Intelligence nordique - Série 4/5 : Les Affaires vous fait découvrir cinq villes du nord de l'Europe qui se démarquent en matière d'utilisation des technologies. Le Québec, tout aussi nordique, pourrait s'en inspirer.
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À Tallinn, en Estonie, innovation ne rime pas avec dépassement de coûts. Bien au contraire, les services en ligne offerts par la Ville et le gouvernement central ont justement été mis en place afin d'économiser. Que ce soit pour payer leur stationnement ou élire un nouveau maire, les résidents de Tallinn se tournent vers Internet, où pratiquement tous les services gouvernementaux sont offerts en Estonie.
«Nous sommes une nation très ouverte face aux nouvelles technologies, soutient Anne Sulling, ministre du Commerce extérieur et de l'Entrepreneuriat de l'Estonie. Et comme les services en ligne du gouvernement rendent la vie des citoyens plus faciles, ils les utilisent.» En 2013, 95 % des Estoniens ont fait leur déclaration d'impôt en ligne.
Au lendemain de l'indépendance de l'Estonie en 1991, tout restait à construire dans cette ancienne république soviétique. Plutôt que d'investir dans la brique, ses banques ont préféré miser sur les TI. «Quand l'Estonie a obtenu son indépendance, il n'y avait aucune banque commerciale, ajoute Anne Sulling. Alors, les banques qui ont été créées n'ont jamais introduit le chèque ; elles se sont limitées aux cartes et aux services bancaires en ligne.»
Carte d'identité électronique
En 2001, les deux principales banques du pays, de concert avec les deux principaux opérateurs en télécommunication, ont mis sur pied un centre d'authentification. Cette organisation visait à prévenir la fraude, en permettant d'établir l'identité des Estoniens de manière sécuritaire, en ligne ou en personne. La carte d'identité électronique estonienne, qui est au centre de la stratégie de gouvernement en ligne du pays, repose sur la technologie du centre.
Semblable à une carte de crédit à puce, la carte d'identité estonienne permet de révéler son identité en ligne grâce à un lecteur qui se branche dans le port USB. Depuis 2007, toutefois, les Estoniens peuvent la remplacer par une carte SIM émise par le gouvernement, qu'ils peuvent insérer dans leur téléphone.
Les Estoniens peuvent établir leur identité avec leur téléphone cellulaire pour faire des opérations bancaires, créer une entreprise, voter et même acheter des titres de transport, autant d'actions qui se posent en ligne en Estonie. Cette dernière fonctionnalité ne sert toutefois plus aux résidents de Tallinn qui, depuis janvier dernier, n'ont plus à payer pour utiliser les transports en commun de la ville.
Cliquez ici pour consulter notre dossier sur les villes intelligentesInfrastructure nationale
Comme de nombreuses villes, Tallinn permet à ses résidents de payer leur stationnement par téléphone cellulaire. Ce qui distingue sa solution, introduite dès 2000, c'est son coût de déploiement dérisoire. En effet, la solution n'a pas nécessité l'installation d'un réseau étendu de parcomètres soi-disant intelligents. Les résidents de Tallinn se servent de leur téléphone pour payer, soit en utilisant l'application iPhone ou Android Parkimine.ee, soit en envoyant un message texte précisant le quartier et le numéro de plaque de leur voiture.
L'Estonie ne comptant que 1,3 million d'habitants, la plupart des services numériques des villes du pays reposent sur une infrastructure nationale. En ce sens, Tallinn n'est pas tant une ville intelligente que l'Estonie est un pays intelligent. Avec un PIB par habitant ajusté au coût de la vie de 25 049 $ US, c'est aussi un pays émergent.
Alors que plusieurs projets de TI mis en place par les gouvernements d'autres pays sont des gouffres financiers, ceux de l'Estonie ont justement été entrepris pour faire plus avec moins : «Nous avons une population de seulement 1,3 million, mais notre territoire est plus grand que celui des Pays-Bas ; c'est donc difficile pour le gouvernement de rejoindre tout le monde physiquement, explique Taavi Kotka, directeur des TI du gouvernement estonien. Offrir des services en ligne était la seule option pour l'Estonie.»
Malgré ses services en ligne avant-gardistes, le gouvernement estonien ne dépense que 40 millions de dollars par année en TI. Selon Taavi Kotka, l'exemple estonien semble extraordinaire, surtout parce que les gouvernements qui savent ce qu'ils font en matière de TI sont rares : «Lorsque le client est un idiot, vous pouvez l'extorquer et obtenir des milliards», lance l'ingénieur de formation. Il faut dire que Taavi Kotka sait de quoi il parle. En tant que pdg d'AS Webedia (aujourd'hui Nortal), un important fournisseur de services TI dans la région, il était auparavant assis de l'autre côté de la table.
Dans les faits, les compétences en technologies des Estoniens semblent constituer l'un des principaux facteurs expliquant le succès de son gouvernement en ligne. Reconnu pour ses ingénieurs de talent, Tallinn a notamment donné naissance à Skype. Cet avantage concurrentiel, l'Estonie ne devrait pas le perdre de si tôt. En effet, un programme lancé en 2012, ProgeTiger, permettra à de nombreux écoliers estoniens de suivre des cours de programmation tout au long de leur formation primaire et secondaire.
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Le statut d'e-résident, une porte d'entrée dans l'Union Européenne
En décembre prochain, l'Estonie commencera à émettre des cartes d'identité électroniques à des étrangers. Le pays balte sera ainsi le premier dans le monde à créer une catégorie de résidents baptisés e-résidents, qui sera constituée d'étrangers ayant accès aux services en ligne du gouvernement estonien. Pour accéder à cette nouvelle forme de résidence, les étrangers devront se présenter en personne à une ambassade de l'Estonie.
Les résidents électroniques du pays pourront ainsi créer des entreprises, ouvrir un compte de banque ou encore signer des documents officiels en ligne. Sans être un paradis fiscal, l'Estonie a un régime fiscal avantageux, qui permet aux entreprises d'éviter de payer de l'impôt tant qu'elles ne versent pas de dividende.
Le gouvernement estonien espère que son statut de résident électronique attirera des entrepreneurs qui veulent gérer leurs activités européennes à distance : «Lorsque vous participerez à une réunion de conseil d'administration par Skype, vous pourrez signer des documents officiels à partir du Web grâce à votre carte d'identité», illustre Anne Sulling, ministre du Commerce extérieur et de l'Entrepreneuriat de l'Estonie.
Le pays faisant partie de l'Union européenne, sa carte d'identité permettra aussi aux résidents électroniques d'obtenir des services dans d'autres pays, comme l'Autriche et le Portugal, dont les gouvernements offrent eux aussi des services sur le Web. «Même si vous investissez en Autriche, le fait que vous soyez connectés à l'Estonie par la résidence électronique a de la valeur pour nous», explique Taavi Kotka, directeur des TI du gouvernement estonien.
> 31 %: En 2014, pas moins de 31 % des Estoniens qui ont voté dans le cadre des élections au Parlement européen l’ont fait en ligne. Source : e-estonia.com
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