ANALYSE DU RISQUE. Les conservateurs de David Cameron tiendront d'ici 2017 un référendum pour déterminer si le Royaume-Uni doit rester ou non dans l'Union européenne. Une sortie du marché unique serait compliquée, créerait beaucoup d'incertitude, mais ne serait pas une catastrophe pour les investisseurs.
C'est la réélection des conservateurs, jeudi, qui force le premier ministre à tenir ce référendum à l'horizon 2015-2017, comme il s'y était engagé en 2013. ll avait alors cédé aux pressions des «eurosceptiques» et d'une frange de la population hostile à l'immigration et à l'UE, qui garantit la liberté de mouvement des personnes.
David Cameron veut négocier avec Bruxelles pour réformer l'UE, et ce, afin d'accorder plus de pouvoirs à son pays, notamment en matière d'immigration. Le premier ministre souhaite ainsi convaincre une majorité de Britanniques que le Royaume-Uni peut et doit demeurer au sein de l'Union.
De leur côté, Bruxelles et les poids lourds du marché unique, comme l'Allemagne et la France, sont ouverts à améliorer l'UE, mais pas à la diminuer ou à accorder un statut particulier à des États membres.
«L'Europe, elle doit se prendre telle qu'elle est. On peut la faire évoluer demain, mais on ne peut pas l'abaisser, la diminuer, sous prétexte de proposer d'y rester», avait déclaré le président français, François Hollande, au quotidien Le Figaro en 2013.
Une perception différente de l'Europe qui annonce déjà un bras de fer entre Londres et Bruxelles, alors que les Britanniques sont clairement divisés sur cet enjeu.
En avril, un sondage réalisé par la firme Populus montrait que 39% de la population est en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union, tandis que 40% souhaite que leur pays demeure dans le marché unique.
Il va sans dire qu'une sortie de l'UE aurait des impacts.
Le retour des tarifs douaniers pour exporter dans l'UE
Il y aurait d'abord un impact économique, car les entreprises britanniques devraient à nouveau payer des tarifs douaniers pour vendre leurs produits dans les 27 autres pays de l'Union européenne.
Plus de la moitié du commerce extérieur du Royaume-Uni se fait avec l'UE, un marché d'environ 442 millions d'habitants, si l'on exclut les 64 millions d'habitants que compte le Royaume-Uni.
Advenant une sortie du marché unique, le Royaume-Uni pourrait voir son PIB chuter de 3% par année entre 2017 et 2020, selon une étude de la fondation allemande Bertelsmann.
Il y a aurait ensuite un impact financier à court terme, disent les analystes.
Par exemple, la livre sterling pourrait perdre de la valeur sur les marchés de change, tout comme celle de l'euro. Les coûts d'emprunt du Royaume-Uni pourraient aussi augmenter sur les marchés obligataires.
Enfin, une sortie du R.-U. du marché unique aurait un impact politique, dont l'effritement de la stature du pays sur l'échiquier international.
Par exemple, le royaume perdrait de l'influence vis-à-vis des États-Unis, qui s'appuient depuis toujours sur Londres pour tenter d'influencer les politiques de l'Union européenne.
Des analystes estiment que l'intégrité territoriale du Royaume-Uni pourrait aussi être menacée. L'Écosse a fortement milité pour l'entrée du pays dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1975.
Advenant une sortie du royaume de l'UE, l'Écosse pourrait faire sécession et joindre à nouveau le marché unique.
La victoire massive du Parti national écossais aux élections du 7 mai montre que l'idée d'indépendance est toujours vive en Écosse, malgré la victoire du camp du NON (à 55,3%) en septembre 2014.
Le Royaume-Uni peut prospérer hors de l'UE comme la Suisse
Cela dit, une sortie du Royaume-Uni de l'UE ne serait pas une catastrophe économique et financière pour le royaume, font remarquer des analystes.
Plusieurs pays européens ne font pas partie de l'Union comme la Suisse, la Norvège ou l'Islande. Ces trois économies développées figurent parmi les plus riches d'Europe.
Londres demeurerait aussi une place financière majeure dans le monde - avec New York et Tokyo - même si le Royaume-Uni quittait le marché unique.
Le plus grand risque économique et financier est sans doute la possibilité d'une sécession de l'Écosse, qui découlerait elle-même d'une sortie du R.-U. de l'Union européenne.
Avec un PIB de 190 milliards d'euros en 2014, l'Écosse représente un peut moins de 10% du PIB du Royaume-Uni. Son indépendance affaiblirait l'économie britannique, mais cette dernière resterait néanmoins la troisième économie d'Europe après l'Allemagne et la France.
Une sortie du Royaume-Uni de l'UE aurait de nombreux impacts. Mais elle ne condamnerait pas pour autant le pays à un sombre avenir économique, car il a plusieurs atouts.
Pour les investisseurs, le « Brixit » - contraction de British exit - représente certes un risque géopolitique. Un risque qui est toutefois beaucoup moins important que celui d’investir par exemple en Russie, en Afrique et au Moyen-Orient.