Inauguré en 1962, l'actuel pont Champlain aura tenu près de 50 ans, reliant la Rive-Sud de Montréal à la métropole. Depuis que le fédéral a annoncé en octobre 2011 la construction d'un pont en aval du fleuve, cet ouvrage vit ses dernières années. Si le nom de son remplaçant et le choix du consortium qui réalisera les travaux n'ont pas été encore arrêtés, le futur pont promet bien des défis à ses constructeurs.
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1. Imaginer le futur
À quoi ressemblera le nouveau pont Champlain ? Si de premières esquisses ont été dévoilées par Infrastructure Canada, le visage du nouveau pont pourrait encore évoluer. Alors que l'actuel pont Champlain faisait office de précurseur, réservant dès 1978 une voie au transport en commun, le nouveau pont mise également sur le transport collectif grâce à un tablier réservé aux autobus et à la mise en place ultérieure d'un péage autoroutier.
«Nous avons choisi de réaliser deux tabliers qui accueilleront la circulation automobile et les camions sur trois voies, tandis qu'un tablier distinct, sur deux voies, sera réservé au transport en commun et pourra ensuite être converti à un système sur rails (SLR) quand Québec en prendra la décision», explique Marc Brazeau, directeur général du projet de corridor du nouveau pont pour le Saint Laurent d'Infrastructure Canada. Selon lui, un des défis est «de ne pas restreindre les options qu'aura l'AMT à l'avenir, sans connaître exactement les spécificités techniques d'un futur SLR». C'est pourquoi le projet a déjà prévu la présence d'accotements d'une largeur suffisante pour accueillir un autobus et permettre l'ajout d'un SLR.
La présence d'un péage autoroutier, dont le tarif fait encore l'objet de discussions, visera à rembourser en partie l'investissement de 3 à 5 milliards de dollars (G$) réalisé par le gouvernement fédéral. «Le péage sera comparable à ce qu'on voit actuellement dans la région de Montréal», précise M. Brazeau. Pour passer le pont de l'A25, par exemple, il en coûte de 1,88 $ à 2,50 $ par passage selon le moment de la journée. Ces frais s'élèvent à 5,20 $ pour les véhicules qui ne sont pas équipés d'un transpondeur.
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2. Un échéancier serré
Autre défi : le calendrier ! «Nous avons un calendrier ambitieux de 42 mois. Il faut se souvenir que dans le contexte montréalais, nous aurons 12 mois d'hiver. Ce sera donc à nos partenaires privés de trouver des méthodes de travail et de construction en lien avec cet échéancier. On peut déjà s'attendre à l'instauration de deux quarts de travail, au lieu d'une journée de 8 heures par exemple», calcule Marc Brazeau. En effet, face au vieillissement des structures du pont Champlain, le gouvernement a voulu que les travaux avancent vite. «Nous avons lancé la demande de qualification du nouveau pont en mars dernier et nous avons reçu six propositions de consortiums, constitués chacun d'une dizaine d'entreprises venues du monde entier. Cela a donné lieu à une première sélection de trois consortiums - le Groupe Signature sur le Saint-Laurent, Alliance Saint-Laurent et le Partenariat Nouveau Pont Saint-Laurent -, qui pourront répondre à l'appel d'offres lancé le 21 juillet», explique M. Brazeau.
L'objectif ? La sélection d'un partenaire d'ici avril 2015, afin de commencer les travaux dès le mois de mai 2015, pour des livraisons étalées entre le 1er décembre 2018 et le 1er décembre 2020. «Le Partenariat Public Privé (PPP) nous permet de réduire de 5 % à 18 % les coûts pour le gouvernement, tout en attribuant les risques liés à la conception et à la construction aux bonnes parties, c'est-à-dire au domaine privé. De notre côté, nous assumerons les risques liés à l'achalandage du péage, à la contamination environnementale, ou à l'acquisition des terrains, car cela reste du domaine public», rapporte Marc Brazeau, qui souligne que les consortiums candidats se sont tous fondés sur des expertises complémentaires solides.
3. Des contraintes techniques
Pour la première fois, le volet architectural fait partie intégrante de l'appel d'offres. «Même si nous voulons tout d'abord un pont sûr et durable, l'architecture était un point important pour nous. Les images rendues publiques, issues d'un comité consultatif composé de membres de l'Ordre des architectes du Québec, de l'Ordre des ingénieurs du Québec, ainsi que d'Héritage Montréal et de la Ville de Montréal, font donc partie de nos critères de conception.» L'objectif ? Que ce nouveau pont ait une durée de vie de 125 ans, soit 2,5 fois plus longue que celle du pont Champlain ! «Cela va forcer les ingénieurs et les équipes à être très minutieux en matière de conception et de choix des matériaux. Nous avons déjà présenté un type de béton qui peut convenir, et on s'attend à ce qu'il y ait des renforcements en acier inoxydable au niveau de l'armature», souligne-t-il.
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4. Une concertation permanente
Bien que la construction de ce nouveau pont relève du fédéral, Infrastructure Canada a dû multiplier les consultations avec ses différents partenaires, tels que le ministère des Transports du Québec (MTQ), l'Agence métropolitaine de transport (AMT), mais aussi les villes de Montréal et de Brossard, les arrondissements de Verdun et du Sud-Ouest ainsi que la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent. Un véritable défi pour un projet de cette envergure ! «Nous avons une équipe de 80 à 100 personnes réparties à Ottawa et à Montréal, qui travaillent aux côtés de consultants externes provenant de la firme d'ingénierie Arup, de la firme de conseils juridiques Dantons et du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers», explique M. Brazeau. Pour se coordonner, les équipes du fédéral tiennent au minimum une rencontre par semaine avec leurs partenaires, et parfois plus ! «Il s'agit d'un projet très complexe en milieu urbain, à proximité de l'échangeur Turcot, lui aussi en travaux. Nous avons donc dû nous organiser avec le MTQ pour nous assurer que les deux projets sont bien connectés, pour ne pas avoir cinq ans plus tard un écart de cinq mètres entre les structures», rapporte Marc Brazeau. Pour cela, Infrastructure Canada demandera à ses partenaires privés de rencontrer régulièrement le MTQ afin d'assurer la coordination des deux chantiers.
5. Assurer la circulation
Face au pont le plus achalandé du Canada, qui accueille chaque année près de 60 millions de véhicules sur une longueur de 3,4 km, un des défis sera également de maintenir la circulation des véhicules durant les travaux. La présence de plusieurs aqueducs, voies d'égouts, lignes électriques et lignes de métro ne facilitera pas la tâche des ingénieurs et techniciens. «Nous avons mis à disposition de nos partenaires plus de 100 Go de données techniques sur le projet», affirme M. Brazeau. «Sans compter que l'autoroute 15 est un site complexe et surélevé, où il faudra simultanément démolir et rebâtir, et mettre en place des voies d'évitement», ajoute-t-il. Dès le mois d'octobre 2014, une jetée temporaire remplaçant le pont de L'Île-des-Soeurs sera inaugurée pour faciliter la circulation des autobus assurant la liaison entre la Rive-Sud et Montréal. «Cela reste une solution temporaire, avant que les autobus puissent bénéficier d'une voie réservée sur le nouveau pont», assure Marc Brazeau. L'objectif : que la circulation ne soit pas perturbée avant la livraison du pont. «Il pourra y avoir des fermetures d'autoroute en fin de semaine, lors des dernières phases de raccordement, mais tout sera fait pour gêner le moins possible la circulation de ce corridor économique important», conclut M. Brazeau.