Les demandes de stage à l'étranger augmentent dans les universités québécoises. Plus ouverts sur le monde et conscients de l'importance d'avoir une expérience internationale dans leur CV, les étudiants n'hésitent plus à s'expatrier quelques mois. Un précieux sésame pour que des portes s'ouvrent sur des carrières à l'international.
À Polytechnique, le nombre de stages effectués hors Québec a bondi entre 2010-2011 et 2012-2013, passant de 69 à 114 ! Hors Canada, la tendance est encore plus manifeste : 37 stages ont eu lieu à l'étranger en 2012-2013 contre... 10 en 2009-2010. «Cela représente 37 sur 110 stages réalisés, mais c'est toutefois encore insuffisant», estime Esther Caouette, responsable du développement des stages à l'étranger à Polytechnique, qui incite les étudiants à faire un stage à l'étranger durant leurs études. «Un Québécois francophone qui n'a jamais voyagé pourrait avoir moins de chances de trouver un emploi. Les employeurs ont un intérêt pour les gens qui ont fait des stages à l'étranger. C'est une évolution des dernières années.»
Olivier Marcoux en a fait l'expérience. Il a postulé un poste de représentant commercial chez CAE avec un bac en économie spécialisé en mathématiques. Aucune étude ni expérience en développement des affaires ou marketing, et encore moins en aéronautique. Mais l'employeur avait besoin d'une personne dynamique, débrouillarde, prête à voyager, dotée de bonnes dispositions pour interagir avec la clientèle. Il s'est laissé convaincre par le profil d'Olivier qui avait fait, par l'intermédiaire de l'AIESEC, deux stages de plusieurs mois dans le domaine communautaire au Brésil et en Côte d'Ivoire et un autre, axé sur la recherche en économie en Italie. «Ça a joué un grand rôle dans mon embauche. Je n'avais pas qu'un intérêt théorique pour l'étranger. J'avais déjà une expérience internationale», explique le jeune homme.
Avoir fait un stage à l'étranger est un atout de taille lorsqu'on postule dans une multinationale ou une entreprise qui a des liens avec des marchés internationaux. «En raison de la mondialisation des marchés, les firmes ont beaucoup de contacts avec des partenaires du monde entier», constate Christine Bergeron, agente de stage au service de placement de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.
L'établissement a vu le nombre de stages à l'étranger doubler en un an pour atteindre 6 % des stages de premier cycle. Certaines entreprises seront intéressées par le profil d'un étudiant dont le stage a été effectué dans un pays où elles veulent développer des marchés. «Les étudiants peuvent ainsi faire valoir le réseau qu'ils ont établi sur place pendant leur stage», affirme Christine Bergeron.
Débrouillardise et autonomie
Même lorsque l'entreprise n'est pas une multinationale et que le poste ne comporte aucune affectation à l'international, avoir fait un stage à l'étranger peut permettre de se démarquer. «Toutes les compétences non techniques qu'ils ont acquises peuvent être valorisées lors d'un entretien : la débrouillardise, l'autonomie, les compétences linguistiques, l'ouverture d'esprit, etc. Autant de qualités que recherche un employeur auprès de ses recrues», souligne l'agente. Ces traits de personnalité paraissent souvent en entrevue. «C'est déstabilisant de partir travailler à l'étranger. Ça oblige à trouver des solutions, à se remettre en question. Un étudiant peut illustrer les traits forts de sa personnalité avec des exemples concrets pris lors de son stage à l'étranger. C'est très convaincant pour un employeur», fait valoir Esther Caouette.
Par ailleurs, le multiculturalisme dans les entreprises québécoises amène les employeurs, préoccupés d'assurer l'harmonie au sein de l'entreprise, à rechercher des personnes ouvertes et sensibilisées aux différences culturelles. Ce que sont, de fait, les étudiants qui ont vécu à l'étranger.
Simon Côté, 32 ans, devait faire un stage pendant ses études au bac en gestion du tourisme et de l'hôtellerie. C'était obligatoire dans son cursus, mais rien ne l'obligeait à le faire à l'étranger. Il avait le goût de travailler à l'international et s'est donc lancé. Aujourd'hui, il juge que son stage effectué deux sessions avant l'obtention de son diplôme au Novotel de Bangkok a été un «choix stratégique». «Non seulement j'ai pu confirmer que j'avais envie de travailler à l'étranger, mais en plus, j'ai pu montrer mon leadership, ma capacité à me faire accepter dans une équipe», raconte-t-il. Si bien que quelques semaines avant la fin de ses études, il signait son premier contrat pour retourner en poste à Bangkok. Depuis, il va de poste de responsabilité en poste de responsabilité, de pays en pays, dans les hôtels les plus prestigieux d'Asie. «Ce sont des occasions que je n'aurais pas eues, alors que j'étais si jeune, en Europe ou en Amérique du Nord, reconnaît le directeur de la restauration de l'hôtel Shangri-La de Manille. Le stage m'a apporté un réseau énorme de gens que j'aurais eu beaucoup de mal à rencontrer, sinon. Dans mon domaine, ça ouvre des horizons.»
Les étudiants québécois appréciés
Des étudiants de tous les programmes veulent faire des stages à l'étranger, constate Christine Bergeron. Ce qui pousse les universités à s'adapter pour accompagner la tendance - l'organisation d'un stage à l'étranger demande trois fois plus de travail qu'un stage fait au Québec, selon le directeur du service des stages et du placement de l'Université de Sherbrooke, Denis- Robert Élias - et même pour la favoriser.
En effet, elles sont pour la plupart partisanes du départ à l'étranger de leurs étudiants, qui pourront ainsi acquérir une expérience qui améliorera leur employabilité. «L'école a un rôle à jouer là-dedans», affirme Esther Caouette, selon qui «rendre obligatoire le stage à l'étranger serait sûrement excellent». Mais pour cela, «il faut se structurer afin d'aider les jeunes, notamment financièrement». À l'UQAM, les choses bougent aussi : un nouvel atelier consacré aux étudiants qui souhaitent faire un stage à l'étranger vient d'être créé. L'objectif est de les informer sur tous les aspects pratiques de leur projet (visa, logement, assurance, etc.).
Quant à trouver des lieux de stage, si les universités doivent se constituer un réseau d'entreprises, souvent alimenté par les étudiants eux-mêmes, les réponses à l'étranger sont généralement positives. Esther Caouette observe que «nos étudiants sont appréciés, ils sont reconnus pour être débrouillards et autonomes». Ils sont donc bien accueillis dans les entreprises du monde entier.