La rapide hausse du coût des maisons au cours des cinq dernières années pousse de nombreuses personnes âgées à utiliser la valeur de leur maison soit pour réduire leurs dettes, soit pour améliorer leur train de vie ou faire face à des dépenses imprévues. Et l'un des principaux moyens de le faire est un prêt hypothécaire inversé. Il s'agit d'un type spécial de prêt qui n'exige aucun paiement en intérêt ou capital tant que l'emprunteur vit dans la maison.
À première vue, cela pourrait sembler attrayant. Mais si vous-même ou vos parents envisagez d'avoir recours à un prêt hypothécaire inversé, faîtes bien attention que cela vous convienne vraiment. « Vous devez examiner toutes vos options d'acquisition de capitaux », dit Anthony Windeyer, planificateur financier auprès de la compagnie de Vancouver Prospera Credit Union. « Un prêt hypothécaire inversé pourrait être une option. Mais c'est de l'argent cher, parce que vous payez des intérêts sur les intérêts », ajoute M. Windeyer, faisant référence au fait que l'absence de paiements fait en sorte que les intérêts du prêt s'accumulent sur une base composée. « Dans le contexte de la planification, il faut vous assurer que c'est la meilleure option à choisir selon votre situation financière générale. Elle doit faire partie d'une stratégie appropriée. »
Ces types de mises en garde n'ont pas empêché HomEquity Bank, organisme torontois existant depuis 29 ans et seul fournisseur de prêts hypothécaires inversés au Canada, d'augmenter son volume d'affaires de façon exponentielle. « L'émission de nouvelles hypothèques a augmenté de 23 % en 2014 pour se solder à 309 millions $ », dit Yvonne Ziomecki, vice-présidente principale, marketing et ventes. « Les gens s'adressent directement à nous après avoir vu nos annonces publicitaires ou s'être mis en ligne, où ils reçoivent une recommandation de l'un de nos partenaires, comme les banques ou les courtiers en hypothèques. Nous avons vu augmenter la demande, surtout des consommateurs qui nous appellent. » La banque a un portefeuille de 11 000 hypothèques représentant 1,7 milliard $, soit une hausse par rapport aux 7 600 hypothèques (946 millions $) en 2010.
Mme Ziomecki divise ses clients en quatre groupes. Le premier, qui représente environ 30 % du volume d'affaires, comprend les propriétaires d'une maison qui reçoivent une pension insuffisante pour payer des dettes importantes. « D'une année sur l'autre, le pourcentage des personnes endettées augmente. »
Le deuxième groupe, tout aussi important, veut améliorer son train de vie, en rénovant sa cuisine, par exemple, ou en acquérant une résidence secondaire.
Le troisième groupe, qui représente 20 %, n'est pas endetté mais dispose d'un revenu insuffisant pour maintenir son train de vie. Le quatrième groupe est constitué des personnes qui doivent faire face à des dépenses imprévues, comme des soins médicaux, ou veulent aider leurs enfants adultes en versant un acompte sur leur maison.
Bien que des économies ou un revenu inadéquats soient le moteur principal d'une demande de prêt hypothécaire inversé, l'attachement émotionnel à une maison peut être un facteur tout aussi important. « Les gens veulent rester dans leur voisinage et être près de leur supermarché, parcs et bibliothèques, et rester avec leurs voisins et les amis qu'ils se sont faits au fil des années, dit Mme Ziomecki. « Tant qu'ils sont en bonne santé, ils ne veulent pas quitter leurs maisons. »
Sans aucun doute, il a été conseillé à de nombreuses personnes âgées de vendre leur maison, d'en acheter une plus petite et peut-être de louer un appartement. Mais selon Mme Ziomecki, d'une maison vendue à 400 000 $, il ne restera que 360 000 $ après les frais. « Vous pouvez seulement vous permettre quelque chose valant nettement moins que 360 000 $ si vous voulez conserver un peu du capital. Vous pouvez acquérir une maison ou un condominium ne valant que 260 000 $ », dit Mme Ziomecki, ajoutant que l'augmentation de l'espérance de vie signifie que les personnes âgées peuvent avoir à financer une retraite qui durera plus de 30 ans. « C'est là que rester chez soi commence à tomber sous le sens. »
Le coût actuel d'un emprunt est de 4,99 % pour une durée de cinq ans, à quoi il faut ajouter une évaluation indépendante de 175 $ à 400 $ et des conseils juridiques de 300 $ à 600 $. Une fois votre demande approuvée, vous recevrez un versement représentant jusqu'à 55 % de la juste valeur de la maison. « Nous garantissons que nous ne vous forcerons jamais à déménager. Nous attendrons que vous vendiez la maison ou décédiez », dit Mme Ziomecki, ajoutant que le client typique de HomEquity Bank a dans les 70 ans et emprunte en moyenne 110 000 $ pour une maison d'une valeur de 400 000 $.
