Vous voulez profiter de la manne de contrats qui seront octroyés au nord du 49e parallèle dans la foulée du Plan Nord ? Soyez prêts à conclure des partenariats d'affaires avec les Premières Nations.
Depuis la signature de la Paix des Braves, en 2002, il s'est créé une élite économique vibrante chez les autochtones, surtout chez les Cris. Ils sont à la tête d'entreprises qui appartiennent soit aux communautés, soit à des particuliers. Et ils veulent eux aussi profiter des occasions d'affaires qui se présentent... dans leur cour.
Qui plus est, les grands donneurs d'ordre comme Hydro-Québec, le gouvernement fédéral et les minières favorisent ces entreprises locales dans l'octroi de contrats, en leur donnant par exemple le premier droit de soumission.
Bref, le développement du Nord-du-Québec passe par des ententes avec les Premières Nations.
"On ne peut plus faire comme à la baie James et se dire : on va tout construire et ils nous poursuivront en justice !" lance Denis Thibodeau, directeur du génie nordique pour la firme de génie-conseil Genivar. "On est chez eux, on doit faire des affaires avec eux, et à leurs conditions."
Genivar fait partie d'un nombre croissant d'entreprises québécoises intensifiant leurs relations avec les autochtones. Il s'agit autant de PME que de grandes entreprises de construction et de génie : Desfor, MasséNor, EBC, Stavibel, Geodefor, Moreau, SNC-Lavalin, Laval Fortin, pour ne nommer que celles-là. Des géants mondiaux, tels Kiewit Construction et Bradley Bros, font aussi partie du lot.
Le genre d'alliances varie, allant de la simple fourniture de services au consortium et à la coentreprise. Grosso modo, il existe deux types de coentreprises : le type "intégré", selon lequel toutes les ressources sont mises en commun et les bénéfices sont partagés, s'il en reste ; et l'autre, qui consiste à responsabiliser chaque partenaire, à la hauteur de sa participation.
Gagnant-gagnant
Grâce à ces partenariats, "vous aurez une meilleure chance de réaliser le contrat, de prendre le marché, de vous différencier de la concurrence et, si vous le souhaitez, de réaliser ensuite un transfert d'entreprises", fait valoir Pierre Ouellet, directeur général du Secrétariat aux alliances économiques de la Nation Crie - Abitibi-Témiscamingue, un organisme créé en 2006 pour stimuler les alliances entre les deux communautés. Le Secrétariat prévoit s'étendre aux villages inuits au nord du 55e parallèle.
Le plus grand avantage, toutefois, est que le partenaire autochtone garantit l'occupation du territoire et des liens avec la communauté qui l'habite. C'est le meilleur passeport pour faire accepter socialement un projet et s'éviter des complications.
De son côté, la partie autochtone cherchera un partage de l'expertise et des immobilisations, de même que de la formation pour sa main-d'oeuvre, de façon à générer des retombées directes pour sa communauté.
On est loin des premiers jours de la Convention de la Baie-James, lorsqu'une entreprise de Blancs pouvait donner des allocations de dépenses à un autochtone qui lui servait de prête-nom....
"De relation vendeur-acheteur, on vise maintenant des partenariats équitables", dit Pierre Ouellet.
Mais ces derniers "sont encore trop rares", déplore de son côté Robert Desautels, directeur général de Waska Ressources, une coentreprise formée par feu Billy Diamond (51 %) et la firme de génie Desfor (49 %). M. Desautels est probablement l'homme d'affaires blanc auquel les Cris font le plus confiance. Il a conclu des partenariats dans sept des neuf communautés cries.
La main-d'oeuvre de demain
La formation est cruciale pour les Premières Nations ; sur le tas, pas sur des bancs d'école. Car il est rare de trouver des diplômés au-delà du secondaire 5. Par contre, les travailleurs autochtones excellent dans tout ce qui relève de la logistique et des travaux sur le terrain : prospection, relevés de terrain, cartographie, transport, camps, etc. Dans la construction, la situation évolue depuis que la Commission de la construction du Québec a accepté d'assouplir ses normes. Les délais d'approbation sont notamment plus courts entre la formation et le travail.
Il est donc probable que les employés autochtones demandent plus d'encadrement, mais ils sont, au nord du 49e parallèle, la main-d'oeuvre de demain : la moitié sont âgés de moins de 25 ans. C'est du développement durable que de les former et de leur donner l'occasion de s'enrichir.
Et pour un entrepreneur blanc, l'enrichissement, dans ces partenariats d'affaires avec les Premières Nations, ne relève pas seulement du succès opérationnel, signale Robert Desautels. Il est aussi de nature relationnelle. "Si chacun des partenaires est ouvert et malléable, on vit de beaux moments."