Hydro Québec a développé des mesures pour réduire le nombre d’absences de courte et de longue durée. Une politique qui s’est élevée au rang de stratégie d’entreprise, et qui a nécessité une analyse de la situation en profondeur.
Depuis deux ans, la question de la santé mentale fait partie intégrante de la stratégie de la société d’État. « Nous avons voulu faire de la présence au travail un projet d’entreprise, avec des étapes, des personnes responsables, des échéanciers, des mesures et des suivis », explique Danielle Laurier, directrice Santé et sécurité à Hydro-Québec.
La firme a décidé de travailler sur les facteurs personnels et organisationnels influençant la santé mentale, en développant des approches de prévention et de gestion, comprenant des ateliers de coaching, de l’accompagnement et une stratégie axée sur le retour au travail durable.
« Nous avons commencé par dresser une analyse de la situation, en ciblant quel était l’objectif d’entreprise et comment l’améliorer », indique Danielle Laurier.
« Poser un diagnostic, quantitatif ou qualitatif, est une des premières choses à faire, sinon on reste dans le monde des perceptions », souligne Jean-Pierre Brun, Professeur titulaire à la Chaire en gestion de la SST à l’Université Laval.
Pour ce faire, Hydro-Québec s’est fait épauler par des ressources externes, notamment des actuaires, pour mesurer les objectifs à atteindre.
Ne plus fonctionner en silos
« Nous avons regardé avec chacune de nos divisions comment chacune pouvait se mettre en mouvement, en décortiquant plusieurs points : la prévention, les absences de moins et de plus de 3 jours, etc. Mais toujours avec un objectif commun en tête et un groupe piloté par une même personne », ajoute-t-elle.
L’objectif ? Ne plus fonctionner en silos, mais créer des synergies et des échanges entre les différents services et personnes concernées. Un outil informatique permet à chaque gestionnaire de consulter régulièrement les taux d’absences dans son département, de savoir quelles sont les personnes qui font augmenter ces taux et pour quels motifs.
«Un rapport est remis à la haute direction tous les trimestres. Cela permet de référer les employés qui connaissent des difficultés aux outils existants, comme le programme d’aide aux employés (PAE) ou de capter un problème d’engagement qui commence », affirme Danielle Laurier.
Cette démarche va dans le sens des pratiques prônées par le Groupe entreprises en santé : «On ne peut pas améliorer ce que l’on ne mesure pas. L’idée est donc de pouvoir mesurer à la fois des indicateurs objectifs et prospectifs, comme le taux absence, le taux de burn-out, le coût des médicaments ou encore le taux de satisfaction des employés », indique Mario Messier, directeur scientifique du groupe.
Faciliter le retour au travail
L’un des grands virages a été la gestion des invalidités. Dans ce domaine, Hydro Québec est passé d’une « gestion papier » à la mise sur pied d’un programme d’accompagnement au retour au travail.
« Nous avons fait appel à l’Université de Sherbrooke afin de savoir quelles étaient les meilleures mesures à implanter pour gérer les absences de façon centralisée », indique Danielle Laurier.
Cette pratique a conduit à réaliser des appels de courtoisie personnalisés dès le début du congé maladie des salariés. « Cela nous a permis de conserver un lien et de leur expliquer quelles étaient les prochaines étapes, en vérifiant s’ils avaient des interrogations ou des obstacles qui pouvaient être levés avant leur retour au travail», explique-t-elle.
Pour Jean-Pierre Brun, de l’Université Laval, toutes les initiatives permettant le maintien du lien d’emploi durant les périodes absences favorisent un meilleur retour au travail.
Hydro-Québec a également instauré une collaboration rapprochée avec le médecin traitant, ce qui a engendré de nouvelles pratiques : « On observe davantage les capacités de la personne et ce qu’il lui est possible de faire, plutôt que tout ce qu’elle ne pourra plus faire, notamment dans les cas de limitations physiques ou cognitives», met en avant Danielle Laurier.
Parfois, cela implique aussi d’aider les gens à réaliser certains deuils : « On observe que certaines personnes souffrantes n’étaient pas dans les bonnes chaussures … La solution est parfois de les aider à cheminer vers autre chose en se basant sur leurs évaluations, leurs historique et l’avis du médecin traitant. »
Un bilan prometteur ?
Hydro-Québec souhaite rester discret sur ses résultats. Toutefois, Danielle Laurier affirme que la société a atteint ses objectifs annuels. « Cela ne fait que deux ans que nous avons lancé ce programme. Alors, même si les résultats sont très positifs, nous ne souhaitons pas les rendre publics pour l’instant », ajoute-t-elle.
Parmi les variables scrutées à la loupe, on retrouve les absences de moins et de plus trois jours, le nombre de consultations au PAE et le taux d’absences global. « Mais il faut prendre garde car toutes les données ne veulent pas forcément dire la même chose : une augmentation du nombre de consultations au PAE n’est pas forcément un mauvais signe, bien au contraire ! » rappelle-t-elle.
Certains indices peuvent aussi être multifactoriels : « La difficulté, c’est qu’on ne sait pas toujours si c’est uniquement notre action qui a fait pencher la balance dans un sens, ou si c’est une combinaison de facteurs », souligne Mario Messier.
Le niveau d’engagement a par exemple été amélioré, mais Danielle Laurier reste prudente car cette variable peut être influencée par plusieurs facteurs. « Dans la phase 2 de notre projet, prévue en 2015, nous allons nous intéresser à des unités cibles dans lesquelles les absences sont plus nombreuses, afin de voir s’il existe des leviers particuliers sur lesquels nous pouvons agir », explique-elle.
Si la littérature et les différentes normes regorgent d’exemples, encore faut-il identifier quels sont précisément les facteurs en présence pouvant être améliorés. « Il est certain que certains leviers très puissants, comme la justice organisationnelle, nous intéressent particulièrement », indique Danielle Laurier.
Son principal critère de réussite ? « Pour dire que cela aura marché, il faudra que les mesures déployées fassent en sorte que les salariés s’absentent moins, ou reviennent de manière plus durable. Ce qui ne veut pas forcément dire plus vite », estime-t-elle.