L'un des principaux avantages d'un prêt hypothécaire inversé, argumente Mme Ziomecki, est que vous ne devrez jamais plus que la juste valeur de la maison. « Si, par exemple, vous décédez et que votre maison est vendue à 600 000 $, mais que vous nous devez 650 000 $, nous collecterons seulement 600 000 $, dit Mme Ziomecki. Beaucoup de personnes âgées aiment le produit parce qu'ils sont inquiets des fluctuations de valeur de la maison. Ils ne veulent pas laisser ce fardeau à leurs enfants ou leurs survivants. C'est vraiment un excellent argument de vente. »
« Ce sont toujours les détails qui clochent, met en garde Jeanette Brox, conseillère financière principale auprès du Groupe Investors à Toronto. « Les gens doivent savoir dans quoi ils se lancent et s'assurer que c'est le bon produit pour eux. »
L'une des premières questions que Mme Brox clarifierait auprès d'une personne âgée a trait à ses intentions en matière de planification successorale. « Si vous êtes dans une situation où vous ne souhaitez rien laisser en héritage, alors peut-être qu'un prêt hypothécaire inversé est la bonne solution pour vous. Mais la plupart des gens veulent laisser quelque chose. La pensée de ne rien laisser dérange beaucoup certaines personnes.
Comme alternative, Mme Brox suggère une marge de crédit garantie, qui peut coûter le taux préférentiel en vigueur plus un demi-point de pourcentage, soit 3,35 %. « Les institutions examinerons votre capacité à rembourser un prêt. J'ai des clients dans les 70 ans qui ont une marge de crédit garantie », dit Mme Brox, ajoutant qu'un couple avec un revenu mensuel de 5000 $ n'aurait probablement aucune difficulté à payer les intérêts mensuels de 275 $ sur un prêt de 100 000 $.
Une préoccupation plus vaste est que les personnes âgées doivent évaluer le coût total à long terme d'un emprunt, et pas pour deux ou trois ans seulement, avance Anthony Windeyer, qui suggère qu'avoir recours à un planificateur financier peut être nécessaire pour boucler l'analyse. « Pour quelqu'un qui a dans les 80 ou 90 ans, il faut vous assurer que vous avez parcouru toutes les options et fait les calculs, et que vous comprenez le profil de l'amortissement. Cela peut alors être logique pour pas mal de personnes, dit M. Windeyer. Toutefois, pour certains dans la soixantaine qui cherchent à emprunter sur plusieurs années, cela coûte très cher. Il faut vraiment être sûr que cela en vaut la peine. »
Si vous envisagez sérieusement de contracter un prêt hypothécaire inversé, il faut réaliser que ce n'est pas un produit d'emprunt à court terme, dit Mme Ziomecki, ajoutant que la durée moyenne est de six à 10 ans. Par exemple, si vous décidez de mettre fin au prêt hypothécaire inversé la première année, la pénalité est de 5 % du montant emprunté; si vous décidez d'y mettre fin dans les trois premières années, la pénalité est de 3 %. Après trois ans, la pénalité représente trois mois d'intérêts. Toutefois, si vous avez besoin de déménager dans un établissement de soins de longue durée, la banque fait preuve d'une certaine largesse en vous accordant de six à 12 mois
« Pensez à ce qui a de l'importance pour vous. Vous avez un fort attachement émotionnel? Voulez-vous laisser tout votre argent à vos enfants? », dit Mme Ziomecki, notant que les personnes âgées devraient avoir une excellente compréhension de leurs finances avant de donner le feu vert. « Il se peut que cela ne soit pas la solution favorite de certains parce que les intérêts éroderont une partie du capital. Mais nous trouvons que les enfants adultes sont souvent impliqués dans les discussions : à tout choisir, ils préfèreraient le bien-être de leurs parents à l'héritage qu'ils leur laisseront. »