1 Quels sont les engagements concrets envers le développement des communautés ?
Le Plan Nord se veut un outil de développement social, en plus d'être un stimulant économique. Cependant, outre la rénovation et la construction de logements au Nunavik et la construction de routes déjà prévues avant le Plan Nord, le document de 172 pages publié en mai dernier et intitulé "Faire le Nord ensemble" dévoile peu d'engagements concrets et chiffrés à cet égard. Un exemple : on parle de télésanté dans le Nunavik, mais aucune dépense en infrastructure n'est mentionnée pour la mettre en place, ce que réclament les Inuits depuis des lustres. "On y croit, au Plan Nord, mais voilà longtemps que nous proposons des solutions qui ne sont pas traduites autrement que par des voeux pieux dans le document du Plan Nord", déplore Jean-François Arteau, conseiller pour la société inuit Makivik.
2 Quelle proportion du territoire est protégée ?
Le Plan Nord assure que la moitié de la superficie au nord du 49e parallèle sera protégée. Mais Dean Journeaux, président de la minière New Millenium, qui entend exploiter plusieurs gisements de fer dans la fosse du Labrador, n'est pas certain de comprendre ce que cela veut dire. "Où est ce 50 % ? Le gouvernement ne le dit pas. Et surtout, est-ce que cela signifie qu'on ne pourra pas établir de couloirs de transmission sur la moitié du territoire ? Si c'est le cas, cela risque d'être fort problématique pour certains projets miniers. On est complètement dans le flou à ce sujet".
Nochane Rousseau, leader du service aux minières de la firme d'expertise comptable PricewaterhouseCoopers, constate lui aussi ce manque de clarté. Mais selon lui, il est préférable que les limites du territoire protégé ne soient pas fixées tant qu'on ne connaîtra pas mieux ce qu'il y a dans le sous-sol au nord du 49e parallèle. Et on espère des exceptions pour les minières dont les infrastructures encombreraient le chemin.
Reste à voir comment les environnementalistes réagiront.
3 Où sera la Société du Plan Nord ?
On ne sait pas où sera établie la future Société du Plan Nord (SPN), qui aura le mandat de coordonner les investissements de Québec dans les projets d'infrastructure liés au Plan. Plusieurs villes sont en lice pour accueillir l'organisme, dont Sept-Îles et Chibougamau.
Politiquement, il est défendable de l'installer dans une ville du Nord. Cela l'est moins sur le plan logistique, étant donné la géographie du Québec et les liaisons aériennes limitées, fait valoir Jean-François Arteau.
"De Kuujuaq, notre avion va à Montréal ou à Québec, explique-t-il. Quelle influence aura un organisme situé à Chibougamau, loin de ceux qui prennent les décisions à Québec et à Montréal ?" se demande-t-il.
Au-delà de la question de son emplacement, certains, comme M. Arteau, s'interrogent sur son utilité, dans la mesure où des liens sont déjà établis avec les bons experts issus de ministères ou d'autres organismes. "Avec la SPN, on ajoute un palier supplémentaire, qui n'aura pas de vrai pouvoir et qui nous fera perdre du temps", croit M. Arteau.
4 Quelle sera la part du privé dans les projets d'infrastructure ?
De nombreux investissements sont nécessaires dans les municipalités touchées par le boom minier. Or, le gouvernement a beau dire qu'il ne veut plus être seul à financer les infrastructures, il n'est pas rapide à appliquer ce principe, observe Eric Tétrault, directeur des communications chez ArcelorMittal Mines Canada. "Fermont a besoin de 400 places en garderie. Une fois que c'est dit, qui les paie, ces places ?"
Il semble que le gouvernement veuille procéder au cas par cas. Le premier est celui de la route 167 vers les monts Otish. En vertu de l'entente, la minière Stornoway investira 44 millions de dollars (M $) pour la route, plus 1,5 M $ par an pour l'entretien, tandis que Québec assumera le reste du coût total de 331 M $, tout en cherchant d'autres partenaires privés. On est loin du principe "moitié- moitié" que le gouvernement visait lors de la première annonce de cette route, faite avant le Plan Nord.
5 La machine gouvernementale suivra-t-elle le rythme ?
C'est la grande question du côté des minières et des municipalités : alors que le premier ministre Charest court les tribunes internationales pour attirer des investisseurs dans le Nord du Québec, on se demande sérieusement si l'appareil public va pouvoir suivre le rythme des investissements privés et répondre rapidement aux besoins des villes où elles s'installent. Dans bien des cas, les administrations municipales et les minières en ont fini avec la planification et sont rendues à la réalisation de leur projet.
Avant de démissionner, la ministre Nathalie Normandeau a indiqué à Les Affaires qu'une structure interministérielle serait mise en place pour que les villes et les investisseurs aient un guichet unique. Un coordonnateur serait nommé pour assurer l'interface entre les partenaires. Mais elle a ajouté du même souffle que faire bouger la machine gouvernementale demeurait "un défi". Les ministères "devront se mettre au diapason et devront livrer", a-t-elle dit. C'est une chose d'avoir un coordonnateur, mais s'il n'a pas de pouvoir et qu'il doit assister à huit comités avant de répondre à une question, cela n'ira pas beaucoup plus vite, commentent des intervenants de l'industrie.
Les frères du Plan Nord
Le nouveau ministre responsable du Plan Nord, Clément Gignac, successeur de Nathalie Normandeau, aura des occasions familiales de discuter de cet ambitieux projet : son frère, Michel Gignac, est le président de la Corporation de développement économique de Port-Cartier, l'une des villes les plus concernées par le Plan Nord. En entrevue avec Les Affaires, avant la nomination de son frère Clément, Michel disait que le gouvernement avait surestimé l'état des infrastructures des villes.