ANALYSE - La situation ne manque pas d'ironie: il est souvent plus facile pour une entreprise québécoise d'exporter aux États-Unis que de vendre ses produits en Ontario ou ailleurs au pays. Mais bonne nouvelle: Ottawa et les provinces - surtout le Québec - veulent corriger cette anomalie le plus vite possible.
Et le temps presse, affirme le ministre fédéral de l'Industrie James Moore. «Nous sommes maintenant dans une situation où les entreprises étrangères ont accès à notre économie plus librement que les entreprises canadiennes. Ce n'est pas une situation qui peut continuer», a-t-il déclaré dans un récent entretien à La Presse.
Il ne s'agit pas de barrières tarifaires, lorsque nos entreprises exportent par exemple dans un pays avec lequel le Canada n'a pas d'accord de libre-échange.
Il s'agit plutôt de barrières non tarifaires (lois, normes, règlements adoptés par des gouvernements provinciaux et territoriaux, ou simplement le manque d'harmonisation entre ces mesures législatives) qui empêchent les entreprises québécoises de vendre librement leurs biens ou leurs services dans les autres provinces.
Il va sans dire que ces barrières ont un impact sur l'économie canadienne. En 2008, le ministère de l'Industrie du Canada avait estimé que ces coûts atteignaient par année au minimum 0,2% du PIB canadien (ou 3,6 milliards de dollars, en 2013) et au maximum à 3,8% du PIB (69 G$CA, en 2013).
Depuis des années, le Canada multiplie les accords de libre-échange. Ces 12 derniers mois, Ottawa en a conclu deux importants (qui ne sont pas encore en vigueur) avec les 28 pays de l'Union européenne et la Corée du Sud. Et le gouvernement négocie actuellement une douzaine d'ententes, notamment avec le Japon et l'Inde.
Ces accords de libre-échange sont importants pour nos entreprises, car elles peuvent ainsi exporter ou investir plus facilement à l'étranger. Mais ces marchés internationaux ne sont pas à la portée de toutes les entreprises, disent les spécialistes en commerce international.
Beaucoup de PME manquent de ressources financières et humaines (en logistique, en gestion des risques, sans parler des modes de paiement) pour faire le saut à l'international dans des conditions gagnantes. C'est pourquoi l'accès au marché canadien (le 11e en importance au monde) est crucial pour elles.
Pourquoi? Elles utilisent le dollar canadien, ce qui annule le risque de change. Elles n'ont pas à remplir la paperasserie douanière, incluant le respect des règles d'origine quand il s'agit d'exporter dans un pays avec lequel le Canada a un accord de libre-échange. Enfin, elles évoluent dans un environnement d'affaires connu et familier.
Les trois mesures les plus nuisibles
Selon le gouvernement canadien, trois types de mesures limitant le commerce interprovincial se démarquent:
- les préférences régionales dans l'attribution des contrats pour les marchés publics pour les entrepreneurs et les fournisseurs locaux.
- la réglementation régissant le transport routier, la sécurité sur les chantiers de construction, l'homologation des équipements industriels et les services financiers.
- l'absence de reconnaissance des qualifications de la main-d’oeuvre d'une province ou d'un territoire à l'autre.
Mais aux yeux de certains observateurs, ce sont les lois, règlements et normes concernant les produits agricoles et alimentaires qui créent le plus de distorsions dans le commerce interprovincial. Par exemple, les différences entre les programmes fédéral et provinciaux d'inspection des viandes limitent la libre circulation des produits d'origine animale.
Pourquoi? Parce qu'il est interdit d'expédier ou de transporter un produit de viande d'une province à l'autre, sauf ci ce produit est préparé ou entreposé dans un établissement agréé par le gouvernement fédéral. Ainsi, un abattoir québécois agréé par le fédéral peut seulement vendre ses produits au Québec. Mais ce même abattoir québécois peut exporter sa viande aux États-Unis...
Le présent accord encadrant le commerce intérieur est entré en vigueur en 1995. Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis, font remarquer les analystes et le ministre de l'Industrie James Moore.Le Canada a conclu beaucoup d'accords de libre-échange qui ont ouvert le marché canadien aux entreprises étrangères. Reste maintenant à l'ouvrir davantage aux entreprises canadiennes.