britannique a reconnue et corrigée, a alimenté des rumeurs galopantes sur les marchés financiers et a coûté très cher mercredi à l'action Société Générale, en chute de 14,74% à 22,18 euros. En cours de séance, le titre avait même perdu jusqu'à 22,5%.
Si la banque française a pris bonne note des "excuses sans réserves" formulées par le journal britannique, elle a néanmoins réclamé l'ouverture d'une enquête auprès du gendarme de la Bourse français dans l'espoir de faire la lumière sur l'origine de ces rumeurs "nocives".
"C'est assez irresponsable de faire paraître quelque chose d'aussi proche de l'actualité", a déclaré à l'AFP une source bancaire sous couvert d'anonymat, tout en jugeant "inutile de jeter de l'huile sur le feu" avec "Terminus pour l'euro" dans une telle période de tourmente.
Compte tenu des folles rumeurs qui couraient sur les marchés mercredi, un épisode de la fiction du Monde intitulé "Le Gendarme aux yeux bandés" paru dans son édition du 3 août, fait curieusement figure de prémonition, évoquant "une immense vague spéculative" déferlant sur l'Europe et qu'"à un horizon de six mois, la France pourrait perdre son fameux AAA".
Selon une source ayant requis l'anonymat au sein du journal, la plume de Philae est celle d'"une pigiste à Bruxelles qui travaille notamment pour le quotidien économique la Tribune".
"Terminus pour l'euro" avait déjà fait grincer les dents des banquiers, notamment au sein de Crédit Agricole.
La banque a adressé une lettre au Monde valant "protestation et démenti" dont le journal a fait état dans l'épisode de la fiction de Philae paru le 30 juillet.
Le Monde s'est défendu en rappelant que la mention "fiction politique" ne laissait aucune place au doute. Depuis la réaction de Crédit Agricole, le quotidien avertit en tout cas ses lecteurs pour chaque épisode que "les situations, les faits et les chiffres rapportés dans cette fiction sont imaginaires et ne doivent pas être pris comme l'expression d'une réalité."
Interrogé par l'AFP jeudi, Me Kiejman, qui défend les intérêts de la banque, a déclaré n'avoir "aucune décision à communiquer" concernant une éventuelle action en justice Crédit Agricole contre Le Monde.
"C'est une histoire compliquée, il faut faire la part de tout", a indiqué Me Kiejman, "c'est une décision qui ne peut être prise que collectivement avec la direction du Crédit Agricole". Selon lui, rien ne sera décidé avant septembre.
Et pour l'heure, Crédit Agricole, également interrogé, "ne souhaitait pas commenter".