Un client en difficulté financière pourrait vous remercier de lui avoir proposé d'investir ses économies dans un contrat de rente d'assureurs.
À moins de cas d'exceptions, comme une saisie par l'Agence du revenu du Canada ou des dettes alimentaires impayées, les placements proposés sous la forme d'un contrat de rente souscrit auprès d'un assureur ou auprès d'une société de fiducie offrent généralement une protection contre les créanciers.
Pour obtenir de cette protection au Québec, le bénéficiaire désigné au contrat doit toutefois être, soit le conjoint marié ou uni civilement, soit le descendant ou l'ascendant de celui qui possède le placement ou tout autre bénéficiaire désigné à titre irrévocable, selon Francys Brown, conseiller principal en fiscalité chez Standard Life.
Autrement dit, lorsqu'il ne s'agit pas d'une situation de faillite, certains produits comme les fonds communs de placement n'offrent aucune protection contre les créanciers. Cette situation prévaut autant pour l'épargne souscrite dans un Régime enregistré d'épargne-retraite (REÉR) ou que pour un placement non enregistré. Par exemple, si un client perd une poursuite judiciaire sans tomber en faillite, il pourrait se faire saisir son placement dans un REER.
La situation change lorsque le client fait faillite. « Les modifications législatives des dernières années font maintenant en sorte que tous les types de REÉR sont insaisissables à l'exception des cotisations faites dans les 12 mois précédant la faillite, ajoute Francys Brown. Pour ce qui est des contrats de rente souscrits auprès d'un assureur, ils offriraient une protection supplémentaire puisque toutes les cotisations, incluant celles des 12 derniers mois, seraient à l'abri des créanciers dans la mesure où un bénéficiaire a été désigné à titre irrévocable, ou encore lorsqu'il s'agit de certains membres de la famille (spécifiés auparavant). »
La justice peut toutefois contrecarrer les plans frauduleux d'un client, dont la faillite est imminente, qui tente de protéger ses actifs en procédant à un dépouillement volontaire de ses avoirs.
« C'est du cas par cas. On va examiner si, au moment de l'achat du produit, la personne avait des créanciers impayés et un risque de faire faillite imminent. Si la réponse est oui, on ne peut pas assurer qu'il y a une protection », précise Francys Brown.
Les clients devraient donc protéger leurs avoirs avant que les problèmes n'arrivent. Ils évitent ainsi des contestations judiciaires et peuvent plaider avoir agi de bonne foi. « Ce n'est pas le temps de courir après un parapluie lorsqu'il se met à pleuvoir. Donc, il faut se préparer », dit Daniel Gladu, planificateur financier chez BMO Banque de Montréal.
Il est sage de diriger son client vers un spécialiste de la comptabilité, de la fiscalité ou du droit, selon Daniel Gladu. « C'est un domaine où il y a encore des contestations judiciaires. Il y a certaines zones grises », soutient-il.
Attention à la séparation du couple
Advenant que le client achète une rente ou un fonds distincts auprès d'un assureur, Francys Brown souligne l'importance de bien choisir le bénéficiaire pour obtenir la protection contre les créanciers. Par exemple, un client doit y penser à deux fois avant de désigner son conjoint de fait comme bénéficiaire irrévocable.
« Les gens vont hésiter avant de nommer un conjoint de fait comme bénéficiaire irrévocable. Si une personne a nommé son conjoint comme bénéficiaire irrévocable et qu'elle se sépare et veut enlever son nom sur le contrat, elle doit obtenir l'autorisation du conjoint. Pour toutes opérations, comme la vente du placement, elle doit aussi obtenir le consentement écrit et signé du bénéficiaire irrévocable », soutient Francys Brown.
Pour les couples mariés ou unis civilement, un divorce peut changer la donne sur le plan de la protection contre les créanciers si le partenaire est désigné bénéficiaire de la rente. « Au moment du divorce, la désignation de l'époux selon le Code civil devient caduque. À ce moment-là, le contrat devient saisissable par les créanciers », souligne-t-il.