Si le gouvernement Marois ne renonce pas à son projet d’augmenter les impôts miniers, il y aura moins de mines au Québec, leur durée de vie sera plus courte et le nombre d'emplois baissera en conséquence.
Pourtant, l’industrie minière crée des dizaines de milliers d'emplois dont les salaires sont deux fois plus élevés que le salaire moyen, en plus de payer des milliards en contributions fiscales, salaires et contrats à ses fournisseurs – en plus des redevances.
Tel est le message que l’industrie, mobilisée à Montréal dans le cadre d’une réunion à laquelle plus de 200 personnes ont participé, a voulu envoyer au gouvernement Marois à moins de deux jours avant un important forum minier où il sera question d’un nouveau régime d’impôt minier pour la province, le deuxième en 36 mois.
«Cessez de nous donner des coups de pied, et valorisez-nous», a lancé Bryan Coates, chef de la direction financière de la minière Osisko, à l’endroit du gouvernement québécois. Première minière aurifère québécoise de taille moyenne dans l’histoire du Québec depuis Cambior, Osisko exploite actuellement la plus importante mine d’or au Québec, comptant 850 employés en Abitibi. M. Coates a ajouté que sa durée de vie serait raccourcie et que les futurs investissements de l’entreprise iraient probablement en Ontario si le gouvernement augmente ses ponctions dans l’industrie.
Lors de cette journée, où le degré d’émotivité était souvent élevé, les conférenciers ont unanimement mentionné que la formule hybride envisagée par le gouvernement Marois – à savoir une redevance plancher basée sur la valeur du minerai combinée à une taxe sur le profit ou le surprofit - nuirait non seulement aux intérêts d’une industrie déjà plus menacée au Québec qu’ailleurs dans le monde par la conjoncture, mais aussi aux intérêts de toute la population et du gouvernement.
«Si vous touchez à nos mines, vous vous attaquez à votre portefeuille», a déclaré Bryan Coates. Faisant écho à ses propos, le chef de l'exploitation de la minière Stornoway, Patrick Godin, a mentionné que 50% de la minière appartenait aux Québécois, via Investissement Québec, la Caisse de dépôts, le Fonds de solidarité, etc.
«Ne tuez pas le prochain Eleonore»
L’industrie avait même invité à sa tribune le pdg de la multinationale Goldcorp, de Vancouver. Goldcorp est en train de bâtir le prochain plus gros projet minier au Québec : la mine d’or Eleonore, située à la Baie-James.
Chuck Jeannes a dit aux participants que les profits d'Eleonore, qui ont déjà baissé de 250M$ avec les modifications du gouvernement Charest, vont encore diminuer d'un demi milliard de dollars avec la formule Marois (celle proposée en campagne électorale). « Cela n’incitera pas Goldcorp à fermer sa mine, a—t-il expliqué, mais c’est de l’argent qu’elle ne dépensera pas pour poursuivre l’exploration et rallonger la durée de vie de la mine».
Il a ajouté que les marges bénéficiaires des producteurs d’or étaient surestimées parce qu’on a l’habitude de ne compter que les coûts de production –lesquels ont augmenté de 16% par année depuis le boom soit dit-en passant – alors que d’autres coûts s’ajoutent ( entretien, de transport, etc) à la facture totale. Sans profits suffisants aux yeux de l’industrie, il n’y aura pas d’investissement pour bâtir d’autres mines, a-t-il plaidé. «Ne tuez pas le prochain Eleonore».
Assiette fiscale
Deux experts ont expliqué que le gouvernement doit laisser l’assiette fiscale à partager avec les minières à un niveau ne dépassant pas 40% des profits, s’il souhaite garder des investisseurs ou en attirer d’autres au Québec. C’est déjà difficile de le faire compte tenu des faibles teneurs de nos gisements et de la petite taille des mines.
Christian Provencher, vice-président de Agnico-Eagle, a estimé de son côté que certaines de ses mines au Québec n’auraient pas été construites avec le régime proposé et qu’elles fermeront plus tôt que prévu. Agnico-Eagle a investi à ce jour 3,2 G$ en Abitibi.
Les minières québécoises rejettent le système ad valorem parce qu’il a pour effet de réduire la quantité de réserves économiquement exploitables dans un gisement. Ce régime va faire très mal aux petites mines et aux petites teneurs, bref à plus de la moitié des mines au Québec, ont-ils plaidé. Quant au régime taxant les surprofits, il ignore la nature cyclique de l’industrie, a plaidé de son côté le pdg de Goldcorp.
Chez les Agnico-Eagle, Goldcorp, Arcelor Mittal, où l’entreprise a le choix d’investir ses profits dans des gisements moins chers à exploiter ailleurs, les porte-paroles ont signalé que l’intérêt de leur maison-mère envers la juridiction québécoise faiblissait à vue d’œil.
Le gouvernement Marois a promis de décider rapidement ce que sera son nouveau régime après avoir entendu le forum du 15 mars.
Les minières réclament publiquement le statu quo, mais officieusement, elles espèrent qu’on ne fera que changer «quatre trente sous pour une piastre», c’est-à-dire qu’on haussera les redevances pour sauver la face, mais qu’on fera des aménagements ailleurs (dans les déductions, par exemple, ou les exemptions) pour compenser la perte.
Mais dans tous les cas, l’incertitude aura été bien nuisible, car les investisseurs ont déjà commencé à délaisser le Québec, ont indiqué plusieurs dirigeants de sociétés d’exploration.
«Arrangez-vous pour créer un climat d’investissement favorable». Tel est le souhait final de Bryan Coates.