Du haut du 11e étage des bureaux de la firme Menkès Shooner Dagenais LeTourneux (MSDL) Architectes, à l'angle des rues Sainte-Catherine et Stanley, la vue du paysage montréalais n'a jamais été aussi stimulante aux yeux de l'architecte Anik Shooner. Plus d'une dizaine de grues de chantier sont visibles ces jours-ci.
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«La construction des tours Roccabella, Icône, l'Hôtel Mount Stephen... ça fait longtemps que l'on n'a pas vu autant d'action immobilière au centre-ville», souligne la cofondatrice de la firme MSDL Architectes.
Il faut dire que le secteur de l'architecture ne l'a pas toujours eu facile depuis 30 ans. Déjà en 1983, lorsqu'Anik Shooner s'est inscrite à l'Université de Montréal, il n'y avait aucun débouché en architecture au Québec. Son premier travail, c'est à Toronto qu'elle l'a obtenu, au cabinet WZMH.
«Et 10 ans plus tard, en 1994, lorsque nous avons décidé de cofonder la firme, moi, Yves Dagenais et René Menkès, architecte de l'ancien cabinet montréalais WZMH - à qui l'on doit la moitié des tours de bureaux du centre-ville -, le marché privé s'est effondré», rapporte-t-elle.
La diversification de l'offre de services de la firme et près de 70 heures de travail par semaine pendant 10 ans lui ont heureusement servi de planche de salut, maintient Anik Shooner, qui ne s'est jamais laissé démotiver par un obstacle. «Il a fallu opter pour un équilibre entre les contrats privés et les contrats publics», explique-t-elle.
C'est ainsi que le cabinet a décroché ses premiers contrats. La firme a remporté la construction de l'École de musique Schulich de l'Université McGill et la Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal. MSDL a également obtenu le contrat de la Maison du développement durable, rue Sainte-Catherine, un bâtiment certifié LEED Platine décoré de nombreux prix, dont celui du choix du public de l'Ordre des architectes du Québec en 2013. La tour résidentielle YUL, qui comprendra un jardin intérieur de 23 000 pieds carrés, et dont la première pelletée de terre est prévue sous peu, a remporté le prix Habitat Design.
Cliquez ici pour consulter le dossier Entreprendre au féminin«J'ai toujours été attirée par les projets complexes et innovants qui affichent un caractère particulier, des projets qui imposent de nouveaux standards en matière de responsabilité environnementale. De pouvoir être polyvalente m'a également bien servie. C'est, de loin, la meilleure façon de gérer plus efficacement les problèmes pouvant éventuellement faire surface d'un projet à l'autre», dit-elle.
Et pour les relations de travail ? Est-ce que le fait d'être une femme architecte a nui au développement de sa carrière ? «J'ai rarement ressenti de la discrimination dans mon travail. Il y a peut-être eu une ou deux occasions où j'ai noté de drôles de réactions», indique-t-elle.
Elle se souvient d'un projet à Markham, en banlieue de Toronto, à ses débuts. Elle devait négocier les extras d'un entrepreneur, à qui elle enlevait pas mal d'argent. «À cette époque, tout se faisait par courrier postal. Le type n'a pas dû se rendre compte sur papier que le prénom Anik était celui d'une fille. Lorsque l'entrepreneur m'a rencontrée la première fois, il a été surpris de voir une petite femme avec une coupe de cheveux au carré et l'allure d'une gamine de 16 ans. Heureusement, j'avais déjà gagné son respect par mon professionnalisme», raconte Anik Shooner.
Elle relate aussi le cas de l'Agence spatiale de Saint-Hubert, projet qui a valu son retour à Montréal au début des années 1990. «J'ai su, des années plus tard, par mon associé René Menkès, que les responsables du projet de l'Agence doutaient que ma firme WZMH me confie la direction architecturale du bâtiment. Mais je crois que cette réticence reposait davantage sur mon âge que sur le fait d'être une fille», dit l'architecte de 50 ans.
D'ailleurs, avoue Anik Shooner, c'est un peu en raison de ces expériences qu'elle accepte de parler de sa profession dans les médias. Certes, cela apporte une visibilité à la firme. «Je le fais toutefois avant tout pour encourager les filles diplômées en architecture à ne pas avoir peur de se partir en affaires.»
Cliquez ici pour consulter le dossier Entreprendre au fémininUne architecte occupée
Bien que ses heures au travail soient passées de 70 à 55 par semaine, l'horaire d'Anik Shooner est toujours rempli de surprises. «Je sais à quelle heure je commence le matin, mais mon horaire est rarement respecté. Un client potentiel qui me joint au sujet d'un projet, un bogue sur un chantier, un changement de dernière minute dans les plans d'un projet, la Ville qui appelle... Il y a toujours des imprévus», dit-elle.
S'ajoutent également ses nombreuses implications bénévoles dans diverses organisations. En plus de participer au cabinet de campagne de Campus Montréal, Anik Shooner occupe le poste de vice-présidente de l'Association des architectes en pratique privée du Québec. Elle est également membre de la section montréalaise du Commercial Real Estate Women (CREW MTL). «C'est beaucoup, mais c'est ce qui arrive quand on aime ce qu'on fait !»
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Entreprendre au féminin
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